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EAN : 9782021406801
288 pages
Seuil (04/10/2018)
4.27/5   13 notes
Résumé :
Disons les choses d'emblée : la condition anarchique ici n'a rien à voir avec l'anarchisme qui intéresse la théorie politique. Lue étymologiquement, comme absence de fondement, an-arkhé, elle est le concept central d'une axiologie générale et critique. Générale parce qu'elle prend au sérieux qu'on parle de « valeur » à propos de choses aussi différentes que l'économie, la morale, l'esthétique, ou toutes les formes de grandeur, et qu'elle en cherche le principe commu... >Voir plus
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
(46%) Par définition le trend-setter, entendre celui à qui la qualité est reconnue au moment considéré, est relativement immunisé contre ce risque des commencements : par cette reconnaissance même, il s’éprouve comme un pouvoir véridictionnel sûr de son fait. Tous ne peuvent pas en dire autant. L’axiomachie permanente a pour effet que toutes les positions sociales de véridiction sont susceptibles d’être attaquées, ou fragilisées. Par exemple : à chacun de ses numéros, un magazine pose l’importante question de savoir « Où est le cool ? », question dont la nature d’adresse véridictionnelle est évidente. Il faudrait cependant ajouter quelques éléments de contexte pour apercevoir que, dans le cas d’espèce, c’est une adresse qui transpire l’angoisse : l’angoisse du capital symbolique en cours de déclassement, qui donne à la question hebdomadaire le caractère d’un effort inquiet de se confirmer dans un pouvoir axiogénique menacé d’effilochage, et ceci au prix d’une double tentative de performation : la performation du cool, et la performation du pouvoir de véridire le cool. Se poser comme prescripteur de la valeur du cool n’a rien ni d’une évidence ni d’une situation acquise. Toutes les positions sont à défendre, certaines finissent par céder – et les prétentions de tel ou tel à dire le cool deviennent risibles : il s’est produit un reflux d’une partie de la potentia multitudinis, une destitution passionnelle qui ramène le véridicteur déchu à sa condition première de locuteur ordinaire.

Comme toujours, c’est dans la crise que se révèle, quoique négativement, la vérité du pouvoir véridictionnel spontanément attribué aux entités locutrices elles-mêmes, individus ou institutions, quand c’est dans l’affect commun qui les investit que réside, en dernière analyse, la vérité axiogénique. Et de fait, sitôt qu’il est désinvesti, sitôt que l’irrigation de puissance de la multitude qui le soutenait jusqu’ici se retire, que les flux cessent de passer par lui, le locuteur s’affaisse comme chiffon : il n’est littéralement plus rien, on se demande même comment on avait pu l’écouter. La véridiction n’est pas affaire de choses dites, elle est affaire de qui les dit, et des auras sociales qui nimbent ceux qui les disent – ou, d’un coup, s’évaporent. Misère des abandonnés de la potentia multitudinis – à la mesure de ce qu’avait été leur faste du temps de leur élection. C’est qu’ils avaient fini par croire eux-mêmes, comme tous ceux qu’ils impressionnaient, à leur supériorité d’essence. Il est vrai qu’il y a de quoi être grisé de voir qu’un mot tombé de sa propre bouche oriente une multitude d’impressionnés. Ignorant de ce qui fait réellement son pouvoir symbolique, l’élu ajoute alors l’incompréhension à la souffrance de se voir un jour déchu : la chose qu’il croyait sienne lui venait entièrement du dehors, et de se la voir retirée est une sorte de ruine intérieure. On pense ici à Lou Andreas, l’héroïne du Portrait d’une enfant déchue de Jerry Schatzberg. Faye Dunaway y incarne un mannequin adulé, puis abandonné de la célébrité et de ses institutions (magazines, photographes renommés, agents), personnage borderline, jetée dans la décompensation psychotique au moment précis où elle se trouve désinvestie par l’affect commun qui, seul, parvenait à contenir son éparpillement.
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(51%) Sorti du foyer parental où la reconnaissance est en principe pré-acquise, et comme toujours-déjà gagnée (en principe…), toutes les étapes ultérieures nécessitent de satisfaire une économie générale de la reconnaissance où, roi-naufragé mis à part, on n’a rien sans rien. L’adolescence se définit alors comme cet âge où l’on est conscient de l’impératif d’avoir « quelque chose » – à faire valoir – alors qu’on n’a rien, impératif d’avoir fait quelque chose alors qu’on n’a encore rien fait – parce qu’on n’a encore rien eu le temps de faire. L’obligation, clairement aperçue, de l’« accomplissement » quand on n’a encore rien accompli est l’une des douleurs de l’adolescence, qui ne peut se résoudre au temps long et cumulatif des accomplissements, et se précipite alors dans la frénésie d’une sorte d’accumulation primitive, gouvernée par des investissements à temps de retour aussi court que possible : typiquement le « coup d’éclat », l’« exploit », la prise de risque spectaculaire qui paye aussitôt.
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Explication de texte de ma riposte à Frédéric Lordon : Un palestinisme de pacotille, suivie d'un dialogue. Le texte de Lordon : https://blog.mondediplo.net/la-fin-de-l-innocence Ma riposte en ligne (37 pages) : https://open.substack.com/pub/laggg2020/p/un-palestinisme-de-pacotille Être tenu au courant: https://linktr.ee/laggg
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