Hands Off My Gun !

NE TOUCHEZ PAS À MON ARME !

Voici un livre qui n'a pas trouvé de traduction française pour des raisons évidentes : les folies que l'auteure et journaliste, Dana Loesch, y débite sont à mille lieues de notre continent et de la civilisation tout court. Cette Texane de 39 ans, vedette de certains shows à la télé américaine, collaboratrice de Breitbart News, spécialisé dans "les faits alternatifs", membre du Tea Party, fan de Dump-Trump et surtout la coryphée de la National Rifle Association" NRA ("rifle" = fusil). Bref, ce que le pays de l'oncle Sam a de plus beau à offrir et donc tous d'excellents arguments pour bouder l'écrivaine et son bouquin "Hands Off My Gun !" ou 'Ne touchez pas à mon arme !'.

Si j'ai pris la peine (il serait abusif de dire plaisir) de lire cette sottise c'est dans le but d'essayer de comprendre une facette des États-Unis quasiment incompréhensible pour nous autres Européens. Également à brosser le portrait d'une association à but non lucratif, mais scandaleusement riche, comme lobby un des plus puissants de la nation et hypocritement responsable pour une bonne part de la violence dans ce pays, la glorieuse NRA !

À l'occasion de la récente tuerie dans une école à Parkland en Floride, le 14 février dernier, par un élève de 19 ans renvoyé de l'école pour des raisons disciplinaires et faisant 17 morts - soit 2 de plus que lors du bain de sang à l'école Columbine en 1999 - et en dépit du fait que l'auteur de cette boucherie était menu d'un fusil semi-automatique d'assaut M16, la NRA, dans une réunion une semaine plus tard, est ... passée à l'attaque !
Notre horriblement charmante Dana Loesch et l'homme fort de la NRA, Wayne Lapierre, personnage super-déplaisant, multimillionnaire (pure coïncidence évidemment) et grand manitou depuis 1991 de la NRA, se sont, à tour de rôles, lancés dans des termes ultra-virulents contre la presse, les Démocrates, le FBI et tous ceux qui essaieraient d'aménager les lois américaines en matière de vente d'armes. Voir la photo de la "gun-vamp", lors de la conférence de presse du 22 février, que j'ai ajoutée sur Babelio au bouquin. Leur solution magique : armer les enseignants !!! Et le perroquet national, le judicieux Donald, a déclaré que ce serait peut-être une solution, qu'il convient d'étudier ! Dans un tweet du 25 février, il a même soulevé l'hypothèse d'une prime pour les enseignants armés.
Selon eux, ceux qui veulent restreindre le commerce des armes sont des défenseurs du ... communisme. La bêtise humaine ne devrait plus, à mon âge, m'étonner, mais quand je lis leurs élucubrations, j'ai l'impression de rêver ou plutôt de cauchemarder. Proférer comme adultes de telles âneries à de quoi surprendre n'importe quel humain disposant d'un minimum minimorum de bon sens.

À quand les batailles rangées au Kalachnikov sur les campus américains entre enseignants et élèves, Dana, Wayne et Donald ?
Pourquoi ne pas en faire, pendant que vous y êtes, une nouvelle discipline olympique, ce serait stimulant pour le business et l'emploi ?

Une petite anecdote : Étant bloqué à l'aéroport d'Atlanta en Géorgie, en 2001, je me dirigeais en dehors de l'aéroport en direction de l'arrêt des bus pour fumer une cigarette, je fus interpellé par une sorte de gardien, qui me menaça d'une amende et me fit tout un discours. Au bout d'un moment, en ayant marre, je l'ai interrompu pour lui demander gentiment où je pouvais me procurer une arme à feu efficace ? Sans surprise ni problème, il me passa quelques bonnes adresses. L'ironie ou le sarcasme de ma question lui ayant totalement échappé, ce qui illustre, à sa façon, l'obsession de nombreux Yankees pour les armes à feu.

Dans une réunion avec les gouverneurs des états, le 26 février, la plupart se sont montrés très sceptiques sur les propositions de la NRA et l'armement des enseignants. Et coup de théâtre, 2 jours plus tard, le toujours très conséquent Trump change son fusil d'épaule : il faut impérativement durcir les conditions de vente d'armes en augmentant par exemple l'âge minimal d'achat de 18 à 21 ans (ce qui est entretemps le cas en Floride). Notre pittoresque Dana Loesch a du être sidérée et ahurie, surtout que Trump ajouta avec sa bravade habituelle : "MOI, je n'ai pas peur de la NRA, je n'ai pas besoin de leur appui !" Une fois n'est pas coutume, mais il faut admettre que le Président US s'est montré raisonnable. Plus qu'avec son introduction d'une taxe sur l'importation d'acier, en tout cas.

La NRA a été créée en 1871 visant le maintien de cet anachronisme qu'est le Deuxième Amendement de la Constitution des États-Unis de 1791, qui garantit à tout citoyen américain la liberté de porter des armes et d'avoir droit à l'autodéfense. Et bien que cet amendement ait perdu de nos jours son sens originel et que la qualité d'armes ait foncièrement changé, pour la NRA c'est sa bible et gagne-pain royal. Elle compte plus de 5 millions de membres. L'adhérent paie 40 dollars par an, une somme qui est vite récupérée en toutes sortes de réductions et ristournes à l'achat de billets d'avion, location de voitures, une large gamme de produits et services, parmi lesquels des livres neufs. Ce système d'accords avec de nombreuses sociétés commerciales permet à la NRA de brasser de très larges sommes et de distribuer les dollars comme des cacahuètes. Dans la campagne électorale de l'ingrat Trump, la NRA a versé 30 millions $. L'autre pilier de sa puissance est politique : l'importance de son vote au Congrès et Sénat. L'emprise de la NRA dans les 2 chambres du Parlement a été gravement dénoncée par Obama en 2015.

Je me souviens d'une interview de Michael Moore avec l'image de marque de la NRA, l'acteur Charlton Heston, vers la fin de sa vie, en 2003 et c'était pénible à voir comment un Moore bien préparé et cynique a tourné l'acteur à moitié ou 3/4 gagas et son association en dérision. Quelle idée aussi de vouloir à tout prix garder un très bon acteur, qui déclinait pitoyablement, comme symbole !

Cette fois-ci le duo Loesch-Wayne a apparemment fait une légère erreur de calcul. Différents groupes importants, comme United Airlines, Hertz, Avis, la First National Bank, Delta Airlines...ont mis un terme à leur partenariat qui les liait au puissant lobby pro-armes. En même temps, les valeurs boursières de fabricants d'armes enregistrent une perte à Wall Street, tel le producteur des Smith & Wesson : -5,8%.

Dans son chapitre 9 "Violent Europeans", Dana Loesch - en pur style Breitbart- déclare que le taux de meurtres et de suicides combinés (drôle de combinaison !) dans la plupart des pays européens est supérieur à celui des États-Unis et de lister pratiquement toutes les nations d'Europe, à l'exception du Vatican et quelques pays dont elle n'a probablement jamais entendus parler. Dans une note en bas de page, notre scientifique renvoie à une autre publication, mais sans source aucune de chiffres et statistiques quant à ses affirmations surprenantes ! Et elle n'a pas oublié de mentionner la Belgique, la France et la Suisse (page 183). Bizarrement, le Grand-Duché de Luxembourg manque, mais il est tellement petit, n'est-ce pas !

En préparant cette chronique, je suis tombé sur une photo d'un service religieux de l'une ou autres secte protestante sur laquelle on voit des Américains des 2 sexes et de mon âge (70 ans et plus) sagement assis, le regard pieux, mais une espèce de kalachnikov entre les genoux ...apparemment le ridicule ne tue pas aux États-Unis.

Et c'est dans ces termes que la journaliste et l'auteure, autrement méritoire, du best-seller "Hands to Mouth : Living in Bootstrap Amerca" (sur la pauvreté aux États-Unis), Linda Tirado, a traité la star attachante Loesch : de "risée des États-Unis" et de "vampire ridicule".