Musiques confidentielles

Un bonnet duquel s’échappe une avalanche de boucles brunes surplombe une silhouette assise sur un banc. Oscar émiette son pain au chocolat pour en lancer de petits morceaux aux pigeons.
J’aimerais être photographe pour saisir l’image tant elle est belle. Un parterre d’oiseaux au dégradé de gris vrombit à ses pieds tandis que se reflètent, quelques mètres plus loin, les rayons de ce soleil d’hiver sur le point de disparaître comme aspiré par le miroir du lac. Malgré les petits mouvements que font ses doigts sur la viennoiserie, la silhouette semble figée dans une temporalité suspendue. Le monde s’agite autour d’elle, vaque, court, se promène tandis qu’elle se tient là, spectrale, imperméable aux agitations du temps qui passe. On a le sentiment que si on la filmait et que l’on passait la bande en accéléré, on ne verrait qu’elle, sa silhouette sombre, se détachant nettement du flou des mouvements tout autour. Derrière elle, les griffes noires des arbres aux articulations bourgeonneuses qui n’ont pas encore retrouvé leurs gants végétaux complètent cet étrange tableau.