Je ne dirai pas que naître fille fût pour moi une bénédiction, puisque dès le plus jeune âge, je compris qu’avoir une fille n’en était pas une pour ma mère. Sans que ce soit forcément verbalisé par elle de façon claire, je perçus très tôt cela. Introvertie et maladivement timide, je me construisis comme je pus, sur des failles qui devaient, une fois que j’atteignis l’âge adulte, se révéler redoutablement dangereuses et qui ont bien failli m’engloutir.
Lorsque l'on vit dans un climat de violence et de peur permanent, il arrive un moment où l'on ne pense plus, n'agit plus de façon normale, car toute l'énergie dont on est capable est mobilisée à prévenir d'éventuelles nouvelles attaques. Comme je l'ai expliqué tout au long de mon récit, l'estime de soi se restreint au fil du temps, et l'on finit par vivre dans un climat de soumission permanente à l'autre par peur d'être battu, violé ou même tué.
Si les violences conjugales ne sont plus taboues aujourd’hui, si la France s’est dotée d’un arsenal juridique relativement performant, il n’en reste pas moins que certaines mesures manquent cruellement et que les textes de loi ne sont que trop rarement appliqués. Dans de trop nombreux cas, les services de l’État dysfonctionnent, parfois très gravement.