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Critique de keria31


Un roman intéressant par son réalisme psychologique et le parcours de son héros sans être pour autant passionnant.

D'abord, je n'ai pu m'empêcher de noter les ressemblances entre le parcours de Martin Eden et de Jack London : tous deux sont issus d'un milieu modeste et ils doivent occuper plusieurs postes pour pouvoir s'en sortir, boucler les fins de mois. Martin a été matelot tout comme London qui a travaillé dans le secteur de la pêche industrielle avant de partir voguer pour la découverte en mer. Ils se passionnent tous deux pour la littérature, se sont formés par leur propre soin bien que London ait suivi des cours alors que Martin, non. Certainement aussi que l'auteur de ce roman tout comme son héros avait de l'ouverture d'esprit et un bon sens de l'adaptation sociale qui lui a permis d'avoir des relations avec des gens qui venaient soit d'un milieu populaire, soit d'une classe bourgeoise. London par ce livre me donne donc l'impression d'avoir composé une autobiographie déguisée, peut-être parce qu'il n'osait pas se mettre en scène lui-même directement, craignant que son attitude soit jugée indécente ou narcissique par l'opinion.

Autrement, on voyage pas mal dans ce roman en plongeant dans divers milieux : du salon cossu des Morses aux bagarres de rue, on passe assez facilement des conversations feutrées aux échanges musclés. On suit également Martin dans une blanchisserie où il travaille comme un forçat avant de le retrouver oisif et délirant dans la chambre d'un logement pauvre qu'il loue. Il oscille aussi entre l'hostilité moqueuse de son beau frère et la tendresse inquiète de sa soeur, entre l'écoute stimulante de Ruth et sa méfiance critique...bref, on navigue à l'instar des marins.

Autre aspect de cette œuvre : son pessimisme sur la condition de l'homme social. Que ce soient les riches ou les pauvres, la plume acerbe de London égratigne tout un chacun. Les bourgeois car en dépit de leur dehors raffiné, ils restent enfermés dans leurs codes et les conventions tout comme les gens modestes car ils se maintiennent dans l'esclavage de durs labeurs et qu'ils alimentent par l'ignorance et la vulgarité, leur médiocrité quotidienne (esclavage professionnel et habitudes malsaines desquels ils ne savent pas s'affranchir). Mais le plus intéressant, est sans doute la peinture du milieu littéraire où l'on voit la dureté des conditions de vie d'un auteur. Martin Eden multiplie les envois à des journaux pour se faire publier longtemps sans retour et il lui faut monter jusqu'au bureau des rédacteurs en chef pour réclamer son dû, l'argent de ses publications. On le voit aussi lire beaucoup, accepter les étapes ingrates d'une formation personnelle en dépit du manque de soutien. Une ascension sociale qui est méritée le concernant.

Maintenant, malgré des points forts certains, je n'ai pas tant que ça été emballée par ce roman qui est avant tout centré sur le portrait d'un homme. Certes son personnage a de l'envergure, du caractère et de la force mais il n'a pas à mes yeux l'étoffe d'un héros car même s'il fait preuve d'une énergie et d'une volonté sans faille qui vont finir par être payantes, même si d'humble condition, il parvient à s'élever, il ne parvient au fond à agir que pour lui-même en ne changeant que le cours de sa propre vie. J'ajouterais aussi que l'histoire d'amour a beau sortir des conventions (il s'agit d'une rencontre entre deux personnes de milieu différent), elle manque de souffle : bien que l'amour pousse Martin à s'élever et que c'est pour séduire Ruth qu'il se forme à la littérature, les échanges entre eux m'ont paru trop froids, ni assez complices ni assez profonds et leurs rapports se terminent sur une rupture amère qui met l'accent sur leurs différences. Le suicide du héros m'a laissé aussi perplexe : il choisit de mettre fin à ses jours quand enfin, il devient célèbre, quand enfin il touche au but de ses projets. Il y avait tant de passages au préalable où il aurait pu être tenté de l'être (au vu des brimades subies et de ses conditions de vie dures) que je n'ai pas compris qu'il le soit quand enfin le sort lui sourit, qu'il réussit professionnellement et socialement. L'amertume du héros envers la société ayant déjà été ressentie plusieurs fois avant son succès, je ne vois pas pourquoi cet acte à ce moment-là.
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