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Comme dans mes billets récents j'évoquais les affres subies par Nicolas Fouquet victime de l'ire de son cruel souverain acoquiné au perfide Colbert, il me revient en mémoire la pièce jubilatoire au style très maîtrisé, en alexandrins s'il vous plaît, de Fréderic Lordon : "D'un retournement l'autre", lue à sa sortie, c'est-à-dire au presque lendemain de la crise des subprimes, celle-ci restant d'actualité puisque les soubresauts financiers se faisaient encore sentir 3 ans plus tard.

Compte tenu que nos illustres banquiers n'avaient point vu le vent mauvais venir, et avides de profits rapides, pour ne pas dire expéditifs, se sont rués pour acheter ces fameux produits dérivés toxiques, (vous me pardonnerez l'oxymore). de fil en aiguilles ou de charybdes en scylla, nos éminences grises de la finance, se sont laissées berner en plaçant leurs actifs au mépris des règles prudentielles, c'est-à-dire celles visant à se protéger contre les risques mettant en péril leur santé financière. On parle de titrisation des crédits immobiliers, (les subprimes), vendus sous forme de produits dont on ne pouvait plus tracer l'origine, dits toxiques parce qu'ils n'ont plus aucune valeur quand les créanciers souhaitent les vendre.

Alors j'en arrive à la pièce de F. Lordon, économiste hétérodoxe assumé et philosophe, qui a eu l'excellente inspiration d'écrire cette pièce de théâtre pour moquer les acteurs de cette crise fâcheuse qui pourtant défendaient « l'efficience des marchés financiers ». Je vous laisse méditer ce terme hautement symbolique « efficience », qui signifie plus qu'efficace !

Cette « Comédie sérieuse » est une véritable réussite, drôle et savamment écrite, le choix de l'alexandrin renforce la satire, pour notre plus grand plaisir.

Alors pourquoi tout ce papotage ? Et quel rapport avec Fouquet ?

D'abord parce que lorsque j'enseignais l'économie en BTS et terminale, il a été fort difficile d'expliquer et faire comprendre aux élèves et étudiants le mécanisme des subprimes à l'origine de ce désastre financier.

Quant à l'analogie avec Nicolas Fouquet, il se trouve que le système financier complexe qui régnait à l'époque possède quelques similitudes puisque l'endettement de l'Etat était déjà inévitable, vu son train de vie exorbitant aggravé des coûts liés aux guerres.
Et les prêteurs appliquaient des taux d'intérêt parfois prohibitifs, le surintendant était loin d'être le seul à accabler, il a surtout servi de fusible pour épargner certains protégés.

Alors si vous souhaitez vous détendre à la lecture du comique de situation accompli par Frédéric Lordon avec talent, je vous encourage fortement à le lire.
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Publié en mai 2011 aux éditions du Seuil, cette "Comédie sérieuse sur la crise financière en quatre actes et en alexandrins" est à première vue un étrange animal.

Pourquoi donc utiliser l'alexandrin pour décrire les péripéties de la crise financière ?
Décrire un enchaînement aux conséquences tragiques,
Sous forme de vaudeville sans rien de théorique.
Avec raffinement, bouffonnerie et jouissance,
Du capitalisme dévoiler l'indécence,
Et des banques révéler le coût du sauvetage,
Suivi de leur aplomb pour nous prendre en otage.
L'enchaînement des causes est tout à fait limpide,
Dans ce capitalisme à l'essence putride.
Il n'y a rien de vieillot dans ces vers de douze pieds,
Mais un surplus d'affect qui leur donne plus d'effet.

Pour reprendre les mots de Fréderic Lordon dans son texte de conclusion "Surréalisation de la crise", suivant la théorie des passions qui lui est chère, «on pourra analyser la crise financière sous toutes ses coutures, raffiner l'argument autant qu'on veut, démonter les systèmes, exposer les rouages, tout ça ne vaudra jamais une image bien choisie qui fait bouillir les sangs».

Comme Mathieu Larnaudie l'a fait avec "Les effondrés" dans un tout autre registre, "D'un retournement l'autre" est une dénonciation indispensable, et jubilatoire, des mécanismes de la crise et, au-delà, du capitalisme libéral et financier, à partager largement.

[Extrait] le nouveau deuxième conseiller (au Président)
«Voulez-vous à son comble porter l'ironie :
Demandez-vous pourquoi la banque resplendit.
C'est que vos chers amis qui empruntent gratis
Vous reprêtent aussitôt, délicieuse malice,
À ces taux usuraires qui font les belles marges.
Grand merci de leur part de prendre à votre charge
Plus que leur sauvetage : leur bonheur, leur fortune
- Décidément les banques savent l'art de la thune.
Vous les avez sauvées mais c'est sur votre dos
Qu'elles se rétablissent avant, c'est le plus beau,
De vous morigéner, de vous faire la leçon,
Puis vous administrer une vraie correction.
Car ce sont elles qui, souscrivant tous vos titres,
De votre discipline se déclarent l'arbitre.
Avez-vous remarqué cet étonnant toupet
Qui les aura conduites à faire les roquets
De la sainte rigueur et de l'austérité,
- et pourquoi pas de la «responsabilité» !
Or contre vous, messieurs, les voilà qui spéculent,
À moins qu'il ne faille dire un autre mot en «ule»
Quand à vos propres frais vous êtes massacrés
Par celles qu'on croyait être vos obligées.»
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"Il n'y a pas de force intrinsèque des idées vraies, il n'y a pas de conversion purement intellectuelles des idées qui n'ont jamais rien mené sauf à être accompagnées d'affects."
C'est la raison pour laquelle Frédéric Lordon quitte dans ce livre le domaine de l'analyse socio-économique abstraite pour rejoindre celui de l'expression artistique plus apte à démultiplier les idées pures dans le réel en les rendant intelligible par les affects.
Cet ouvrage, par son fond et par sa forme, est juste brillant !
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La pièce « D'un retournement l'autre » est passionnante et pleine d'humour, elle se lit d'une traite. L'auteur de théâtre que l'on y découvre est pétillant et cultivé. Il semble, avec beaucoup de gentillesse, appliquer à son lecteur le fameux « principe de charité », en sa compagnie on a vraiment le sentiment d'être plus intelligent. Et pourtant, il est question dans cette pièce d'économie et plus particulièrement de la dernière crise financière. Et pourtant, Frédéric Lordon est un chercheur qui travaille au développement d'une économie politique spinoziste, un économiste qui étudie les logiques du capitalisme actionnarial, les marchés financiers et leurs crises. Nous ne sommes pas habitués à cela. Bien au contraire, le langage économique est le plus souvent abscons et l'envie de qualifier certains économistes médiatiques avec un mot encore plus court est aussi le plus souvent très vive.

Dans une très intéressante postface, Frédéric Lordon s'explique. En bon spinosiste, il pense qu'il y a une impossibilité de conversion purement intellectuelle. Il n'y a pas, nous dit-il, de force intrinsèque des idées. Elles doivent être accompagnées d'affect et c'est un des rôles possible de la littérature. Sa pièce est un mélange de vocabulaire très contemporains et de tournures grand siècle. le président de la République, les ministres, les conseillers, les banquiers manient l'alexandrin. Les protagonistes, hormis un personnage de petite taille à l'ego surdéveloppé, sont désincarnés, sans psychologie particulière. Ce parti-pris perturbe notre perception passive et rompt avec beaucoup d'efficacité le pacte tacite de la croyance que nous avons habituellement en la religion économique et ses grands prêtres. Il s'oppose à toute identification et cette distanciation toute brechtienne dépersonnalise avec beaucoup de bonheur notre perception de la chose économique.

La crise s'éternise et en trois années nous avons oublié bien des choses. On ne fait, il faut bien le dire, rien pour nous rafraichir la mémoire. le temps s'étirant éloigne les causes des effets et rend plus incompréhensible encore le monde dans lequel nous vivons. Les médias dans ce domaine ne font pas non plus oeuvre de pédagogie. le théâtre à l'avantage du temps ramassé.
En 2008, les fameuses subprimes faisaient une entrée fracassante dans notre univers. Des prêts immobiliers sans principe, sans aucune traçabilité possible, s'avéraient irremboursables. Les banquiers, qui avaient fait le choix de ces capitaux à risques et du jeu en bourse au détriment du fonctionnement bancaire ordinaire, se retrouvaient sans fonds propres. Les prêts entre banques qui auraient permis d'amortir cette crise, dans un climat de suspicion généralisé, n'étaient plus possibles. Il était donc fait appel à l'état honnit du système libéral et bancaire pour sauver le dit système. L'état qui a la responsabilité de l'économie qui sans prêt, sans investissement, sans consommation donc, s'effondre, ne pouvait qu'obtempérait. La banque centrale éditait la monnaie nécessaire pour sauver les banques et leur octroyait des prêts sans intérêt. Un fond de garantie pour que les banques se refassent crédit était créé.
Que croyez-vous qu'il advint après quelques déclarations sur la moralisation du capitalisme et un sauvetage des banques sans contrepartie ? Les crédits si généreusement octroyés aux banques étaient réinvestis aussitôt en bourse et non prêtés. Six mois plus tard la bourse caracolait et on redistribuait des dividendes aux actionnaires, des bonus aux traders ! La non-réouverture du crédit avait les conséquences que l'on sait sur l'investissement, la croissance, la consommation et les recettes de l'état.
Que croyez-vous qu'il advint après la remise en selle du petit monde de la bourse ? Pensez donc, après avoir soulagé les banques de leurs dettes, après la dégringolade de la croissance, le budget de l'état était en faillite. Il ne fallait pas compter sur une reconnaissance en retour du monde de la finance. L'insolvabilité des états étaient instantanément dénoncée par les banques qui attaquaient ses titres et renchérissait son crédit ? Aujourd'hui, c'est donc l'infernale boucle de la rigueur et de la récession qui mène le bal.

Elle nous fait tourner la tête, son manège à elle (la crise) c'est nous…Bonne lecture.
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Sous la forme d'une pièce de théâtre écrite en alexandrin, Frederic Lordon, dresse un constat accablant et destructeur du monde de la finance, démontre la logique mortifère d'un monde capitaliste qui n'est soit disant "libéral" et faisant confiance aux marchés que lorsque le système est gagnant. Il souligne la totale manipulation des politiques par les financiers et leur total désintérêt pour les "autres", le peuple, les perdants !
Rien de bien nouveau dans le constat du désastre humain, sociologique, économique qu'entraîne le système libéral.
L'intérêt de ce recueil, repose sur le choix de l'auteur de prendre le parti pris de l'art, au travers du théâtre et de la versification, pour appuyer sa démonstration et sa pensée, d'affect, de sensibilité, pour faire réagir. le livre est conclut par un post-scriptum de l'auteur qui explique très clairement sa pensée et ce choix.
Autre intérêt de ce petit livre qui se lit très facilement est de se remémorer le fil des évènements de cette crise de 2008, de ré-entendre les arguments des élites financières, des experts économiques et des conseillers économiques qu'ils nous ont déversé à longueur d'antenne sur cette crise, ses coupables, les seules solutions possibles sinon nous courions à l'apocalypse !
On pardonnera à Frederic Lodron les quelques petits écarts à la rime et à la versification, le texte est très drôle à lire, fait réfléchir et est un bon condensé d'analyse économique et politique.
A la veille des élections nationales, à lire pour se déciller les yeux !
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Diantre ! Que voilà une exquise, pimpante pépite
Nous contant les frasqu' d'une Finance décrépite
Toute d'alexandrins et de rime enrobée
Moquant les malandrins, et l'Etat dérobé.

La crise économique plantera le décor
Quant aux protagonistes, on oublie les pécores !
Banquiers, Président… Conseillers en fioriture
Tous ou bien la plupart, ne sont que pourritures !

Le déroulé est clair, les dialogues incisifs
Le tout divertissant, et l'humour abrasif.
En ces périodes troubles, n'oublions pas de rire
Rire autant qu'on le peut, dans l'attente du pire.
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Vulgariser la crise, « D'un retournement l'autre » de Frédéric Lordon

Lorsqu'il s'agit de pièces de théâtre, je suis plutôt du genre classique – Molière, Musset, Racine, Hugo… Alors quand on m'a conseillé de lire D'un retournement l'autre de Lordon qui se présente comme une comédie sérieux en alexandrins, j'ai eu la sensation de sortir des sentiers battus.
Mais quel plaisir de s'égarer ! le sujet de la pièce me direz-vous ? La crise financière, les subprimes, le pouvoir des banques. Rien qui apparemment pourrait intéresser une littéraire comme moi ! Et pourtant cela m'a intéressé et plu et pour le dire simplement cette pièce a le mérite de vulgariser l'économie, le tout avec humour et talent ! En effet, il n'est pas simple de manier l'alexandrin et l'auteur s'en sort plutôt très bien !
Et puis on sourit voire on rit en lisant cette pièce car le langage y est comique et la caricature ainsi que la satire du pouvoir bien présente.
En résumé : à mon tour, je vous conseille d'aller vers des lectures inattendues et notamment vers cette pièce.

Lien : http://gourmandisesetplaisir..
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Extraordinaire exercice de style, d'un formidable rire grinçant, d'un économiste engagé...

L'économiste Frédéric Lordon nous livrait il y a quelques semaines cette "comédie sérieuse sur la crise financière en quatre actes et en alexandrins", en 130 pages, au but avoué (dans une postface extrêmement intéressante) de permettre au lecteur de dépasser la dérision face aux errances du capitalisme financier, ou plutôt de faire levier de cette dérision, pour se mobiliser, d'abord par l'intellect et par l'affect... Pari largement réussi, sur un mode terriblement jubilatoire !

En conclusion d'une lecture aussi particulièrement salutaire, les derniers mots de la postface s'imposent avec naturel : "Ici, l'alexandrin prête toute son ambivalence : il bouffonnise à souhait et fait les Précieux ridicules, mais peut aussi se charger d'une nuée plombée et annoncer des orages. Ce ne sont pas exactement ceux de la tragédie si l'on entend par là le heurt de deux bons droits irréconciliables ou de deux exigences également légitimes. Pour une fois on peut faire des économies de complexité : l'horizon du capitalisme financier n'est pas tragique. Il est simplement haïssable."
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C'est toujours une bonne idée de créer un décalage entre un sujet et le langage utilisé pour en parler. Les alexandrins de Frédéric Lordon sont parfois un peu forcés et les rimes pas très riches mais l'exercice est réussi. Rien de neuf sous le Soleil quand on connaît Lordon, sauf qu'il ne nous le dit pas comme d'habitude et que ce ton différent touche différemment. Et peut-être plus, surtout ceux qui ne lisent pas habituellement sa prose.
Le post-scriptum, pour brillant qu'il soit, m'a cependant semblé superflu comme une autocritique immédiate ou une auto-justification. Avec une petite contradiction : après avoir encensé la portée la forme artistique, sa portée politique et son rapport au corps, revenir à une prose très "intellectuelle" et sans affect semble nous dire que l'art ne se suffit pas à lui-même. Dommage.
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Comédie à lire absolument !!! Pertinente par son actualité et sa forme.... Un bijou de la littérature.
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