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Critique de Pat0212


Je ne connaissais pas du tout cet auteur, qui semble pourtant très célèbre, mais j'ai eu grand plaisir à le découvrir une fois de plus grâce à Audiolib, que je remercie pour sa confiance. Il s'agit d'un texte court (cent vingt pages, un peu plus d'une heure et demie) mais percutant et très touchant. Il est très bien lu par Irène Jacob, toutefois j'ai été surprise qu'il s'agisse d'une lectrice et pas d'un lecteur, vu que le texte comprend de nombreux passage en Je, écrit par un homme, même si l'auteur ne se définit pas comme tel. C'est plus surprenant que gênant et il s'écoute d'une traite avec plaisir .

Je ne connaissais pas du tout l'histoire de l'auteur, qui parle de sa famille. Il dresse ici un beau portrait de sa mère Monique. Ils se sont vraiment rencontrés sur le tard. Sa mère commence un apprentissage de cuisinière, mais tombe rapidement enceinte et doit arrêter sa formation pour se marier. A vingt ans, elle est mère au foyer avec 2 enfants, mais rapidement son mari devient alcoolique et elle le quitte pour s'installer chez sa soeur. Elle rencontre ensuite le père d'Eddy, se remarie et fonde une nouvelle famille. Là aussi, le prince charmant se mue rapidement en un mari alcoolique, violent et humiliant, Monique est coincée dans ses tâches ménagères, ses relations avec ses enfants sont difficiles, certains tournent mal, reproduisant le schéma de leurs pères et Eddy est différent, il est gay, ce qui ne passe pas dans son milieu. Il est le seul de sa famille à faire des études, ce qui accroit encore le fossé avec les autres, il a surtout honte de son milieu très pauvre, et honte d'avoir honte. Monique a l'impression de ne pas vivre sa vraie vie, que son destin est accidentel et que sa vie, nettement plus rose l'attend tout à côté. Elle subit des violences de son mari et aussi de ses enfants d'une certaine manière, mais quelques lueurs trouent sa nuit : un séjour à la montagne payé par les aides sociales, puis une amitié de quelques mois avec Angélique, l'assistante sociale. Après plus de vingt ans d'humiliation, alors qu'Eddy est parti étudier à Paris, elle met son mari à la porte, balance ses affaires dans un sac poubelle sur le trottoir et c'est le début d'une libération. Elle rencontre enfin un homme bien, un gardien d'immeuble parisien et trouve son coin de ciel bleu. Eddy peut enfin rencontrer vraiment sa mère.

L'auteur insiste lourdement sur l'oppression subie par sa mère, à la fois en tant que femme dans un milieu où les hommes semblent systématiquement violents envers leurs compagnes, les frappant ou les insultant en pleine rue, et surtout en tant que membre de la classe sociale la plus pauvre. Il se demande s'il est devenu un bourgeois, ce qui semble assez évident pour un intellectuel parisien, il insiste beaucoup sur la notion de transfuge de classe. J'avoue me demander si cette dichotomie entre bourgeois et ouvriers est encore vraiment pertinente de nos jours, on croirait lire un sociologue du début du vingtième siècle. Même s'il est évident que les milieux sociaux ne se mélangent pas, mais je pense que la société est plus nuancée que ce partage en deux classes, forcément opposées et en lutte. Il note aussi que la violence envers les femmes existe aussi dans le milieu bourgeois, même si c'est moins systématique et plus subtil.

La misère décrite par l'auteur m'a frappée, non pas tant le dénuement matériel, qui a été largement révélé par la pandémie, mais la pauvreté sociale, ces personnes n'ont aucune perspective autre que l'aide sociale. Et si la télévision ne tournait pas en continu dans leur foyer, on croirait être chez Zola, comme si rien n'avait changé depuis le dix-neuvième siècle dans le Nord de la France. En fouillant sur le net pour en savoir plus sur l'auteur, j'ai vu qu'il est né en 1992, sa mère est donc de ma génération et j'ai été choquée que des femmes puissent encore vivre une telle vie à notre époque. La pauvreté matérielle n'explique pas tout, il y a une soumission, un déterminisme effrayant dans cette histoire. On ne peut qu'admirer cette femme d'avoir quand même réussi à sortir de ce cercle vicieux, même si elle se sent toujours méprisée par les bourgeoises de son immeuble parisien.

J'ai beaucoup aimé ce livre très surprenant vu de la Suisse. Je ne pensais pas que des zones aussi ravagée par la misère sociale existait encore si près de chez nous. Je ne dis pas que la Suisse est parfaite, loin de là, la pandémie a révélé beaucoup de précarité, mais il me semble qu'on a quand même fait des progrès depuis L'assommoir de Zola ! Un grand merci à Netgalley et Audiolib pour cette découverte.

#Combatsetmétamorphosesdunefemme #NetGalleyFrance !
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