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Albert Londres, a profondément marqué & influencé le journalisme d'investigation dans l'entre-deux -guerres. Il affirmait d'ailleurs: "Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie." Il ajoute "un reporter ne connait qu'une seule ligne, celle du chemin de fer." Deux déclarations très révélatrices de sa ligne de conduite. Reporter aux prises de positions profondément humaines, il n'aura de cesse dans ses reportages de dénoncer les injustices, les absurdités et les incohérences du pouvoir. C'est aussi un talentueux conteur, un poète à la plume acérée, humoristique, passionnée, et directe. Ses reportages, presqu'un siècle plus tard, sont non seulement un témoignage de certains événements souvent peu glorieux et dramatique de notre histoire, mais aussi, pour certains d'entre eux, un thème malheureusement encore d'actualité. Publiée en 1925, son enquête "Chez les fous", dans laquelle il s'attaque aux asiles psychiatriques en France, est un peu des deux. Étayée de témoignages et d'interviews, ceux des malades ou ceux des dits médecins, Albert Londres dénonce les conditions effroyables de "détention" des aliénés (mauvais traitements, humiliations, persécutions, manque de moyens sanitaires et de nourriture). Son humour mordant, un peu décalé, parfois proche de l'absurde (à la "Monty Python") apporte heureusement une bouffée d'air frais à ce cri d'indignation. Il met également directement en accusation l'institution psychiatrique en France en mettant en exergue la toute puissance des psychiatres qui détiennent le pouvoir absolu sur la privation de liberté. La justice elle même, n'a pas droit de regard sur les décisions d'internement de ces médecins, c'est pour dire! Sous couvert de cette fameuse loi de 1838 (que j'ai découvert dans ce livre) et avec la connivence des médecins, nous ne pouvons que constater combien à cette époque, il est aisé et d'usage, de se débarrasser de quelqu'un en l'internant. Albert Londres estime que "Les deux tiers des internés ne sont pas de véritables aliénés. D'êtres inoffensifs on fait des prisonniers à la peine illimitée" déclare t il. Dans ces institutions, ou il est si facile de rentrer, dont le but n'est pas de soigner mais d'exclure et d'isoler du reste du monde une population dérangeante, la sortie est d'autant plus aléatoire qu'arbitraire. "Les asiles font des fous" dira Albert Londres. Mais il rappelle aussi que: "notre devoir n'est pas de nous débarrasser du fou mais de débarrasser le fou de sa folie. Si nous commencions ? Albert Londres aura eu le mérite d'éveiller les consciences. D'autres de ses concitoyens, comme André Breton dans son livre "Nadja", vont également s'indigner et dénoncer la psychiatrie. Mais il faudra encore beaucoup de temps pour que les choses évoluent. Ce n'est qu'après 1945 qu'enfin des améliorations vont commencer à être apportées. En quoi est-ce toujours un thème d'actualité me diriez vous? Si la maltraitance des malades à proprement parlé, et celle de la psychiatrie, ont indéniablement évolué, la place des malades mentaux dans nos sociétés en revanche, n'a guère évolué. C'est toujours celle de l'exclusion. Il s'agit au mieux les enfermer pour moins les voir. Que ce soit dans une institution spécialisée comme dans une prison. le "fou" dérange notre société bienpensante. Et il fait peur. L'écarter de notre champ visuel reste un sujet foncièrement d'actualité. La tendance actuelle à privilégier la prise en charge par le cercle familiale, ne change pas pour autant ce regard. Il me semble qu'elle ne fait qu'accentuer la peur et les préjugés d'un coté, et l'impuissance des familles de l'autre. En conclusion, un reportage coup de poing, qui même après plus de 90 ans laisse songeur. Si vous n'avez jamais lu Albert Londres, je vous encourage vivement à le découvrir ! Ne serait-ce que par devoir de mémoire sur les subversives positions de ce grand reporter à l'écriture si… percutante et très moderne pour l'époque. + Lire la suite |