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Michel Jarrety (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253160700
190 pages
Le Livre de Poche (21/02/2001)
3.78/5   166 notes
Résumé :

J'arrive : la grille était fermée aux barres. Je sonne : après quelques instants, Concha descend, et me sourit. Elle portait une jupe toute rose, un petit châle couleur de crème et deux grosses fleurs rouges aux cheveux. A la vive clarté de la nuit, je voyais chacun de ses traits. Elle approcha de la grille, toujours souriante et sans hâte : " Baisez mes mains ", me dit-elle. La grille demeurait fermée. " A présent, baisez le bas de ma jupe, et le bout... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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La femme et le pantin représente pour moi le chef d'oeuvre de Pierre Louÿs.
Magnifiquement adapté par Luis Bunuel, en 1977, sous le titre Cet obscur objet du désir, ce livre brûle d'une passion et d'une perversité poussées à leur paroxysme.
Film et bouquin m'ont marqué la mémoire de cet assouvissement contrarié, torturé et manipulé par le femme-titre... celle qui joue avec le feu de l'enfer du désir.
Ici, l'homme est lié, à merci, toute raison abolie. Il brûle, se consume. Il est perdu... Collé comme une mouche à un papier...tue-mouches.
D'autres auteurs déclineront, peu ou prou, cette même, lancinante et terrifiante histoire, toujours la même, mais pas avec l'art narratif consommé de Pierre Louÿs.
La femme et le pantin, livre hallucinant du spectacle-malaise d'un récit sans issue et sans fin.
Un livre si indispensable à lire, douloureux, certes.
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Une fois de plus, un homme « mûr » s'éprend d'une jeunette qui profite de lui. Ce thème largement exploité dans la littérature se lit avec plaisir sous la plume de Pierre Louÿs. L'auteur troque donc sa Grèce antique coutumière contre l'Espagne fin-de-siècle, qui sert ici de décor. le pauvre homme éperdument amoureux est près à faire toutes les concessions et subir tous les outrages pour obtenir les faveurs de la belle. Les descriptions du corps de la jeune Concha n'ont d'ailleurs rien à envier à celles d'Aphrodite ou de Bilitis. Nous sommes cependant, dans ce roman, moins dans l'érotisme que dans la passion. C'est un peu convenu à mon goût mais on suit avec une réelle curiosité l'évolution de cette relation amoureuse. Je me souviens également de la très provoquante Marlène Dietrich dans le film éponyme de Josef von Sternberg.
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« Ce qui est vrai, c'est que l'amour n'a pas été pour moi une distraction ou un plaisir, un passe-temps comme pour quelques-uns. Il a été ma vie même. Si je supprimais de mon souvenir les pensées et les actions qui ont eu la femme pour but, il n'y resterait plus rien, que le vide. »


Peu importe la personne tant que l'état de déliquescence intérieur, qui porte à chercher du combustible ailleurs qu'en soi-même, se prête à l'élection de n'importe qui – cristallisation d'une nécessité intérieure et d'une contingence extérieure.


« Vous voyez, Monsieur, combien cette première rencontre est insignifiante et vague. Ce n'est pas un début de roman : le décor y tient plus de place que l'héroïne, et j'aurais pu n'en pas tenir compte ; mais quoi de plus irrégulier qu'une aventure de la vie réelle ? Cela commence vraiment ainsi. »


L'héroïne en question ne prend sans cesse plus d'importance qu'à la mesure de ce que le narrateur veut bien lui en accorder. Et il y tient, à lui donner de l'importance, puisqu'il n'a rien d'autre pour s'amuser à donner sens à sa vie. Quel est le signe qui se développe progressivement et qui attache inéluctablement le narrateur à cette fillette croisée un jour dans un train ? Il n'en saura jamais rien et nous non plus mais sa vie en sera définitivement gâchée parce que la garce – qui n'avait d'ailleurs rien demandé – n'avait pas vu en lui sa propre nécessité intérieure. Les années passent et l'obsession reste à la mesure de l'insatisfaction. Rien d'autre ne semble désormais avoir d'importance. La vie du mec se résume à ses rencontres fortuites avec la conchita. Chaque rencontre provoque une rechute.


Ce court roman n'a rien de palpitant, comme il en est de chaque histoire d'amour lorsqu'on ne la vit pas de l'intérieur. C'est donc pour cela que des vies peuvent être perdues, en attente de cet élément extérieur qui, croit-on sans s'interroger, pourra l'élancer vers les sommets de la fusion et de l'harmonie.


L'écriture, d'une perfection littéraire propre à son temps, renvoie aux nouvelles fantastiques et romantiques d'un Théophile Gautier, bien que l'élément fantastique n'y soit ici pas présent sinon dans l'irrationalité de cet élément inconscient qui nous envoûte et nous fait courir à notre déperdition dans l'amour.
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Auteur aussi des Chansons de Bilitis, Pierre Louÿs (1870-1925), nous livre ici, en 1898, un roman qui rappelle fort Carmen de Mérimée («Si tu m'aimes prends garde à toi»), porté à l'opéra par Bizet, tandis que La Femme et le pantin l'a été par Zandonai (Conchita, 1911) et a aussi été porté plusieurs fois à l'écran, notamment avec Brigitte Bardot. le rapprochement avec Carmen vient très vite: «Il est deux sortes de femmes qu'il ne faut connaitre à aucun prix: d'abord celles qui ne vous aiment pas, et ensuite celles qui vous aiment». À l'époque, l'Espagne est vue comme le pays des passions et des excès. Ainsi, on parle d'une jeune «honnête femme. Elle n'a pas eu plus de quatre ou cinq amants. À l'époque où nous vivons, c'est une chasteté».
Comme pour Carmen, la scène se passe à Séville, pendant le carnaval, et on y entend l'accent andalou (Muchisima grasia, cavayero). Une jeune fille, Concha, a tapé dans l'oeil d'un Français, André Sévenol, et elle lui a donné rendez-vous le lendemain. Il se renseigne à son sujet auprès de Mateo Diaz, qui ne la connait que trop bien, et lui donne le conseil de la fuir, et de toutes façons, «Il ne faut jamais aller au premier rendez-vous que donne une femme – Et pourquoi ? - Parce qu'elle n'y vient pas».
Comme Carmen, Concha, travaille à la fabrique de cigares. C'est l'été, il fait torride. «Les plus vêtues n'avaient que leur chemise autour du corps (c'étaient les prudes). Presque toutes travaillaient torse nu... Il y avait de tout dans cette foule, excepté des vierges probablement».
Mateo raconte donc à André que chaque fois, elle se promet et le provoque, et chaque fois, quand il espère enfin atteindre au but, la réponse est «Plus tard» ou «Après demain», ou encore «Ouvre (mon corsage). Tu verras comme je suis belle. Si je le lui avais demandé, elle ne l'eût sans doute pas permis, car je commençais à douter que cette nuit d'entretiens s'achevât jamais en nuit d'amour... Les seins que j'avais mis à nu en ouvrant ce corsage, étaient des fruits de Terre Promise». Elle lui demande si elle lui plait, mais le scénario se reproduit: «Non, tout à l'heure... Et elle referma son corsage... À demain».
Lors d'un autre rendez-vous, «elle se déshabilla... je me persuadais que cette jeune peau rebelle allait enfin se livrer – Eh bien, ai-je tenu ma promesse ? dit-elle... Cette fois-ci encore, je fus ridicule et joué... – Alors, ce n'est pas moi que tu aimes, mais ce que je te refuse?... Une promesse, c'est tout ce que j'obtins d'elle... Voilà donc le degré de servitude où cette enfant m'avait amené (je passe sur les perpétuelles demandes d'argent auxquelles je cédais toujours)».
Nouvelle promesse encore, mais «comme elle avait reçu de moi la veille une somme de mille douros pour payer les dettes de sa mère, je trouvai la maison vide».
C'en est trop. Il part «pour Madrid, décidé à prendre pour maitresse, au hasard, la première femme qui attirerait mes yeux. C'est le stratagème classique, celui que tout le monde invente et qui ne réussit jamais... Elle fit de son mieux. Elle était affectueuse. Elle m'apprit des vices de Naples dont je n'avais nulle habitude et qui lui plaisaient plus qu'à moi... mais je n'éprouvais rien pour elle».
Il revient à Séville et la retrouve danseuse nue de flamenco dans un salon particulier. Fureur. Jalousie. «Après ce qui s'était passé, je n'avais que trois partis à prendre : la quitter, la forcer, ou la tuer. Je pris le quatrième, qui était de la subir».
Nouvelle promesse, ferme cette fois. En échange, il lui offre un hôtel privé qu'elle décore amoureusement pour abriter leurs amours futurs, mais quand il arrive, elle lui fait baiser ses pieds à travers la grille qui reste fermée, «et maintenant, allez-vous-en». On aperçoit Morenito, qu'elle dit être son amant. «Jamais, je ne serai à toi... Je te hais». Cette fois, c'est est trop. Il la retrouve, la frappe encore et encore, et elle répond finalement «Tu m'aimes donc tellement ? Pardon Mateo, je t'aime aussi... Que tu m'as bien battue. Que c'était bon. Pardon pour tout ce que je t'ai fait». Elle s'offre enfin: «Et en effet, Monsieur – dit Matteo à André Stévenol – elle était vierge». Mais un matin, elle a disparu et n'a laissé qu'une lettre.
«Je me suis levée pendant ton sommeil et j'ai été retrouver mon amant, hôtel X., chambre 6. Tu peux me tuer là si tu veux, la serrure restera ouverte. Je prolongerai ma nuit d'amour jusqu'à la fin de la matinée. Viens donc. J'aurai peut-être la chance que tu me voies pendant une étreinte. Je t'adore. Concha».
Il s'y rend. Il la reprend, mais les querelles se multiplient. Il s'en va, la vie brisée, et met André Stévenol en garde contre elle, mais celui-ci est envoûté de même. Il rentre chez lui. Concha le hèle et l'emmène dans une maison. «Ils dormirent». André l'emmène à Paris. Il sut plus tard que Mateo lui avait écrit : «Je te pardonne... Reviens... Je baise tes pieds nus. Mateo». Voilà, ce n'est qu'un résumé, mais le tout le roman en vaut la peine.
Le titre du roman fait allusion à une toile de Goya au Musée du Prado, où l'on voit quatre femmes tendre un châle par les quatre bouts, et y faire sauter en riant un pantin grand comme un homme.
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Quatre ans après les chansons de Bilitis, Pierre Louÿs publie en 1898 ce roman à l'écriture âpre, fluide et acérée. Plus d'un siècle plus tard, on lit cette histoire terriblement actuelle avec autant d'intérêt. Il s'agit de la trajectoire d'une femme fatale, qui inspira un grand nombre de cinéastes : Jacques de Baroncelli en 1928, Joseph von Sternberg – avec Marlène Dietrich – en 1935, Julien Duvivier avec Brigitte Bardot en 1959, Luis Bunuel en 1977 avec Carole Bouquet et Fernando Rey.
André Stevenol est un beau jeune homme qui vient chercher l'aventure à Séville, pendant la Feria. Il croise le regard brûlant de Conchita Perez, qui lui donne aussitôt rendez-vous. Elle aussi est en chasse …. Entre-temps, il rend visite à un riche espagnol de ses amis, célèbre coureur de jupons, qui le met en garde contre cette femme qui, plusieurs années durant, l'a fait atrocement souffrir. Don Mateo Diaz lui conte ses malheurs. Cependant, l'appel du désir – ou du danger – sera le plus fort.
Aujourd'hui, pour ceux qui ont lu les livres de Marie-France Hirigoyen, le cas est clair : il s'agit d'une classique situation d'emprise, la prédatrice présentant les caractéristiques d'une personnalité perverse narcissique. Elle provoque ses amoureux jusqu'à la violence physique et les tient en son pouvoir maléfique jusqu'à leur ruine morale et financière. Entre ses mains, ils deviennent des pantins, comme dans le tableau de Goya où l'on voit quatre jeunes filles faire sauter en l'air, dans un drap noué aux quatre coins, une marionnette à taille humaine.
Après s'être glissé dans la peau d'une amoureuse douce et lascive, Pierre Louÿs passe ainsi de l'autre côté du miroir, dans la tête d'une tourmenteuse consciente de son pouvoir, bien décidée à sortir, par tous les moyens, de sa condition. Un objectif très à la mode dans cette période de bouleversements économiques et sociaux du tournant du siècle, qui vit les plus modestes filles devenir de richissimes courtisanes.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Ah! C'est bien le signe suprême de la toute puissance féminine, que cette immunité dont nous les cuirassons. Une femme vous insulte à la face, elle vous outrage: saluez. Elle vous frappe: protégez-vous, mais évitez qu'elle se blesse. Elle vous ruine: laissez la faire. Elle vous trompe : n'en révélez rien, de peur de la compromettre. Elle brise votre vie: tuez vous s'il vous plaît! - Mais que jamais, par votre faute, la plus fugitive souffrance ne vienne endolorir la peau de ces êtres exquis et féroces pour qui la volupté du mal surpasse presque celle de la chair.
Les Orientaux ne les ménagent pas comme nous, eux qui sont les grands voluptueux. Ils leur ont coupé les griffes afin que leurs yeux fussent plus doux. Ils maîtrisent leur malveillance pour mieux déchaîner leur sensualité. Je les admire.
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- Libre ! je suis libre de toi ! libre pour toute ma vie ! maîtresse de mon corps et de mon sang ! Oh ! n'essaie pas d'entrer, la grille est trop solide ! Mais reste encore un peu, je ne serais pas heureuse si je ne t'avais pas tout dit de ce que j'aai sue le coeur.
Elle avança encore et me parla tout près, la tête entre les ongles, avec un accent de férocité.
- Mateo, j'ai horreur de toi. Je ne trouverai jamais assez de mots pour te dire combien je te hais.
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Monsieur, jusqu’à cette heure-là, j’aurais traité de misérable un homme, n’importe lequel, dont on m’aurait dit qu’il eût frappé une femme. Et pourtant je ne sais par quel ascendant sur moi-même je parvins à me contenir en face de celle-ci. Mes doigts s’ouvraient et se refermaient comme pour étrangler un cou. Une lutte épuisante se livrait en moi entre ma colère et ma volonté.
Ah ! c’est bien le signe suprême de la toute-puissance féminine, que cette immunité dont nous les cuirassons. Une femme vous insulte à la face, elle vous outrage : saluez. Elle vous frappe : protégez-vous, mais évitez qu’elle se blesse. Elle vous ruine : laissez-la faire. Elle vous trompe : n’en révélez rien, de peur de la compromettre. Elle brise votre vie : tuez-vous s’il vous plaît ! – Mais que jamais, par votre faute, la plus fugitive souffrance ne vienne endolorir la peau de ces êtres exquis et féroces pour qui la volupté du mal surpasse presque celle de la chair. Les Orientaux ne les ménagent pas comme nous, eux qui sont les grands voluptueux. Ils leur ont coupé les griffes afin que leurs yeux fussent plus doux. Ils maîtrisent leur malveillance pour mieux déchaîner leur sensualité. Je les admire. Mais, pour moi, Concha demeurait invulnérable.
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– Je vous parle d’homme à homme, comme le premier venu arrêterait un passant pour l’avertir d’un danger grave, et je vous crie : N’avancez plus, retournez sur vos pas, oubliez qui vous avez vu, qui vous a parlé, qui vous a écrit ! Si vous connaissez la paix, les nuits calmes, la vie insouciante, tout ce que nous appelons le bonheur, n’approchez pas Concha Perez ! Si vous ne voulez pas que le jour où nous sommes partage votre passé d’avec votre avenir en deux moitiés de joie et d’angoisse, n’approchez pas Concha Perez ! Si vous n’avez pas encore éprouvé jusqu’à l’extrême la folie qu’elle peut engendrer et maintenir dans un cœur humain, n’approchez pas cette femme, fuyez-la comme la mort, laissez-moi vous sauver d’elle, ayez pitié de vous, enfin !
– Don Mateo, vous l’aimez donc ?
L’Espagnol se passa la main sur le front et murmura : « Oh ! non, tout est bien fini. Je ne l’aime ni ne la hais plus. La chose est passée. Tout s’efface... »
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Quiero est un verbe étonnant qui veut tout dire. C'est vouloir, désirer, aimer, c'est quérir et c'est chérir. Tour à tour et selon le ton qu'on lui donne, il exprime la passion la plus impérative ou le caprice le plus léger. C'est un ordre ou une prière, une déclaration ou une condescendance. Parfois, ce n'est qu'une ironie.
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Vidéo de Pierre Louÿs
Pierre LOUŸS – Le prince irrésolu : Relecture de l'œuvre poétique (France Culture, 1978) L'émission "Relecture", par Hubert Juin, diffusée le 3 février 1978 sur France Culture. Présence : Robert Fleury, Paul Dumont, Alain Kahn Sriber et Jean Louis Meunier.
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