AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9791097273330
560 pages
Poisson volant (07/07/2021)
4.52/5   29 notes
Résumé :
Une satire de Jair Bolsonaro (président du Brésil en 2019-2022) sous forme de fable politique burlesque :

Peu après son élection, le président Alessandro Contente, leader d’extrême droite, outrancier et manipulateur, reçoit comme porte-bonheur une tamanoir albinos. Ils cohabitent en parfaite symbiose : Contente est frileux et craint les insectes, tandis que le placide animal n’aspire qu’à rafraîchir son pelage et à gober des fourmis.
Pour parfa... >Voir plus
Que lire après La tamanoirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
4,52

sur 29 notes
5
7 avis
4
1 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Engagé, ambitieux et fun.
Voici un pamphlet à la narration travaillée qui condamne et propose, qui pense et panse, qui amuse et élève. Un livre qui entend nous soulager d'une partie des horreurs d'aujourd'hui et des peurs de demain. Par le rire et par la définition d'une certaine forme de spiritualité du lien.

Dans ce Brésil contemporain si peu alternatif, on est fasciné par la relation à la fois risible et mystique entre cet ersatz de Bolsonaro et la tamanoir, où le maître n'est pas celui que l'on croit. On est encoléré par la vacuité et l'appât du gain dévorateurs qui érigent la dévastation et le meurtre en politiques publiques. On est bouleversé par les sentiments qui unissent Léthé et Charlotte et les façonnent en foyer d'espoir. On est interpellé par le cheminement des protagonistes qui nous rappellent que tout est toujours là depuis le début et que la somme de ce qu'il nous faut abandonner pour espérer nous accomplir est immense.

« La tamanoir » est un tissage fait main d'aventures, de convictions et d'affirmation de ce qui fait sens dans l'être. Une vaste intrication. de la littérature en somme, de la littérature somme. Captivante et nourrissante. Comme une respiration dans une fureur.
Commenter  J’apprécie          3040
Il est de ces livres, comme ça, qui vous happent dès la première page. La perspective du Brésil et de la dénonciation en règle du massacre de l'Amazonie avait évidemment affolé tous mes radars. La plume de ce nouvel auteur a fini de m'emporter. Ou comment évoquer l'infamie en des termes des plus fleuris. C'est désastre, une catastrophe, un drame, une tragédie, et pourtant, c'est un ravissement. Espérons que ce battement d'ailes de papillon fera au moins tomber un domino.
Commenter  J’apprécie          2990
« Ah ! S'il nous faut des fables, que ces fables soient du moins l'emblème de la vérité ! J'aime les fables des philosophes, je ris de celles des enfants, et je hais celle des imposteurs. »   Voltaire, L'Ingénu (1767)

Une fable est un pont fleuri d'humour, d'ironie, de fantastique, conduisant à la vérité. Elle a le mérite de nous la transmettre de manière efficace et originale. Ce livre « La tamanoir » est précisément une longue fable dans laquelle l'auteur, David A. Lombard, en gardien de la Mémoire, nous invite à ne jamais oublier, à convoquer l'histoire et les souvenirs pour éviter la mort des civilisations, ne pas réitérer les erreurs :

« L'emprise de la violence qui conduit à la mort d'une civilisation ne peut se faire que dans l'ignorance et l'inertie des consciences. Éclairée, aucune multitude ne peut être soumise. le principal moteur de toute résistance à la sauvagerie est la mémoire. La barbarie se nourrit de l'oubli ».

Un pamphlet dans lequel, certes vous allez vous régaler de churrascos de poulet, de galletto al primo et d'empadas de boeufs, de moêlleux pães de queijo, de moquecas de lotte à la banane plantain, de roulés de mangue au fromage de chèvre, entre autres. Mais ces mets délicieux de la Fédération d'Amazonie passeront mal tant vous rigolerez, jaune, face aux vilainies de son président, j'ai nommé le fabuleux Alessandro Contente. Président populiste aux méthodes véreuses, qui n'hésite pas à se mettre en scène et à se montrer en héros dans des reconstitutions mensongères pathétiques, à recourir aux exécutions sommaires, aux arrestations abusives, aux massacres d'indiens pour mieux déforester l'Amazonie, à abroger les libertés, à nourrir les réseaux de haine pour mieux diviser. A user et abuser de maitresses. A « réduire en lambeaux le tissu social par la crainte et l'aigreur. Engendrer une attitude antipolitique. Fragiliser l'État de droit. La méfiance de l'autre conduit au repli sur soi, à toutes les phobies : xéno, homo, gyno, myrméco et autres lépidophobies, qui ne sont que la peur de l'imprévisible, de l'incontrôlable, de la vie ».
Impossible de ne pas penser immédiatement à un certain président sud-américain, n'est-ce pas ?

Heureusement, pour faire passer tout ça, de fraiches et délicieuses rasades d'humour nous sont servies tout au long du livre :
« Malgré l'heure avancée, il les reçut dans un impeccable costume trois-pièces, duquel ses chairs abondantes tentaient de s'échapper par tous les interstices, produisant une pression diffuse et constante sur les boutons, coutures, bretelles et autres fermetures Éclair, dont la fonction cohésive peinait à s'exercer sur les tissus précieux et délicats qui enveloppaient son vaste corps. Plus que tout, elle vit un signe de soumission dans le fait qu'il les recevait sans le moindre indice de nourriture à portée de main ».

Voire de franches goulées d'ironie :
« Manifestement, le bien-être des salariés était la priorité des dirigeants de l'entreprise. Cette bienveillance caractéristique de la direction des ressources humaines avait conduit les contremaîtres à garantir aux ouvriers qui dormaient sur place des prostituées trois soirs par semaine et de l'alcool tous les samedis soir ».

Le titre, « La tamanoir » est quelque peu énigmatique, cet animal étant habituellement mis au masculin. Cet animal aux longues griffes, au museau oblong et à la grande langue toute rose se nourrissant de fourmis est l'animal de compagnie vénéré d'Alessandro Contente. Nous découvrons une relation à la fois risible, pathétique et mystique entre les deux. Contente est frileux et craint les insectes, tandis que le placide animal n'aspire qu'à rafraîchir son pelage et à gober des fourmis. le maitre ne sera pas forcément celui que l'on croit de prime abord… le président Alessandro Contente devenant peu à peu Alessandrinho. La tamanoir n'est pas sans nous faire sourire également :

« La Tamanoir sursauta, se remit à quatre pattes à contrecoeur, lança un dernier regard humide de plaisir au détective Tuluké et se dirigea vers la chambre à coucher, où son panier reposait au pied du lit king size dans lequel le président recevait ses maîtresses. Heureusement, la télévision était branchée sur la chaîne du Sénat ».

Autres animaux mystiques et fabuleux très présents, les Diamantes, papillons géants vénérés par les Premiers de la forêt (les peuples indigènes). Leurs grandes ailes ont la beauté et la fragilité des fleurs, et la vivacité de celles du colibri, mais l'abdomen des mâles porte un venin plus dangereux que celui du serpent corail. Ces papillons ne peuvent survivre sans le sel des autres animaux, sel présent dans la sueur et les larmes. Leur présence, rare, donne lieu dans cette fable à de magnifiques récits et d'esthétiques scènes…

Ce livre se fait également épopée. Un ensemble de personnages des quatre coins du globe vont se retrouver à la recherche d'une rivière en pleine Amazonie, rivière symbolique et métaphorique de la vie qui se raréfie puis disparait si nous n'y prenons pas garde et n'entretenons pas le devoir de mémoire.

« La rivière devient ruisseau, se perle en flaques. Bientôt, il n'y aura plus rien ici qu'une enfance d'humanité, une grande paralysie de l'Histoire, un gel du lien au passé. le peuple aveugle sera alors guidé par le pouvoir vers sa perte ».

Cette fable, entrelacement d'aventure, d'érudition et de fantastique, est d'une actualité incroyable pour réfléchir aux racines du populisme et modifier le cas échéant le cours effrayant de l'histoire, un message à nous qui avons « entre les mains le ciseau qui grave le marbre des ans ». Un tissage qui nous tient en haleine tout en nous nourrissant, combo cousu d'une écriture fluide et intelligente. Je laisse le soin à l'auteur de conclure en ces temps d'élection :

« Il faut cesser de se demander pourquoi le candidat populiste est assez bon pour tromper son monde. Après tout, il est dans son rôle. La vraie question est pourquoi les électeurs sont assez mauvais pour l'avoir élu. Il y aura toujours des candidats sournois, menteurs, incompétents ou malveillants. Ce qui change vraiment, c'est l'acuité du vote. C'est seulement ainsi que vous trouverez la faille ».

A noter la beauté du livre et la qualité de la maison d'édition, le Poisson volant, qui a pour particularité de proposer des livres traduits du portugais. Sans aucun doute des livres qui sortent des sentiers battus si on en croit ce livre original !
Commenter  J’apprécie          23237
La chute burlesque d'un leader populiste d'extrême droite s'intègre dans un kaléidoscope d'histoires qui s'entremêlent, et finissent par ne former qu'un seul chant polyphonique : celui de l'humanité en lutte pour défendre la démocratie, la liberté d'expression et l'intégrité de notre fragile écosystème. Les moments les plus jouissifs sont ceux où le leader de la Fédération Démocratique d'Amazonie est débordé par sa propre mégalomanie, qui le fait entrer sans cesse en conflit avec son entourage intime ou politique. Entre deux rires, s'insèrent des scènes spectaculaires, d'autres émouvantes, d'autres encore poétiques.
Commenter  J’apprécie          1920
« On ne raconte pas de fable à des enfants endormis. Proverbe rundi. »

Voici une fable écologique, politique. Sous son masque se profilent les rides d'une gravité extrême.
« La Tamanoir » est un certes un fourmilier géant. Ici, c'est une femelle blanche et douée d'anthropomorphisme, qui est le fil rouge. (Ne la quittez jamais des yeux). Adoptée par Alessandro Contente, un sombre dictateur d'extrême droite. Un homme fou, calculateur, sombre, obnubilé par ses prises de décision sur le monde.
La trame est d'une richesse incommensurable. Elle pointe du doigt là où ça fait mal. Nous sommes en plongée au coeur de la Fédération Démocratique d'Amazonie. Les fragments s'entrecroisent. Les signaux sont vifs et implacables. Les enjeux géopolitiques, les déflagrations d'une planète en proie à la main-mise des maîtres du monde. Alessandro Contente est le double de Jair Bolsonaro.
« Saletés d'opportunistes ! Ordures de marxistes ! Tous les prétextes sont bons pour me critiquer au nom de leur soi-disant morale de gauche ! Hurla Contente, son poing s'écrasant sur la table. »
Le peuple est pris au piège. L'histoire encercle les communautés d'Indiens. le génocide implacable des tribus qui vivent en autarcie en pleine forêt d'Amazonie. Les ONG s'activent. le récit est un message qui sonne l'heure du glas. Il détient les clefs et déverrouille les diktats grinçants, les chaos, l'effet dominos à grande échelle. L'homme est un loup pour la planète. Les damnations faites homme. On ressent le péril du cosmopolite en coquille dans les mains de l'auteur David A. Lombard. Vous dire combien ce texte est une opportunité, une chance de saisir l'ultime parole sage. Il réveille, questionne, bouscule et interpelle. On s'attache à Léthé, siamois avec Greta Thunberg , la parabole environnementale pour armure et l'utopie d'un autre monde plausible. Les caricatures sont soulignées avec habileté sans passage en force. Marionnettes dont l'auteur manie les fils avec brio.Cette satire est impressionnante. D'utilité publique, elle devrait être lue par tous les hôtes de ce monde. « La Tamanoir » est un miroir où les fissures sont irréversibles. Entre les mouvements d'un conte aux anti-héros que nous croisons chaque jour, il y a la force complice des engagés. « La Tamanoir » est une urgence de lecture, un phénomène éditorial. de part son attrait époustouflant, sa maîtrise et son pouvoir intrinsèque.
« En 1920, le chaman et chef Yanomani Davi Kopenawa déclarait : Les blancs détruisent l'Amazonie parce qu'ils ne savent plus rêver. 
A noter : une préface érudite de Jean-Paul Delfino. Publié par les majeures Éditions le Poisson Volant.


Commenter  J’apprécie          1390

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Décidément, cette nouvelle courtisane prenait trop ses aises. Elle s’était même permis de dire du mal de Fifille. Il avait bien fait de la mettre à la porte. L’humiliation attiserait certainement son désir et leur prochaine entrevue n’en serait que meilleure.
Le président songea à cette admirable analyse de Joyce et Bloom dans le Diário de Amazonia sur libido et quête de puissance. Il n’y avait pas que des torchons dans ce journal. Selon ces auteurs, plusieurs études ont montré un lien entre capacité de séduction et aptitude au pouvoir chez les hommes. « Depuis les prémices de l’homo sapiens trois-cent mille ans avant nous, les supermâles sont les leaders naturels de leur groupe social », soulignait Bloom. « D’Alexandre le Grand à John Kennedy, on reconnaît un meneur naturel à ses réserves inépuisables de désir », surenchérissait Joyce. La conclusion lui plaisait encore plus que le reste de l’article. Le président la connaissait par cœur : « Le véritable Dominant, celui qui surpasse tous les autres, est celui qui place le goût du pouvoir au-dessus de sa concupiscence. » Ces brillants sociologues voyaient juste : le président de la Fédération Démocratique d’Amazonie surpasserait César et Napoléon.
Commenter  J’apprécie          1330
Dans le milieu confiné que constitue une plateforme pétrolière, l’échange de livres est un des modes majeurs d’interactions sociales extraprofessionnelles.
Selon une célèbre analyse de Pamuk et Shékuré publiée dans Revisão sociológica da Amazônia, dans l’acte de partage d’un livre, ce n’est pas la dimension économique, voire écologique, qui prime. Le partage de ce condensé de mots que forment les objets littéraires renvoie l’individu aux premiers moments de sa vie, lorsque ses parents lui font don du langage, présent qu’il ne reçoit pas comme objet, mais comme fragment assimilé organiquement à son être pensant en cours de développement. En partageant des livres, les humains fondent un trésor commun sur la matrice de l’intime.
Commenter  J’apprécie          1300
A force de semer des idioties à pleines mains, de provoquer des diarrhées d’enthousiasme sans pensée, de lancer des mots d’esprit de charlatan au lieu d’idées nettes et précises, nous voilà arrivés au fascisme. Et nous n’avons retenu que très peu d’enseignements, bien que la leçon nous ait été administrée avec toute l’amertume de l’huile de ricin, toute la dureté de la matraque, qui fait couler le sang et donne aux visages le rictus de la mort. […] Les démagogues sont de tous les temps et de toutes les couleurs. »

Camillo Bernieri, De la démagogie oratoire (1936).
Commenter  J’apprécie          1080
Selon l’aphorisme de Hesse et Haller, bien connu des analystes politiques, « le transvasement à haut risque de contenu toxique de la vie privée vers la vie publique passe pour du pittoresque en début de mandat, pour les prémices d’un déclin en milieu de mandat et pour le chant du cygne en fin de mandat ».
Commenter  J’apprécie          1280
Durant quelques jours, elle envisagea même sérieusement d’imiter la règle stricte de l’auteur de 1Q84, à côté de laquelle celle de Saint Benoît n’était qu’une spécieuse incitation à la débauche. Un café noir à quatre heures du matin, dix pages noircies avant le déjeuner, un semi-marathon en guise de digestion, trois heures de lecture, une heure musicale mêlant Charlie Haden, Ella Fitzgerald et Keith Jarrett, une heure de Beethoven, coucher à vingt heures.
Elle en retira des brûlures d’estomac, beaucoup de courbatures et des ébauches narratives baroques dans lesquelles les personnages n’aspiraient qu’à manger et dormir.
Commenter  J’apprécie          442

autres livres classés : écologieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus

Autres livres de David A. Lombard (1) Voir plus

Lecteurs (55) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4799 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..