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EAN : 9791092444032
88 pages
l'Atelier contemporain (15/10/2013)
5/5   1 notes
Résumé :
Le récit biblique de la mésaventure de la chaste Suzanne calomniée par un quarteron de vieillards lubriques a donné lieu à maintes illustrations picturales ou littéraires. Il est devenu un véritable topos dans la culture occidentale. Le texte, ici offert au lecteur, s’inspire bien de la légende, mais sur le mode de la dérision, de la fabulation grotesque, érotique et fantasmatique. Suzanne se fait complice des regards qui assaillent sa pudeur, et les vieillards, tou... >Voir plus
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Quelques autres, parmi la population de Croûtons encasernée ici, à la Clinique du Confluent, offraient en spectacle une nature plus triviale, calculatrice et pragmatique. C’était une bande de compères, ci-devant chauds lapins, à présent frappés, comme les autres, par le mal d’impotence. À la manière de ces grands malades ou grands infirmes qui tirent vanité de leur indigence physique et se tiennent au premier rang de la foule, lorsqu’est annoncée la venue de quelque thaumaturge, aux miracles assurés, ceux-là encadraient la porte d’entrée du grand hall de l’établissement, que Suzanne devrait nécessairement franchir aussitôt qu’elle arriverait. Ils étaient entièrement nus, exhibant leurs loques sexuelles, mais comme ils n’avaient rien oublié des bonnes façons de leur passé de séducteurs et qu’ils connaissaient bien le langage des fleurs, ils tenaient piquée, dans la petite fente de leur verge, la tige d’une fleurette extasiée, un œillet de poète, une jeune marguerite, un bouton d’or, et ils avaient disposé des bribes de verdure tout autour, subtilement attachées aux poils du pubis. Ainsi ornés, ils se donnaient l’air des vieilles divinités des jardins et bosquets d’autrefois. Mais naturellement, cette opération de fleuriste, rameuteur de belles, n’avait rien de flambant. Pourvu de sa garniture, le sexe n’en était pas moins dépourvu de tout allant. La saison restait au plus morne, dans le mensonge du jardin. Cependant les ex-ripailleurs, gourmands de viandes féminines, en imposaient à tous les autres. Suzanne, comme toutes les filles, serait flattée, comme d’un bijou, d’un colifichet, d’une gâterie originale et elle aurait sur eux, les premiers, le geste qui réveille les morts. Si son fluide devait s’épuiser bientôt, au moins en auraient-ils reçu la primeur, avec tout son concentré d’énergie. Ils attendaient, ils campaient, ils montaient la garde, leur virilité déliquescente, mais le pied encore ferme. Leur imagination était restée chaude. Sans que leur chair fût même en état de frémir, ils se voyaient encore en galants verdoyants, assidus aux charmes dévoilés de la femme. Cette Suzanne que personne n’avait vue mais qui occupait les reculées inaccessibles du désir, en une attente infinie, ils en percevaient déjà les formes saines et bien remplies, les seins puissants, le ventre épanoui, la toison abondante. Celle qui, assurément, se préparait à surgir, ne pouvait que s’abandonner au culte dont elle faisait l’objet, dans ce dernier carré de vieux mâles défaits et rassis – Croûtons balayés parmi les détritus de la vie. Il y avait de l’imploration dans leur mémoire élimée, entre inertie flasque et trémulation d’impuissance chatouillée, cela n’avait pas de voix, pas de mots, mais des soupirs s’agglutinant autour d’une seule image : d’une femme nue, en toute beauté, offerte au monde pour la résurrection de la chair et le salut des agonisants. Ce fantôme du cœur et des sens, remonté de la plus profonde nuit des aspirations des mâles, allait s’incarner enfin, c’était sûr, depuis plus de quatre mille ans qu’on l’attendait, promis par les prophètes et les poètes, et ce serait dans le corps de Suzanne, selon l’abondance de ses grâces et la générosité de son sexe. Tous les Croûtons partageaient cette évidence au-dedans, comme une révélation qui n’appartenait qu’à eux.
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[Comme s’ils n’étaient là, depuis toujours, qu’afin de se tenir au plus près et de la contempler, elle, la chaste Suzanne, du fond de leur impotence et de leur nullité, offrant l’ombre de leur désir et son vide derrière le souvenir, on les avait rassemblés, formant chapitre d’hôpital général, section des vieux Croûtons, dans la grande maison du bord de l’eau, ou bordeleau, intitulée Clinique du Confluent. Et ils savaient qu’ils n’en sortiraient pas, sinon les pieds devant, et que c’était la dernière étape, la dernière pause avant la fin des travaux – ce pour quoi ils pouvaient se dire que tout était permis, dans l’absence de tout au-delà de leur attente. Aussi leur négligence à se présenter correctement était totale. La plupart avait renoncé à la toilette matinale : ils ne se rasaient plus, ils ne se peignaient plus, ils avaient cessé même de laver les extrémités exposées de leur corps. Ils arboraient des mines truandesques, tantôt épanouies en faces rubicondes, tantôt décharnées, creusées et torturées en lames et lamelles de peau grisâtre et hirsute. À toutes les heures du jour et de la nuit, ils aplatissaient leur gueule contre les parois de verre du long couloir par lequel passerait bientôt Suzanne, selon les obligations obscures de son service.]
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Vidéo de Claude Louis-Combet
Otto Rank (1884-1939), la volonté créatrice : Une vie, une œuvre (1997 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 3 avril 1997. Par Bénédicte Niogret. Réalisation : Jean-Claude Loiseau. Avec Pierre Bitoun, Claude-Louis Combet, Alain de Mijolla, Aimé Agnel et Judith Dupont. Avec la voix d’Anaïs Nin. Textes dit par Jean-Luc Debattice. Otto Rank, né Otto Rosenfeld le 22 avril 1884 à Vienne et mort le 31 octobre 1939 à New York, est un psychologue et psychanalyste autrichien. D'abord membre du premier cercle freudien, secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et membre du « comité secret », l'évolution de ses recherches lui vaut d'être exclu de l'Association psychanalytique internationale en 1930. Il est considéré comme un dissident du mouvement international. Otto Rank est originaire de Vienne, issu d'une famille de la moyenne bourgeoisie juive. Fils de l’artisan d’art Simon Rosenfeld, il est contraint, dans un premier temps, de travailler lui-même comme artisan et de renoncer aux études supérieures. Il prend le nom de Rank à l'âge de dix-neuf ans, en référence au bon Dr Rank de la pièce d'Ibsen, "La Maison de poupée". Il lit à vingt ans "L'Interprétation des rêves" de Freud et écrit un essai que le psychanalyste Alfred Adler transmet à Freud. Il devient dès lors un psychanalyste du premier cercle et, en 1906, devient le premier secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et à ce titre, l'auteur des transcriptions des minutes de la société viennoise (conférences et d'échanges), de 1906 à 1918. En 1924, il publie "Le Traumatisme de la naissance", s'intéresse à ce qui se trouve avant le complexe d'Œdipe et propose une vision différente de celle de la psychanalyse d'orientation freudienne. Sigmund Freud l'analyse brièvement jusqu'à fin décembre 1924 puis le rejette ; Rank se trouve exclu des cercles psychanalytiques freudiens. En 1926, Rank s'installe à Paris, devenant l'analyste d'Henry Miller et d'Anaïs Nin, avec qui il a une courte liaison. Il voyage en Amérique, où il rencontre un certain succès. Il est invité notamment à la société de Rochester pour la Protection de l'enfance en danger où travaille alors Carl Rogers. Il est exclu de l'Association psychanalytique internationale le 10 mai 1930. En octobre 1939, il meurt à New York à l'âge de 55 ans, des suites d'une septicémie.
Sources : France Culture et Wikipédia
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