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EAN : 9782070749140
112 pages
Gallimard (21/03/1997)
4/5   1 notes
Résumé :
Ces feuillets griffonnés de prison par Artur London, en 1954, et transmis clandestinement à sa femme, sont la source et le noyau originel de ce qui est devenu, treize ans plus tard, à l'époque du printemps de Prague et de son écrasement par les chars soviétiques, L'Aveu, ce grand classique de la littérature antitotalitaire.
Le lecteur, même peu informé de ce que furent les grands procès communistes - et notamment le procès Slanski (1951), dans lequel fut impl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Vous vous souvenez certainement de cette affiche de « L'Aveu », du film de Costa Gavras, où l'on voyait le visage torturé d'Yves Montand en gros plan, chaussant de petites lunettes noires… Ce film avait fait le tour du monde comme symbole de l'antitotalitarisme. Yves Montand y incarnait alors Artur London, et Simone Signoret jouait le rôle de Lise London, son épouse.

Artur London avait été inter-brigadiste en Espagne et membre de la Résistance française, et était revenu s'installer en Tchécoslovaquie, après la guerre, en 1948.
C'est alors qu'il était devenu vice-ministre tchécoslovaque des Affaires Etrangères, dans le gouvernement communiste installé par l'U.R.S.S.
Mais les purges staliniennes guettaient, et comme tant d'autres anciens brigadistes et résistants à l'étranger, Artur London tomba en disgrâce et il fut arrêté en janvier 1951.
Alors qu'il était lui-même juif, on l'accusait d'avoir été la cause de l'arrestation, de la déportation et de la mort de centaines de juifs. Il était accusé de sionisme, d'activités anti-Parti, et on voulait ses aveux dans ce sens. S'il ne passait pas aux aveux, on le menaçait de mettre sa femme en état d'arrestation. Des machinations de la Sûreté étaient faites pour compromettre jusqu'aux familles tout entières.

Il fut condamné à la prison à perpétuité en novembre 1952 dans le procès stalinien dit du « centre de conspiration contre l'Etat », dont 11 co-accusés, avec en tête le chef du Parti communiste tchécoslovaque Rudolf Slansky, furent pendus.
Artur London a été l'un des trois accusés à avoir échappé de peu à la corde dans ce procès truqué.
Il fut libéré en 1955, puis réhabilité. Il se réfugiera en France.
C'est grâce, entre autres, à l'intervention du Parti communiste français qu'Artur London n'a passé que cinq ans en prison à Prague.

C'est à la suite d'une polémique émanant d'un historien tchèque, Karel Bartosek, sur la véracité du témoignage d'Artur London, l'auteur de
« L'Aveu », que Lise London, son épouse, rendit public ce document inédit
« Aux sources de l'Aveu », écrit par son mari en prison, et ayant servi de canevas au célèbre récit. En dévoilant au public ces pages rédigées de la main de son mari en prison, elle contre-attaquait pour faire taire une
« campagne pleine d'ignominies ».

A chaque fois qu'Artur London transmettait clandestinement ses petits manuscrits à son épouse, il lui demandait expressément de les détruire, aussitôt qu'elle avait pris connaissance de leur contenu. Heureusement qu'elle ne les avait pas détruits !

Ce texte d'une soixantaine de pages, a été publié par Gallimard (en 1997), qui avait édité précédemment le best-seller, « L'Aveu », en 1968, au moment du « Printemps de Prague », écrasé par les chars soviétiques.
Ecrit en français, en très petit, au crayon noir, sur du papier très fin (des petites feuilles de papier à cigarettes « Riz-la-+ »), il avait été transmis par Artur London clandestinement à sa femme, en février et mai 1954, alors qu'il était détenu dans la prison de Ruzyne, à Prague.
Plusieurs pages de ce manuscrit figurent dans cet ouvrage (dont l'une a été fortement agrandie).
Ce manuscrit est un texte brut. Il est la source, et donc le noyau originel de
« L'Aveu ».

Tous ces petits feuillets manuscrits n'étaient pas destinés à être publiés. S'il les écrivait, c'était pour pouvoir informer le Parti communiste français des conditions inhumaines dans lesquelles il était emprisonné, en Tchécoslovaquie, et des accusations mensongères proférées à son encontre.
« L'investigation n'est pas menée pour établir si l'accusé est coupable ou non. La culpabilité est admise d'avance et la décision du Parti par laquelle l'arrestation était réalisée est la preuve de la culpabilité. » Ce sont les premiers mots de son témoignage.

Dans ce document, Artur London décrit dans des pages bouleversantes, les tortures physiques et mentales qu'on lui fait subir pour extorquer ses
« aveux ».
C'est un témoignage sur les procédés de la police politique et des
« conseillers soviétiques » dans les années 50.
La force de ce document « brut » tient dans sa sécheresse et sa précision.
Il démonte dans l'urgence, les rouages et les perversités de la mécanique stalinienne.
Il va subir un vrai supplice. Maintenu à l'isolement, il va être interrogé jour et nuit -surtout les nuits. On le laisse dormir 2 à 3 h par 24 h, et son sommeil est continuellement interrompu sous différents prétextes… Ainsi les quelques heures de sommeil se réduisent à presque rien. Ensuite, il doit marcher dans sa cellule pendant 16 h sans arrêt, puis suivent 4 à 5 h d'interrogatoires et cela pendant 6 mois durant !

Ses semelles aux pieds sont coupantes, ses interrogatoires se font en station debout, en ayant les yeux bandés. On refuse de lui donner ses médicaments pendant des mois, alors qu'il est atteint par la tuberculose.
Et quand on finit par lui donner son « Pneumothorax », c'est en lui disant :
« Des salauds comme vous, on ne les soigne pas. Si on le fait maintenant, c'est pour ne pas vous faire crever avant votre procès. Il est nécessaire et utile de vous faire mourir à la potence pour servir d'exemple d'intimidation à d'autres ennemis comme vous. »

Pour abréger ce supplice, il fait plusieurs fois la grève de la fin, devient un squelette, essaie plusieurs fois de se suicider, par exemple en avalant des têtes d'allumettes pour s'empoisonner…
En avril 1956, à son retour, son fils Gérard (qui n'avait que 8 ans, quand il fut arrêté) dira : « Quand j'ai revu mon père pour la 1re fois, il était dans un état piteux : il avait perdu ses cheveux, il était gris, il avait un teint cireux, jaunâtre. Mais c'était mon père… »

Artur London faisait partie avec son épouse, de cette génération qui croyait qu'un monde meilleur se construisait à l'Est.
Après sa libération en 1956, il ne voulait plus vivre dans le pays où ceux qui l'avaient condamné étaient toujours au pouvoir. Quand en 1963, London, réhabilité, quitte la Tchécoslovaquie, et s'installe en France, il apparaît alors comme un homme profondément atteint, meurtri par l'appareil dont il n'avait compris la logique perverse que lorsqu'elle l'avait broyé, mais qui, de tout ce qui lui restait d'espoir et de flamme, croyait ou voulait croire à la possibilité d'« un socialisme à visage humain ».
Dans les années 1970-80, Artur London a critiqué les pratiques du régime Husak et organisé des campagnes pour la protection des Droits de l'Homme dans la Tchécoslovaquie d'alors.

Le mérite de ce texte est d'avoir montré, pour la 1re fois, le rôle des Soviétiques dans les procès, le fait que tout était organisé par avance, que le sort des accusés était fixé, quelles que soient leurs déclarations… Tout était programmé… Et ceux qui se battaient de bonne foi, comme Artur London, pour un monde meilleur, ne pouvaient pas soupçonner l'existence de ces pratiques staliniennes.

Je pense que chacun, à la lecture de cet ouvrage, ressentira à la fois la force et la détresse de cet homme qui n'avait plus rien à perdre.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Pour manger le peu de nourriture que je recevais, je devais me mettre à terre sur 4 pattes comme une bête pour approcher la bouche aux bords de la gamelle vers lesquels j’arrivais avec les mains enchaînées à pousser la nourriture que la gamelle contenait. Le plus épouvantable était le manque de sommeil. En plus des crises de folie mentionnées, j’avais souvent des hallucinations épouvantables ;
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Anne SINCLAIR trace un portrait de Jorge SEMPRUN que celui-ci commente : origine sociale (haute bourgeoisie) l'internement à Buchenwald, parallèle entre goulag et camp de concentration. SEMPRUN dit avoir été un intellectuel stalinien, dit pourquoi il est devenu communiste, parle de"L'Aveu" d'Arthur LONDON et du film qu'en a tiré Costa GAVRAS, de l'attitude fluctuante du parti à leur égard,...
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