Une expérience n'est pas l'autre, nos psychologues nous le répètent assez, mais qu'elle est douce cette communion de fragilités apprivoisées!
"Si le feu brûlait ma maison, qu'emporterais-je?
J'aimerais emporter le feu"
Jean Cocteau
N’oublie jamais que la poésie mange toutes les colères ! Toutes !
Je me réveille,
liquide précieux, murmuré à la petite cuillère.
L’animal amer qui ruait dans mes sangs englués s’en est allé.
Il a bondi,
dans la blancheur de ma nuit,
profitant de ce ralentissement sucré-salé de moi-même.
Je me sens légère.
Je vagabonde dans le calme de mes résolutions.
En quête de ma tribu organique.
Je suis prête.
La vase communicante s’épanche
à toutes les cachettes de mon existence.
Je suis cernée.
Mes enfants me dévorent.
Mon fiancé se montre jaloux.
Je suis cernée.
Ma famille me voudrait rationnelle.
Mes amis, noctambule.
Je suis cernée.
Je vais devoir m’enhardir entre les lignes.
Je me sentais tellement fragilisée que l’idée même de me remettre en question sur plusieurs fronts à la fois me paralysait totalement. Pas assez de force pour nettoyer la vase accumulée dans le fond de l’aquarium. Pas assez de cran à ce moment-là, ni pour assumer ma part de responsabilités ni pour pointer celle de l’autre. Peur de boire la tasse, peur d’admettre que la maladie a accéléré le délitement des sentiments. Sauf dans mes cahiers intimes…
Vivement que tu puisses recevoir mes cajoleries pour ce qu’elles sont : des caresses pour l’âme. Et Dieu sait que ça fait du bien d’être caressée là aussi !
De l’extérieur, ça ressemble à un coup de hache sur des ailes mais de l’intérieur, cela s’apparente plutôt à une lente descente vers un point de non-retour. Je n’ai pas voulu entendre de nombreux signaux pour ce qu’ils étaient vraiment.
Harnaché, saturé, gavé,
J'ai abîmé mon corps en tanière inquiétante,
Souterraine et inaccessible aux sirènes de mon éreintement.
Tapisseries verdâtres. Désirs camisolés.
Sol hérissé d'organes asphyxiés, méconnaissables.
Je carbure aux trompe-l'oeil (maquillage-vitamines-surdosages)
Pour amadouer le plongeon terminal.
Ma vie est un long stress tranquille.
Je mange en courant, je cogite en baisant,
J'aide, je porte et j'oublie en buvant.
Là-haut, dans son bureau, ma carcasse funambule compte ses jours,
Avant l'irruption de l'intraitable vertige.
Déposer mon attirail. Ma collerette, mes sabres. Ranger mon masque.
M'asseoir dans le canapé. Diminuée. Honteuse.
Ecouter le bruit des devoirs s'éloigner.
Détacher une feuille de papier.
Fermer les yeux.
Pleurer.
Et toi, mon amie, tu es l'une des nôtres. Tu fais partie de notre troupe de gitanes, même si tu te sens encore claudicante et sans élan. Demain, tu te réveilleras contorsionniste, trapéziste ou cracheuse de feu. Dans un corps redompté. Avec la bienveillance de celles qui renaissent de très loin. L'âge ne sera même plus une discussion.