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Philippe Mortimer (Autre)Philippe Mortimer (Traducteur)
EAN : 9782377291496
160 pages
Libertalia (03/09/2020)
4.24/5   21 notes
Résumé :
Nouvelle traduction des deux nouvelles South of the slot et The dream of Debs.

« J’en ai assez de vos variations ineptes sur le sacro-saint droit de travailler.Vous avez accablé la classe ouvrière, et vous l’avez truandée tant et plus, et la classe ouvrière vous rend aujourd’hui la monnaie de sa pièce et vous accable à son tour, voilà tout... Et vous, vous poussez les hauts cris, vous couinez comme des cochons qu’on égorge ! »

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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
De la prolifique biographie de Jack London, la postérité aura surtout retenu des oeuvres comme « Croc blanc » ou encore « L'appel de la forêt », devenus désormais des classiques de la littérature. On sait moins que l'auteur s'est également livré à l'écriture de nouvelles, dont deux ont justement été réunies dans ce mini recueil intitulé « Grève générale ». La première, « Le Rêve de Debs », relate une grève générale imaginaire qui se serait déroulée à San Francisco au début du XXe et qui aurait totalement renversé le rapport de force entre ouvriers et patrons. La seconde, « Au sud de la fente », relate le parcours atypique d'un sociologue très conformiste qui, pour les besoins de ses travaux sur la classe ouvrière, va endosser une fausse identité en la personne d'un chauffeur syndicaliste. Seulement l'homme a de plus en plus de mal au fil des mois à ne pas laisser sa personnalité prolétarienne prendre le pas sur celle du sage et rigide professeur bourgeois. Les deux textes sont ici réunis par les éditions Libertalia et ont pour principal point commun de traiter de domination et de rapports de force au sein de la société de la fin du XIXe – début XXe, tout en se livrant au périlleux exercice de l'anticipation politique. Les similitudes entre les nouvelles ne s'arrêtent cependant pas là et sont très bien détaillées dans une concise et intéressante notice rédigée par le traducteur de cette nouvelle version, Philippe Mortimer. L'occasion de rappeler l'engagement politique marqué à gauche de l'auteur de « Croc blanc », et de replacer les deux récits dans leur époque en retraçant, dans les grandes lignes, les particularités de la classe ouvrière et de ses combats dans les États-Unis du début du siècle. L'occasion, aussi, de tisser d'autres parallèles entre ces deux textes, au-delà de celui, évident, de la mise en lumière de la question de l'organisation des travailleurs par eux-mêmes, et donc des syndicats. La dimension satirique des deux textes est notamment habilement soulignée par le traducteur, Jack London se plaisant à représenter un patronat tellement déconnecté de la réalité et bouffi d'arrogance qu'il en devient presque comique. Enfin, le lieu dans lequel se déroule l'action des deux nouvelles est le même, San Francisco, ville natale de l'auteur qui aura été durablement marquée au début du siècle à la fois par l'ampleur de ses mouvements sociaux mais aussi et surtout par le tragique tremblement de terre qui secoua la cité en 1906 et la détruisit presque intégralement.

Au delà de l'intérêt qu'ils suscitent en terme de réflexion politique, qu'en est-il de la qualité littéraire de ces deux textes ? Seraient-ils aujourd'hui totalement démodés et peu compréhensibles pour des lecteurs du XXIe ? Et bien non. On prend énormément de plaisir à lire chacun d'entre eux, quoique pour des raisons différentes, et la plume de l'auteur se révèle au moins aussi efficace que dans « Croc blanc » ou ses autres oeuvres plus connues. « Le rêve de Debs » fait la part belle à une grève générale suivie par la totalité de la classe ouvrière de la ville, ce qui contraint l'élite locale à faire la dure expérience de conditions de vie détériorées (manque de nourriture, absence de domestiques, insécurité, difficultés pour se déplacer…). le tout nous est raconté par les yeux de l'un de ces grands patrons, qui prend conscience, avec une incrédulité croissante, que toute sa fortune et sa position sociale ne sont pas le fruit de son labeur mais de celui des autres. L'auteur choisit dans un premier temps le registre de l'humour, multipliant les scènes qui feront sourire le lecteur d'aujourd'hui aussi sûrement qu'il amusait celui du début du siècle dernier. On assiste en effet à des scènes assez cocasses au cours desquelles ces grands patrons s'empressent de faire le tour des petits commerces de la ville pour faire des stocks de farine ou de bougies, ou alors s'indignent au sein de leur petit cercle de l'audace de cette classe ouvrière qui ose revendiquer de meilleures conditions de travail et un droit à l'auto-gestion. La nouvelle se fait peu à peu plus dramatique à mesure que les effets de cette cessation totale d'activité croissent en intensité : le patronat meurt littéralement de faim, ce qui donne lieu à des scènes sanglante que l'auteur se contente souvent d'esquisser sans rentrer dans les détails, tout en parvenant malgré tout à nous en faire ressentir toute la violence. Nul besoin ici d'avoir de grandes connaissances sur les rapports de classe dans les États-Unis de l'époque pour apprécier toute la saveur du texte de London, même si quelques notes de bas-de-page permettent de mieux comprendre quelques références sous-jacentes (le titre, par exemple, est un hommage à Eugène Debs, syndicaliste et militant socialiste particulièrement populaire au sein de la classe ouvrière entre 1900 et 1920).

Le second texte se rapproche davantage d'un autre classique de la littérature, le fameux « Docteur Jekyll et Mr Hyde » de Robert Louis Stevenson. Jack London imagine en effet un individu peu à peu tiraillé par une seconde personnalité, totalement contraire à celle d'origine mais qui va finir par avoir une incidence de plus en plus prégnante sur sa vie. Si on peut là encore tout à fait apprécier pleinement la qualité littéraire de l'ouvrage sans contextualisation particulière, celle-ci me paraît ici bien plus intéressante pour prendre vraiment conscience de la portée satyrique et politique du texte. Les deux personnalités entre lesquelles se partage le protagoniste du récit sont en effet deux figures centrales de la société américaine de l'époque : Freddie Drummond, le sociologue hautain, est ainsi un clin d'oeil aisément identifiable par les contemporains de l'auteur à Frederick Taylor (concepteur d'une organisation scientifique du travail à laquelle on a donné son nom) tandis que Big Bill, le prolétaire qu'il « joue » lorsqu'il se rend dans les bas-quartiers de San-Francisco, est une référence évidente à Big Bill Haywood, syndicaliste notamment à l'origine (avec Debs, justement) de la création du très combatif syndicat IWW (Industrial Workers of the World). le contraste entre ces deux figures, à priori totalement antinomiques et pourtant réunies ici dans un même corps, provoque là encore l'amusement du lecteur qui suit avec beaucoup de plaisir les rencontres et les choix opérés par chacune des deux personnalités. Cette double vie ne peut cependant pas durer, et Freddie devra faire un choix qui, s'il ne surprendra guère le lecteur, n'en manque pas moins de panache et permet à l'auteur de terminer sa nouvelle sur une scène d'anthologie jouissive.

Avec cette nouvelle traduction de deux courts récits de Jack London, les éditions Libertalia offrent la possibilité de se familiariser avec une facette méconnue de l'auteur de « Croc blanc » qui opte ici pour l'anticipation sociale et la satire. Dans « Le rêve de Debs » aussi bien que dans « Au sud de la fente », on retrouve une même volonté de questionner la place de la classe ouvrière et les possibilités d'amélioration qu'offrirait une union de tous les prolétaires au dépens des propriétaires. Au delà de leur aspect politique, ces deux textes peuvent également être appréciés par ce qu'ils révèlent du contexte social et politique des États-Unis du XIXe, ainsi que pour l'humour et l'agréable balade qu'ils proposent dans le San Francisco du début du siècle.
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Deux nouvelles sociales de Jack London. Il raconte les conséquences d'une grève générale et la grande vulnérabilité des possédants, absolument désarmés face à une classe ouvrière très organisée, puis l'intrigant dédoublement de personnalité d'un sociologue un rien psychorigide dont le personnage d'enquête dans les milieux prolétaires va peu à peu gagner son autonomie.

LE RÊVE DE DEBS
San Francisco se réveille dans un complet silence. Comme dans tous les États-Unis, une grève générale vient d'être déclarée, réalisant le grand rêve d'Eugene Debs, agitateur syndical et militant socialiste. Corf, le narrateur, n'est pas trop inquiet et compte sur le gouvernement fédéral pour la briser sans tarder. Mais cette fois la classe ouvrière s'est particulièrement bien préparée, accumulant pendant des mois, dans le plus grand secret, d'abondantes provisions dissimulées dans les foyers. Tout est calme, aucune échauffourée ne vient troubler l'ordre public, pourtant au club où il se rend comme à l'accoutumé, la plus grande confusion règne : « Il n'y avait pas d'olives pour agrémenter les cocktails, et le service laissait grandement à désirer. » Bertie Messener, riche héritier, provocateur et cynique, exacerbe la colère et prend un malin plaisir à enflammer les débats : « Vous et vos copains, vous commencez sérieusement à me fatiguer. Vous employez tous des ouvriers non syndiqués. Vous m'avez assez rebattus les oreilles avec vos grands discours ronflants en faveur de la liberté d'embauche et du droit des hommes à travailler… Ça fait des années que vous m'infligez vos harangues antisyndicales. La classe ouvrière ne commet aucun crime en se mettant en grève générale. Elle ne viole aucune loi humaine ou divine. (…) Vous ne pouvez échapper aux conséquences inévitables de vos actes. Tout cela résulte d'une petite arnaque sordide. Vous avec accablé la classe ouvrière, et vous l'avez truandée tant et plus, et la classe ouvrière vous rend aujourd'hui la monnaie de sa pièce et vous accable à son tour, voilà tout… Et vous poussez des hauts cris, vous couinez comme des cochons qu'on égorge ! » Cette scène est certainement la plus croustillante et la plus jubilatoire. Toute la mauvaise fois et l'hypocrisie de la classe possédante y sont mises en lumière avec un talent certain. Et bientôt, la famine guette. Comme quoi, avec un peu d'organisation…


AU SUD DE LA FENTE
Freddie Drumond, professeur de sociologie à l'université de Californie, s'immerge non sans difficultés parmi les ouvriers, pour rédiger des ouvrages « d'une irréprochable orthodoxie politique et économique », « contribution perspicace et judicieuse à la saine littérature du Progrès, doublée d'une superbe réfutation à la pernicieuse littérature de la Protestation » selon ses nombreux laudateurs, débordants de généralités « péremptoires et erronées ». Il adopte un rôle qu'il va, petit à petit, jouer avec de plus en plus de conviction et bientôt Bill Totts, de son nom d'emprunt, dit Big Bill, « buvait comme un trou et fumait comme un sapeur, jactait le plus pur argot et ne renâclait pas à la bagarre ». Devenu sa « seconde nature », il ne jouait désormais plus la comédie, développant conscience de classe et haine envers les « jaunes ». Une déclinaison de Docteur Jeckill et Mister Hyde particulièrement truculente.

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Vous et vos copains, vous commencez sérieusement à me fatiguer. Vous employez tous des ouvriers non syndiqués. Vous m’avez assez rebattus les oreilles avec vos grands discours ronflants en faveur de la liberté d’embauche et du droit des hommes à travailler… Ça fait des années que vous m’infligez vos harangues antisyndicales. La classe ouvrière ne commet aucun crime en se mettant en grève générale. Elle ne viole aucune loi humaine ou divine. (…) Vous ne pouvez échapper aux conséquences inévitables de vos actes. Tout cela résulte d’une petite arnaque sordide. Vous avec accablé la classe ouvrière, et vous l’avez truandée tant et plus, et la classe ouvrière vous rend aujourd’hui la monnaie de sa pièce et vous accable à son tour, voilà tout… Et vous poussez des hauts cris, vous couinez comme des cochons qu’on égorge ! 
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Ce qui m’agace, ce sont vos jérémiades, ce sont les hauts cris que vous poussez, maintenant que vos procédés se retournent contre vous. Combien de grèves avez-vous brisés en affamant les travailleurs jusqu’à ce qu’ils se soumettent ? Or il semble aujourd’hui que les travailleurs projettent de vous affamer jusqu’à ce que ce soit vous qui capituliez… La classe ouvrière exige le monopole syndical de l’embauche, et si elle doit vous affamez pour l’obtenir, eh bien, tant pis ! Vous crèverez de faim. 
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Mais Freddie détestait les femmes qui faisaient montre d’une vitalité excessive et d’un manque de retenue. Il souscrivait à la théorie de l’évolution, puisque la plupart des universitaires en admettaient désormais la justesse, et il pensait comme ses collègues que l’être humain était un animal issu, à l’origine, d’un bourbier immonde où grouillaient des formes de vie abjectes, avant de gravir petit à petit les échelons de la sélection naturelle pour se hisser au sommet de la création. Mais une telle généalogie lui inspirait un sentiment de honte et d’ignominie. Ce dégoût, qui était sans doute la cause de son inhibition et de sa propension à prêcher la retenue et la pruderie, l’incitait à préférer les femmes de son propre milieu, éduquées pour être aussi réservées que lui. Seules les demoiselles nées dans l’élite pouvaient s’élever au-dessus de cette ascendance bestiale et déplorable. Elles seules possédaient l’art de dompter leurs instincts de femelles, exposant ainsi tant leur supériorité morale sur leurs frustes ancêtres que leur précellence sur les femmes du bas-peuple.
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Il n’y avait pas d’olives pour agrémenter les cocktails, et le service laissait grandement à désirer.
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Vidéo de Jack London
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