Il y a environ un an, une amie avec qui j'avais partagé mon intérêt pour l'étude de la paternité m'a envoyé un magnifique texte de
Nicolas Raccah sur sa propre paternité. [Elle se reconnaîtra sans doute dans ces lignes]. C'est en pensant à ce texte que j'ai été attiré par cet ouvrage qui, sous la direction littéraire d'
Isabelle Lortholary, rassemble les récits autobiographiques de sept auteurs français contemporains connus sur leur expérience paternelle :
Olivier Adam,
Patrick Besson,
Jean-Yves Cendrey,
Philippe Claudel,
Thierry Consigny,
Philippe Delerm,
Boualem Sansal. Comme l'indique
Lortholary dans sa Préface (cf. cit. 1), le témoignage littéraire des hommes sur ce thème est très rare ; il s'avère en plus, me paraît-il, très ardu. Pour ne rien cacher, nonobstant toute la différence que comportent ces textes, je n'ai trouvé dans aucun la force émotionnelle de celui de Raccah. Je me suis dit que, lorsqu'un texte autobiographique traite d'une expérience à la fois intime et presque universelle, la crainte du stéréotype et de la banalité peut conduire au danger de verser dans l'anecdotique – puisque l'anecdote, justement, est personnelle. Qu'il s'agisse de la narration de la naissance de ou des enfants (cf. surtout
Olivier Adam), d'une adresse privée à son enfant (cf.
Philippe Claudel), ou de l'évocation de certains souvenirs familiaux qui, dans la vie de chacun, apparaissent comme emblématiques du cheminement de son expérience paternelle et/ou parentale, avec ou sans l'intervention des enfants dans cette réflexion qui est aussi un bilan de vie (cf.
Jean-Yves Cendrey et « le rangement des petits vélos »), la sincérité de ces paroles, que je reconnais et salue pourtant, ne m'a pas suffi. Sans trop savoir pourquoi, j'ai été attiré davantage par certaines données contextuelles, comme les informations livrées par
Boualem Sansal sur la situation des couples mixtes et l'éducation de leurs enfants en Algérie dès la fin des années 1970 (alors que j'aurais pu imaginer une telle situation plutôt dans les années 90)... L'intime et l'universel, l'anecdotique et l'emblématique, le personnel et l'intérêt partageable : autant de pôles antithétiques qui requièrent un arbitrage ou un jonglage compliqués. L'éditrice (ou qui pour elle) a sélectionné et reproduit en quatrième de couverture une courte cit. tirée du texte de chacun : une telle sélection a le mérite de mettre en exergue leur caractère inattendu – et l'on peut tout à fait s'en tenir à ce critère uniquement. Par ailleurs, Cendrey clôt son récit en posant que : « Être père ça ne s'explique pas, ça se raconte. » (p. 46) ; peut-être que moi, à l'inverse, j'ai toujours envie ou besoin que l'on m'explique...