Citations sur Ma vie balagan (26)
Savoir vieillir, c'est savoir faire son chemin jusqu'au bout. Le bout, on le connait, il n'y a pas de bout. Alors c'est le chemin qui compte. (p40)
Tous les trains mènent à Auschwitz... Encore aujourd'hui, j'ai du mal, avec les trains. Je n'aime pas les gares ni prendre le train. Même le TGV en première classe.
Quand on est âgée, et qu'il n'y a plus d'enjeux avec les hommes, c'est merveilleux. Ce n'est pas qu'il ne puisse pas y en avoir, mais ce n'est pas essentiel, c'est tellement secondaire. Le jour où descendue dans la rue, je me suis aperçue qu'on ne me regardait plus, j'ai été contente: me voilà enfin libre de moi-même, non plus soumise à des pulsions qui m'entraînaient dans des histoires abracadabrantes. (p10)
Attendre des autres ce qu'ils ne peuvent pas vous donner revient à entrer dans une prison. (p226)
On a l'âge de son traumatisme. Je me sens à la fois non pas vieille, mais mûre, avec des flambées de jeunesse.
(p9)
Je me souviens de leur violence, de la brutalité des interrogatoires. Je me souviens (...) de l'accablement de mon père qui souffre des coups reçus et des claques que je reçois, du milicien qui veut me violer. Je me souviens de mes cris. Je me souviens de cet officier allemand surgissant en hurlant : "C'est interdit de toucher à cette sale race." Je me souviens de cette horrible phrase qui me sauve.
(...)
ça m'aide à en parler. Car en parler, c'est comme y retourner. Même si j'y suis toujours. Mais à qui puis-je le dire ?
(...)
Nous avons toutes fait des trucs (...) Mais je ne suis coupable de rien. Ce sont eux les coupables.
(...)
J'ai essayé de me fondre dans l'universalité d'une gauche qui croyait qu'on pouvait changer le monde (...). Longtemps j'ai pensé qu'un révolutionnaire était nécessairement bon (...). J'étais naïve.
(...)
avoir assisté à l'extermination et ne pas vouloir rester juive, c'est admettre que Hitler a gagné (...) parce que je suis juive et que je les emmerde. Cette fois, c'est moi qui me définis, ce ne sont pas les autres qui le font.
Les gens se libèrent eux-même ou pas du tout. (p193)
"C'est un rêve.
Je suis dans une ville, je ne trouve plus mon hôtel. J'ai une valise à la main. Pourquoi ai-je une valise ? Je ne sais pas. Je ne connais pas la ville. J'arrête des gens, sur la place, je leur parle, ils ne comprennent pas ma langue, je ne comprends pas la leur, ils rient, ils s'en vont. Je me perds de plus en plus en cherchant mon chemin. Je grimpe la pente d'une énorme montagne en tirant cette valise, et plus je monte, plus la valise est lourde. Personne ne m'aide...[...]
Je vis sous le signe des valises. Les valises qu'on emporte rapidement. Celles que nous avons dû abandonner à l'arrivée du camp, celles qui se sont accumulées à Auschwitz, avec leurs étiquettes et leurs noms. Les valises que l'on fait pour partir avec un homme, longtemps, dix-sept valises. Je croule sous les valises. Je dois toujours me retenir d'en acheter."
Et dans un silence total, Laurette se met à danser, c’est un moment terrible. Tout d’un coup, une autre voix s’élève, très belle, qui chante je ne sais plus quoi, pour aider Laurette à danser. Ce chant… je l’avais oublié. C’est soixante ans plus tard que Sonia, la chanteuse, me. L’a rappelé après avoir vu mon film La Petite Prairie aux Bouleaux, où j’évoque cet épisode en omettant le chant. Pourquoi notre mémoire ne retient-elle que des fragments, tél épisode plutôt que tél autre? Je n’ai pas de réponse.
"C'est un rêve.
Je suis dans une ville, je ne trouve plus mon hôtel. J'ai une valise à la main. Pourquoi ai-je une valise ? Je ne sais pas. Je ne connais pas la ville. J'arrête des gens, sur la place, je leur parle, ils ne comprennent pas ma langue, je ne comprends pas la leur, ils rient, ils s'en vont. Je me perds de plus en plus en cherchant mon chemin. Je grimpe la pente d'une énorme montagne en tirant cette valise, et plus je monte, plus la valise est lourde. Personne ne m'aide...[...]
Je vis sous le signe des valises. Les valises qu'on emporte rapidement. Celles que nous avons dû abandonner à l'arrivée du camp, celles qui se sont accumulées à Auschwitz, avec leurs étiquettes et leurs noms. Les valises que l'on fait pour partir avec un homme, longtemps, dix-sept valises. Je croule sous les valises. Je dois toujours me retenir d'en acheter."