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Critique de jovidalens


Elle vivait tranquille, amoureuse de son mari dans une maison terne. Les espoirs de la jeunesse se sont effrités, sont tombés en poussière comme celle qui recouvre les objets qui jonchent son atelier, comme la poussière qui saupoudre ses vitres. Elle vivait comme engourdie, repliée sur ses rêves et ses illusions. Son mari l'appelle toujours sa "Sardine" mais il détourne trop rapidement son regard quand il l'embrasse. de fait, elle ne voit plus rien, n'entend plus rien et, au fond, a-t-elle envie de .... "se réveiller" ?
Jusqu'à la nuit où, son mari en déplacement à l'autre bout de la France elle se trouve seule à affronter la rage destructrice d'un jeune à la tête vide. Ligotée cruellement aux montants de son lit, battue, menacée d'un couteau qui peut la "crever" à tout moment, puis violée, toute son énergie, son intelligence, sa finesse seront mobilisés pour survivre, revoir la lumière du jour. Juste survivre. La force de sa parole convaincra son tortionnaire, qui peu à peu laissera voir sa jeunesse, sa pauvreté. La pauvreté financière n'est rien à côté de la pauvreté de sa personne, pauvreté de pensée, pauvreté de sentiments, pauvreté d'élocution, bref, pauvreté à tous les étages !
Arrivé à ce stade du livre, le lecteur est étourdi de violence à en avoir le souffle suspendu. Et au petit matin, le"gamin" comme elle l'appelle s'en va. Lui, rien ne l'aura marqué ; sauf peut être qu'il n'a pas trouvé de fric ! Mais elle ! "Restait la lumière éblouissante de ce jour gris, l'enivrante certitude d'exister " : c'est une guerrière, une survivante elle a vaincu et savoure cette vie qu'elle a réussi à conserver, seule, sans aucune aide.
Arrive l'appel téléphonique de son mari auquel elle raconte ce qui vient de lui arriver. Et la réponse claque :"Et tu voudrais que je revienne ? Nom d'un chien, ça tombe mal. En plein festival ...". A partir de là une autre violence se déchaîne, peut-être plus cruelle que celle du "gamin" car cruauté émanant de ceux qu'elle aime et dont elle croyait être aimée. Mis a part les mots qu'elle aura dits et qui auront été jetés sur le papier du procès verbal de dépôt de plainte, plus personne ne voudra/pourra l'entendre. Comment peut-elle accepter qu'on se détourne d'elle, elle, la victorieuse. Et là où le sauvage ne l'aura pas détruite, ce sont le silence de ceux qu'elle croyait appartenir à la même espèce qu'elle, les lettrés, les "généreux", ce sont ceux-là qui la mettront à terre.
Superbe roman magistralement écrit qui nous emmène dans cet enfer de l'inhumanité quotidienne. Sans expressément le dire, Virginie Lou exprime combien l'humanité c'est la parole, les mots pour le dire, les mots à entendre, à écouter. Oui on entend bien avec le coeur mais encore faut-il que cette parole passe par les lèvres de l'un et les oreilles des autres. La cruauté est autant l'apanage d'un "gamin" de dix-huit ans que celui des adultes du cercle le plus intime.
Ce livre écrit en 1996 est d'une actualité saisissante.
Le titre a été repris dans un article de Pascale Navarro commentant l'affaire Weinstein parce que, enfin, la parole des femmes se fait entendre.
Pour conclure, je voudrai remercier Madame Virginie Lou d'écrire si brillamment sur notre humanité. Déjà ce questionnement était en filigrane dans ce merveilleux conte : "Le Miniaturiste ".
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