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Critique de Amakir


« C'est ainsi qu'Eva s'est mise à danser au rythme implacable du métronome. Elle a appris à convoquer sa propre musique. C'était comme si sa nature sauvage luttait pour sortir. »

Danse Eva, Danse ! Tourne, saute et vole !

Dans un monde dystopique où la civilisation se brise en mille morceaux, Nell et Eva se reconstruisent.
Une forêt et une maison en son centre, où règnent alternativement la peur, le courage, le doute, l'amour, la cruauté, le réconfort, les cicatrices, les rires et les cris. Dans la maison, deux soeurs prêtes à tout pour vivre et aimer.

Lors d'une flânerie en librairie, j'ai été séduite par la couverture au contraste étourdissant entre la prodigieuse grandeur des arbres et la petite taille non moins frappante des deux jeunes femmes.
Dans la forêt (BD) de Lomig en bande-dessinée m'a été offerte avec amour et fait partie des plus belles oeuvres que j'ai découvertes cette année.
Le roman de Jean Heglang n'étant pas dans mes priorités, cette bédé a été un compromis réjouissant.

La terre, vêtue de sépia, voit pousser des troncs immenses dont les branches feuillues ou épineuses se projettent vers le ciel en laissant passer la chaleur du soleil. Soulagée par le déclin de l'humanité, la sphère est plus belle que jamais et la nature tente de retrouver sa place légitime.

« C'est comme si nous n'étions qu'un paquet de besoins qui épuisent le monde. »

J'aime particulièrement cette scène où la mère plante seule ses tulipes, en échappant à l'inéluctable le temps d'un moment de réconfort, pendant lequel elle aurait aimé se confier et préparer ses filles au deuil.

« Quand les premières feuilles de tulipe ont pointé de la terre humide, il n'était plus possible d'échapper au fait qu'elle se mourrait. »

Une saison plus tard, Nell observe les liliacées en floraison dans la prairie, seule avec ses souvenirs, la bulle muette...


J'ai été saisie par l'éclat des planches au réalisme confondant. La forêt est remarquablement plantée. En fermant les yeux, je me suis imaginée planer entre les pages, prenant place parmi les conifères, pieds nus dans la terre et l'herbe fraîche.
Le temps d'une inspiration, j'ai senti l'humus. À l'expiration j'ai entendu les brindilles craquer au sol et les oiseaux s'envoler.
Une bande dessinée dans laquelle j'avais si souvent envie de me fondre, en dépit de la pandémie dévastatrice…

« C'était comme si la forêt m'enlaçait telle une mère avec son enfant. Je me laissai aller. Je n'étais plus ni seule, ni angoissée, ni vulnérable … Ma peur m'avait complètement quittée. J'étais en paix. »

Le silence apaise les dessins dépourvus de mots. de nombreuses vignettes nous offrent l'image sans le son. Quelle délicatesse...
Plusieurs passages intenses habillent une grotte en pleine forêt. de la tendresse à l'érotisme, puis de l'étreinte à la vie nouvelle.

Par la pointe de son crayon, Lomig anime et inspire ses personnages. Les scènes de danse sont particulièrement magiques. Eva, de sa superbe, s'élance et vole au son du métronome en se créant sa musicalité. Nell, émouvante enfant, la suit du regard avec admiration, les yeux baignés de larmes.

« Je me surprends même parfois à entendre la musique sur laquelle elle danse. »

La troublante complicité des deux soeurs s'intensifie progressivement et aussi sûrement que la maison s'effondre… Elle vont devoir faire successivement leur propre choix de vie et puis… La délivrance…

« Il ne nous reste plus qu'à entrer dans la forêt pour de bon. »


Lue en avril 2021
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