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EAN : 9782081375987
224 pages
Flammarion (02/03/2016)
3.44/5   42 notes
Résumé :
Vends maison de famille
Tout a commencé avec la chute de sa mère, veuve de 76 ans. Son col du fémur en fait les frais, et Guillaume Rolin, fils de feu Dr Rolin, est contraint de rentrer à Maulna, avec la ferme intention de se débarrasser enfin du fief.
En faisant le portrait d’un homme partagé entre l’amour qu’il porte à sa mère et le refus de son héritage, François-Guillaume Lorrain nous raconte une histoire aussi singulière que collective, celle d’u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Je remercie Babelio et les éditions Flammarion pour la lecture de « Vends maison de famille » de François-Guillaume Lorrain.
Famille je t'aime. Famille je te hais. On connaît tous cette rengaine.
Dans ce jeu des 7 familles, il y a le père, dur, froid, intransigeant, avec une seule passion le jardinage, les plantes et leur culture, au point d'obliger les membres de sa famille à l'aider dans son activité virant à l'obsession. Il y a la mère qui suit, sans trop rien dire. Et enfin, il y a les deux enfants, Estelle et Guillaume qui, à l'âge adulte, quitteront vite le « cocon » ( ?) familial pour fuir à l'étranger. Elle, très loin, en Chine ; lui dans des pays européens en tant que professeur de français, ayant la bougeotte, forcément. Ce fils, le narrateur, se réfugiera dans les livres, choisira un métier plus intellectuel, à l'opposé des travaux manuels, loin des mains vertes. Parce qu'il faut fuir ce jardin, cette maison de campagne en Normandie qui ressemble plus à une caserne militaire qu'à une belle ferme pour des week-ends au vert.
Fuir la famille ou ce semblant de famille. Pour ne pas reproduire, pour oublier, pour ne plus vivre ces heures passées dans le jardin, forcés à cercler, bêcher, cultiver jusqu'à épuisement, forcés à manger jusqu'à l'écoeurement le fruit de leur récolte, sous les ordres du père tyrannique. Aveuglé par sa passion de plus en plus monomaniaque, ce père est bien incapable de parler d'autres choses, incapable de créer du lien autrement avec ses enfants. (Bref, il est loin de ressembler à Nicolas le jardinier). D'ailleurs, à force, il finit par désunir, faire éclater la cellule familiale.
Le jardin était beau, grandiose, prolifique, mais à côté, les enfants manquaient de soleil, d'oxygène et de liberté. Et peut-être aussi d'amour, de cette attention que le père ne savait donner qu'à son jardin.
A la mort du père, c'est comme une délivrance, la possibilité d'oublier un peu plus cette maison de campagne aux si mauvaises photos souvenir. Mais quelques années plus tard, par la chute accidentelle de la mère âgée (celle qui étonnamment a repris la suite horticole, mais avec plus de délicatesse), la question de la vente de la maison ressurgit pour le fils comme un acte nécessaire. Mais avec, tous les souvenirs remontent à la surface. On ne peut pas toujours fuir le passé, ou faire comme s'il n'avait jamais existé.
Avec une écriture agréable, agrémentée d'humour et d'émotions, ce jeune auteur nous décrit (au point où on cherche le vrai du romancé), une famille comme on en connaît beaucoup. Comme au poker, c'est fonction des cartes qu'on tire et on tombe sur une famille avec des problèmes à degrés divers : les manques de communication, les silences, les rancoeurs, les rancunes, et j'en passe...
On pense à la nôtre forcément. Comparable à l'arrosage, l'engrais plus ou moins de bonne qualité et tous les soins prodigués qui ont fait pousser ces arbres et ces légumes du potager, on pense à ce que l'éducation familiale a fait de nous, comment on grandit comme ces plantes vertes, pas forcément bien droit, comment on avance cahin-caha dans la vie, traînant avec nous les blessures de l'enfance, les souffrances du passé, tels des boulets parfois trop lourds à tirer. Malgré l'envie d'oublier certaines périodes, on en garde les traces, les cicatrices, plus ou moins consciemment, dans le sang ou à même la peau.
Forcément, Guillaume ne peut oublier comme ça toute son éducation ni toute la connaissance qu'on lui a inculquée sur les plantes et la botanique, ça fait partie de lui. C'est dans son ADN familial. Même s'il le rejette, même si ça le rend amer, tout n'est pas à jeter au compost ou à brûler comme un tas de feuilles mortes en automne et on est, d'ailleurs, bien incapable de le faire dans sa totalité. Il n'est guère si facile de savoir séparer le bon grain de l'ivraie. Et c'est bien là la complexité des sentiments et des liens.
Famille je vous hais. Famille je t'aime.
Ça me rappelle que moi, il faudrait que j'appelle ce week-end pour prendre de ses nouvelles.
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Babélio et les éditions Flammarion m'ont fait ce plaisir de découvrir un auteur , François Guillaume Lorrain, dont l'écriture m'a beaucoup séduite.
Le thème de son dernier roman "Maison à vendre" est assez banal (évocation d'une enfance mal vécue) mais la manière de le traiter est très originale . La mise en scène, les décors et les descriptions ont comme un souffle cinématographique. L'écrivain manie le stylo, si je puis dire, à la manière d'une caméra qui effectuerait des travelings entre le présent et le passé. L'écriture à la fois fluide et précise suit les méandres des souvenirs, fouille le passé douloureux en se focalisant sur le despotisme du père et la soumission de ceux qui étaient alors sous son autorité. L'enfance étouffée, désenchantée se trouve incarnée dans cette maison de famille où transpire encore la toute puissance du père. La mort de ce dernier puis la chute accidentelle de la mère précipitent la donne . Vendre la maison hantée par le tyran de jadis parait une évidence. Mais qui y a t'il derrière cette évidence ? Il y a l'amour d'une mère et quelques photos qu'elle fait resurgir du passé pour tenter de convaincre que tout n'a pas été si mal ......... et que peut-être ..... mais je ne vous dis pas tout.
A vous de lire ce roman plein d'amertume mais aussi de douceur.

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La Feuille Volante n°1029– Avril 2016
VENDS MAISON DE FAMILLEFrançois-Guillaume Lorrain – Flammarion.
C'est souvent le cas avec les maisons, on les achète quand on est jeune, en bonne santé, en couple sans penser à l'avenir. Quand on n'a pas le virus du nomadisme ou que le bon sens paysan nous incite à nous fixer quelque part, cet endroit où on a passé de nombreuses années de sa vie, où on a vu grandir ses enfants et accumulé des souvenirs, devient un lieu de référence où on aime se retrouver, une maison de famille, comme on dit. Quand on choisit de la vendre, on doit la vider et ce qu'elle recelait de soigneusement caché ou de simplement égaré ressurgit. Ce sont des objets, des photos qui témoignent du passé et à travers eux on évoque les temps révolus, les années de jeunesse avec leur cortège d'espoirs, les erreurs et parfois aussi les échecs, les deuils... Les clichés, souvent un peu passés, réveillent la mémoire, un visage, une silhouette, un paysage, témoignent des changements, des rides, des cicatrices...
Après la mort de son père, une sorte de tyran domestique, et une mauvaise chute de sa mère, le narrateur, un jeune professeur de français à l'étranger, souhaite ardemment vendre cette bâtisse où il a passé sa jeunesse, trop pleine de souvenirs qu'on imagine mauvais. C'est que cette maison, normande et secondaire, était un peu pour son père le centre du monde, sa raison de vivre et même le but de sa vie. le jardin pourvoyait à l'ordinaire du ménage jusqu'à l'obsession et elle l'attirait, et avec lui toute la famille qui n'avait pas pour autant envie de le suivre ! Bien sûr tout cela n'allait pas sans agacer sa progéniture qui devait filer doux et en passer par toutes ses lubies et ses ordres. Pour échapper à cela, le narrateur encore jeune s'en était remis à la lecture, à la culture, au savoir mais avant, au merveilleux de l'enfance, avec ses rêves, ses fantasmes, ses phobies et ses folies, son envie de fuir à cause de la famille, justement ! A cette fuite immobile correspondra plus tard un exil volontaire hors des frontières nationales, une manière de s'éloigner définitivement de cette ambiance familiale délétère que sa soeur ne supportait pas non plus. Pourtant, le moment venu, il faut bien se résoudre à prendre une décision, même si elle va à l'encontre des volontés les plus affirmées, même si l'on traîne une dernière fois les pieds comme un baroud d'honneur. Les souvenirs remontent à la surface et avec eux des visages de disparus, des moments pas toujours heureux qu'on est le seul à connaître et qu'on cache, l'espace du bref moment du déclencheur de l'appareil photographique, sous un sourire factice et le soin de dissimuler des réalités moins gaies.

Je me suis demandé à propos de ce livre ce qui reste après avoir passé sa vie dans une famille. On s'aime, on se marie, on a des enfants qui partent et on se retrouve seul à attendre la mort en remâchant son parcours, les trahisons, ses rêves déçus d'une vie qui aurait pu être belle mais qui ne l'a pas été parce que le bonheur tant souhaité n'a pas été au rendez-vous... C'est l'histoire ordinaire de ce qui s'est passé dans cette famille qui avait tout pour être heureuse, comme on dit, mais qui le l'a pas été et que les enfants ont fui sans grand espoir de retour. A la maison de famille répondent des secrets de famille qui ressurgissent et parfois font mal même si on s'attache, une dernière fois, à repeindre le passé ! Alors, maison à vendre ! Oui, peut-être, mais il faut toujours se méfier du tropisme de ces vielles bâtisses !

Avec beaucoup d'humour et un style enlevé l'auteur réussit à faire partager à son lecteur sa vision des choses, son drame intime, son choix de rire de cette situation délétère, Cela donne un texte agréable à lire et érudit par moments. J'ai bien aimé ce roman dont l'auteur m'était inconnu jusqu'à ce que Babélio et les éditions Flammarion ne me sélectionnent pour cette lecture. Je les en remercie chaleureusement.
© Hervé GAUTIER – Avril 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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Guy Rolin a acheté un terrain en Normandie, Maulna. Il devient un vrai stakhanoviste de la plante verte. Dès que ses enfants sont en âge de tenir sur leurs jambes, ils sont embrigadés par ce tyran domestique qui a des gènes de négrier.
Quand le père meurt, Guillaume pense que sa mère va se débarrasser de la propriété. Mais pas du tout. Elle reprend le flambeau jusqu'à la chute et la fracture du col du fémur.
Guillaume est en Italie, Estelle en Chine. Va-t-on vendre la maison de famille ?
En reposant ce volume, je suis perplexe. Qui est exactement François-Guillaume Lorrain ? Les maigres renseignements que je peux glaner m'apprennent qu'il est journaliste, professeur et qu'il a réalisé des capsules historiques sur le web. C'est bien ce que je pensais : il ressemble comme un jumeau au personnage du roman. Même prénom, nom inversé (Lorrain devient Rolin). Cette histoire pourrait bien être la sienne. Cela me glace. La jeunesse de Guillaume, en effet, n'a rien du « vert paradis des amours enfantines ».
Le récit commence au moment où se pose, pour Guillaume, la question de se débarrasser de Maulna, cette propriété adulée par le père, mais qui, pour les enfants, s'apparente plutôt à un bagne. Quand Guillaume évoque ses souvenirs sur le divan du psychiatre, il parle d'un « kibboutz », ou plutôt un « kolkhoze ». Aussi, quand sa mère fait une chute et ne peut plus en assumer l'entretien, la première réaction de Guillaume est-elle « Oui, je voulais bazarder cette maison. J'avais mes raisons. Autrement dit : des souvenirs. le mercredi, à treize heures, mon père venait me cueillir à la sortie du collège et je m'affalais sur la banquette arrière, fait comme un rat. Au loin, mes camarades s'en allaient jouer au foot, flirter avec les filles, profiter de l'après-midi. J'étais le rat des villes qu'on kidnappe pour l'emmener à la campagne. Sans doute cela ne lui effleurait-il pas l'esprit que j'étais malheureux. »
Quand, après une journée de dur labeur, ils regagnent leur appartement de Saint-Cloud, les enfants rêvent d'un « couscous Saupiquet ou un Big Mac dégoulinant de ketchup Pour l'heure, cependant, il nous fallait finir notre assiette, les wagons de carottes, les montagnes de choux de Bruxelles, les tombereaux de tomates (…) Mais notre calvaire n'était pas terminé. de la campagne, il nous arrivait de rapporter des branches de cassis ou de tilleul à égrener. de véritables nids à pucerons et à petites bêtes (…) Nous nous grattions toute la semaine. »
Au fil des pages, Guillaume évoque ses loisirs : biner, sarcler, désherber, planter, quand il n'est pas obligé d'assister son père égorgeant les moutons qu'ils ont vus naître, puis, faisant tremper les peaux dans la baignoire, « où les tissus libérèrent des odeurs insoupçonnées. L'eau se colora de teintes suspectes. » Et enfin, les deux enfants ont droit à leur manteau de « peaux de bête qui nous valurent au collège des cris d'homme des cavernes. »
On ne s'étonne donc pas que Guillaume cherche, par tous les moyens, à s'échapper et à trouver un peu de paix. C'est ainsi qu'il se cache dans un grenier à foin d'où il entend son bourreau pester « Tu ne perds rien pour attendre ».
Quand les parents font un cadeau, pas de livre ni de jouet, mais un arbre pour enrichir Maulna. Estelle se voit gratifiée d'un hêtre pourpre et Guillaume d'un poirier. Il se réjouit d'abord de le voir porter des fruits, mais quand l'arbre tombe malade et qu'on l'arrache sans pitié, il a la lugubre impression que c'est de lui que ses parents se débarrassent.
Devenu adulte, Guillaume veut moderniser la demeure vétuste. C'est alors que sa mère exhibe fièrement des plans jaunis attestant de leur désir d'avoir en Maulna une véritable maison secondaire. Las, ce projet est resté lettre morte avant de sombrer dans l'oubli. Guillaume veut également installer internet. Il subit maints échecs. La communication ne passe pas, comme si le temps s'était figé et que Maulna refusait toute intrusion dans la modernité.
En choisissant ce livre, je m'attendais à des souvenirs de famille qui auraient fait écho aux miens. Car, nous aussi, nous avions deux grandes propriétés à la campagne : celle de mes parents et celle de mes grands-parents. Mon père y investissait beaucoup de son temps et sacrait contre son « bagne vert ». Mais nous, les enfants, nous n'y avons coulé que des jours heureux.
Rien de tel dans le roman de François-Guillaume Lorrain. le ton est amer et vengeur. Les termes sont d'une implacable dureté : le jeune garçon est « kidnappé », se sent « fait comme un rat » et endure un « calvaire ».
La couverture nous présente un enfant aux genoux couronnés, perdu au milieu d'une verdure roussie, l'air seul, malheureux, renfermé sur lui-même.
J'ai donc lu cette histoire avec tristesse, sans comprendre comment des parents avaient pu infliger une telle épreuve à leurs rejetons, au point que ceux-ci, devenus adultes, avaient fui le plus loin possible de cet enfer.
Et pourtant, le point de vue change au moment où la mère envoie à Guillaume un « album de famille », dans lequel il découvre des photos qui font croire que sa jeunesse n'a pas été aussi torturée qu'il en avait l'impression. Espoir et apaisement se construisent donc peu à peu à la fin de l'oeuvre, donnant la perspective d'un futur plus serein . Heureusement, car j'avais le coeur serré.
Mon avis est donc mitigé : j'ai beaucoup aimé l'art de l'auteur de nous faire ressentir des sentiments aussi forts. En revanche, j'ai trouvé cette enfance horrible et triste à pleurer. le personnage du père était odieux. Je ne peux pas comprendre comment il pouvait frapper son fils à coups de fouet. On n'est plus dans un kolkhoze, mais carrément sous le régime tsariste où les gros propriétaires terriens infligeaient le knout à leurs moujiks !
Je suis reconnaissante à l'Opération Masse Critique ainsi qu'aux éditions Flammarion de m'avoir fait découvrir cet aspect de la vie à la campagne que je n'aurais jamais imaginé.
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Une couverture qui donne envie et un titre qui fait penser que l'on va découvrir une histoire gentillette. C'est le cas en effet. Souvenirs d'enfance liés à une une maison secondaire dans la campagne normande où le père, médecin, dirige la famille d'une main de fer.
Pendant des années les week-end dans ce lieu, sans échappatoire, pour récolter, planter et travailler. Ce qui ne plait pas vraiment au héros de cette histoire. A la mort du père, la mère reprend le flambeau, s'activant avec adresse dans cette vie laborieuse mais choisie et aimée. Son fils Guillaume est loin de tout ça. Professeur à Florence. Une chute de la mère lui fait redire ce qu'il voulait déjà " il faut bazarder cette maison".
La nostalgie d'une époque, la nature et les rapports familiaux font de ce roman une lecture agréable où l'on peut se retrouver.


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critiques presse (1)
LePoint
21 mars 2016
Un récit cruel et drôle
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Au-dessus de mon lit, la reproduction d’un poème de Paul Fort, glissée sous une plaque de verre. Imprimé sur papier fait à la main, au moulin Richard de Bas à Ambert d’Auvergne. Enfant, je m’étais promis qu’un jour dont une feuille était miraculeusement arrivée jusque chez nous. «Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours-y vite »… Chaque vers était écrit de plus en plus gros, jusqu’au dernier, « IL A FILÉ », qui éclaboussait la feuille comme pour se moquer du lecteur trop lent à qui le bonheur venait d’échapper. Une délicate attention de mon père, qui lui aussi avait filé. Définitivement, et pour un autre monde, quinze ans auparavant.
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Nous en avions été les otages et nous en étions les survivants, initiés très tôt à la terreur psychologique, à la guerre froide, au système concentrationnaire. Nous savions comment pousser des cris silencieux, nous effacer sans bruit, devenir transparents. Devenir gris. J’avais longtemps fredonné cette chanson qui évoquait un homme sur le départ, dans une gare, une valise à la main. J’avais dix ans et je me voyais déjà en gris. J’étais l’enfant invisible. J’aspirais à la lumière, au grand large.
Notre pénitencier n’avait ni verrou ni barreau et le geôlier en chef sans doute aucune conscience de ce que nous vivions. Maulna avait été une cellule en plein air. Une mise au vert comparable à celle des sportifs qu’on isole avant un match crucial. Mais le nôtre avait duré plus de quinze ans. Un long stage commando pour enfants. Notre père ne répétait-il pas que Maulna serait notre base de repli si les chars russes entraient dans Paris ? 70/71
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Elle poussa un long soupir. J'exagérais. Je noircissais le tableau. Nous nous en étions quand même bien sortis.
- Ce n'est plus le même Maulna...
Je ne l'avais jamais connue aussi coriace. Elle qui s'était tue si longtemps, sinon pour nous donner des ordres ou relayer ceux de mon père quand il ne voulait pas s'abaisser à nous parler.
- Tu vas te bloquer là-dessus encore longtemps?
Pouvait-on encore réécrire le passé? L'histoire, peut-être. Mais notre vie...
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Un instant immortalisé n'abolit pas le reste du temps. Pourquoi ces moments privilégiés auraient-t 'ils plus de valeur que les autres tellement plus nombreux et passés à la trappe, moutons noirs de la mémoire planqués sous les tapis ? Cette photo m'assure seulement d'une parenthèse enchantée dont je ne garde aucun souvenir. Mais si j'ai oublié celle-ci, j'en ai certainement oublié d'autres.
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Lorsque je fus démasqué et mon poste confisqué, je partis m'exiler à la bibliothèque municipale que la providence avait placée tout près de chez nous et qui devint ma seconde maison. A chacune de mes visites, je filais à droite, direction les biographies. J'avais un faible pour les rois et les reines. En compagnie de saint Louis ou de Louis XI , j'échappais au pouvoir paternel, je me sentais comme avec de vieux oncles qui ruminent leur vie au coin d'un feu. J'apprenais par cœur leur date de naissance, celle de leur mariage, l'âge et le prénom de leurs enfants, je les suivais dans leurs aventures, leurs intrigues, leurs amours, assez triste d'apprendre, à la fin, qu'ils étaient morts depuis longtemps. A mes yeux, ils paraissaient si vivants.
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