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Critique de pilyen


Après avoir brossé et réhabilité ( de façon lourdingue) son père, Edouard Louis met sous les feux de son projecteur, sa mère dans un court texte sobrement intitulé : « Combats et métamorphoses d'une femme ». Évidemment, le rouleau compresseur médiatique s'emballe, saluant avec des cris d'extase cette nouvelle parution dont le mélange féminisme/confession permet de déployer sans fin tout une glose bien de notre époque : faire reluire le tout venant.

Posons-nous quelques minutes et imaginons une seconde que ce récit soit signé ... Jean-Paul Duglandier. Quel(le) critique daignerait écrire une ligne sur ce portrait banal ? Sans doute une jeune blogueuse, ravie d'avoir reçu de la part des éditions du Seuil le volume, se fendrait d'une critique enflammée ( dans le secret espoir de recevoir d'autres livres gratos), enthousiasmée par le parcours de cette mère partie du fin fond d'un logement social du nord de la France et qui finit par fumer une clope avec Catherine Deneuve.

Mais cette mignonne bluette est signée Edouard Louis, nouvelle égérie prouvant la non consanguinité du milieu littéraire et intellectuel français. Et ça change tout. L'homme, au parcours évidemment notable, est une personnalité intéressante, passionnante et formidablement électrisante lorsque l'on lit ou écoute ses interviews. Cependant, ses écrits laissent plus que songeurs et ce nouvel opus n'emballera pas plus le vrai amateur de littérature que celui d'essai sociologique.

Le texte est donc le récit du parcours de la mère de l'auteur, issue d'un milieu plus que modeste, privée d'études car mariée jeune à un homme violent et alcoolique avec qui elle aura deux enfants avant ses 20 ans mais qui au final arrivera à se sortir de cette misère pour atteindre une nouvelle vie plus conforme à ses rêves de jeune fille. L'auteur revisite donc sa famille déjà présentée sous un jour peu flatteur dans son premier texte ( « En finir avec Eddy Bellegueule »). Il a vieilli et sa maturité lui permet de donner un autre éclairage à ses géniteurs. C'est humain, normal, banal. Hésitant entre roman et essai, s'adressant tour à tour à sa mère, au lecteur ou à lui-même, Edouard Louis essaie de rendre la chose vaguement passionnante voire sociologique en abordant cette double peine qu'est être femme et pauvre. Hélas pour lui, il est loin d'être le premier à écrire sur ce sujet, la figure maternelle d'un milieu social défavorisé et sur la honte ressentie par un élément de la fratrie qui réussit. Face à lui se dresse Annie Ernaux ( et beaucoup d'autres) et les comparer n'est pas du tout à son avantage. L'écriture est plate, les décors à peine brossés n'arrivent pas à faire exister réellement les personnages qui ne sont caractérisés que par quelques petites anecdotes jamais vraiment exploitées. le texte essaie de se glisser dans un mouvement féministe, sans doute bienvenu à notre époque, mais qui lui aussi reste assez superficiel. Certes, cette mère est attachante au final, car, c'est seule qu'elle arrive à se sortir de son quotidien sordide. On peut être touché par ce revirement filial, qui passe de la honte à l'admiration mais pas plus que moultes récits publiés depuis des décennies.

Si on devait chercher et donc trouver quelque chose d'original dans ce court texte, ce serait qu'Edouard Louis théorise gentiment la notion de « mère de » car, c'est bien grâce au parcours flamboyant de son fils que cette femme a pu se métamorphoser en s'aidant de l'appel d'air ainsi généré malgré l'ingratitude et la honte. C'est mieux que rien mais de là à déclencher ce torrent médiatique de louanges, on peut rester perplexe ou simplement passer pour un vieux rabat-joie en pensant que notre époque à les écrivains qu'elle mérite.
Lien : https://sansconnivence.blogs..
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