Constance

Décidément, ma nouvelle vie regorgeait de surprises et de merveilles et, avec pour compagne ma nouvelle amie Susanne, il me semblait que j'allais passer de passionnantes années à Bonneval.

Papa et moi aimions tendrement Gabriel, avec qui nous passions tous nos dimanches. Nous lui faisions la lecture les jours de froid ou de pluie et lui nous prenait les meilleurs poissons des environs, en plus d'aider à nombre de tâches que mon pauvre papa ne pouvait plus assumer, comme de menues réparations dans la maison.

S'il manquait d'élévation d'esprit et parfois de raisonnement construit, privilégiant l'action, voire la précipitation, il ne manquait ni de courage ni d'adresse et sa bonté naturelle avait eu tôt fait de conquérir le coeur de mon père.

Comme je m'y attendais, cet incident eut de fâcheuses conséquences... La première, et la plus significative, fut que je ne fus plus autorisée à participer aux sorties que m'avaient aménagées mes amis Eugène et Susanne, sans y imposer la présence de Marie-Isméry. Ma tante y voyait là un moyen sûr de contrôler mes faits et gestes. Cette perspective ne m'enchantait guère et je savais maintenant que la présence de ma cousine me retirerait tout plaisir. Je pris donc la décision d'annuler ces excursions, renonçant du même coup à revoir Eugène et Susanne pour le reste du mois de septembre.

Je commençais à me dire qu'il était possible que je ne puisse y échapper. Je devais avouer aussi, écoutant mon oncle parler de cette école, que le début d'un sentiment de curiosité naissait en moi. Ne serai-ce pas là aussi, après tout, une nouveauté séduisante ? N'était-ce pas là la changement que j'attendais ? Quitter Bourg-le Vieil, même pour une terne école de jeunes filles, était peut-être, en soi, le début d'une aventure... Eh bien soit. Le premier pas vers mon destin serait celui-ci. Après tout, mes rêves d'aventure devaient bien commencer par un changement, même infime.

Déterminée à expliquer à Papa dès le lendemain mon souhait de souscrire à la demande de mon oncle sans pour autant renoncer à mes rêves, je m'endormis apaisée, avec en tête un plan qui me semblait sans faille.