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Critique de asphodele85


Ou quand Sagan traverse le mur de la légende, à fond la caisse pour faire exploser les clichés avec lesquels elle a dû composer sa vie entière. Une biographie coup de coeur !

Beaucoup de choses ont été déjà dites sur Sagan mais l'auteur nous prend par la main et semble nous dire : “comment cela a-t-il été dit” ? Cette biographie est si bien écrite que je ne savais plus par moments, qui de l'auteur ou de Sagan écrivait. C'est en appui chronologique sur son oeuvre que Pascal Louvrier nous raconte ce qu'il fallait lire entre les lignes de certains livres. Car c'est souvent là qu'on retrouvait Françoise. le portrait est réaliste, enfin épuré du tapage que son simple nom évoquait. Les clichés y sont MAIS débarrassés de ce qui en faisait (justement) des clichés. La photo est nette !

C'est également une peinture basée sur la psychanalyse, le “Je est un autre” de Rimbaud semble avoir été écrit pour Sagan. de fait, au départ elle est Kiki de Cajarcs, une enfant de la bourgeoisie conservatrice mais enfant non “attendue” et “substituée” à un autre garçon mort en bas âge quelques années auparavant. Immédiatement et à jamais, elle devient la Kiki à son papa : ce dernier lui passera toujours tous ses caprices, l'incitant même à la transgression, la privant ainsi de repères, de limites et la laissant à vie avec un père “oedipien” sur les bras… Et ce que cela entraîne pour sa sexualité, bisexuelle mais surtout homosexuelle.

En exergue aussi de ce portrait, la vitesse, la précocité et la lucidité extrême de Sagan : très jeune elle a déjà compris le sens existentiel de la vie (Sartre est devenu un ami). Elle veut aller vite, jouer, aimer, conduire, parler vite. Tout cela correspondait à sa nature profonde. Elle ne bafouillait pas comme certaines images le montre, non elle avait déjà entamé une autre phrase.“Son paradoxe pourrait se résumer ainsi : sa lucidité lui a fait quitter le monde de l'enfance mais elle ne peut se résoudre aux adieux tant celui des adultes est insupportable**”. Elle aura du mal à grandir, à prendre les choses au sérieux, à se prendre au sérieux. L'arrivée de son fils Denis la remet sur le chemin de la bienséance, elle se marie pour lui donner un nom et un père. Elle s'en occupera sans effusions débordantes mais tendrement, elle sera sévère sur les résultats scolaires , entretenant plus une relation basée sur la bienveillante complicité. Sauf pour les bases, les principes hérités de son éducation bourgeoise. “On pourrait penser qu'elle les rejette ces mesquineries de tous les jours, qu'elles sont sources d'asphyxie. Eh bien non, “elles sont des habitudes précieuses et les bases saines de notre équilibre social. En fait, si leur présence nous est pénible, leur absence serait insupportable.*” Ce qu'elle appelle élégance car elle fuit la vulgarité avant tout Sagan, l'élégance est la politesse du coeur, on y cache aussi ses chagrins profonds…On donne le change et puis c'est inné chez elle, pudeur et élégance ! L'ennui arrive trop vite avec les aubes désenchantées de la trentaine finissante. Il y a eu les accidents, le jeu, la drogue surtout, sa compagne de douleur qui s'est invitée à vie. “Elle ne pourra plus se passer de la drogue, parce que la drogue, c'est la protection pour pouvoir écrire loin de la société du spectacle mortifère”. Et les dettes qu'elle lèguera à son fils. Mais surtout le legs d'une oeuvre inimitable, sensible et subtile car lire d'abord, puis écrire ont toujours été une seconde respiration. Et comme le dit si bien Pascal Louvrier :“Mais les journaux s'en vont et les livres demeurent**”… au sujet de Sagan qui “jouait” (souvent) les pipole mais rageait intérieurement quand elle disait qu'elle “travaillait” (tout le monde s'en fichait un peu autour d'elle), écrire ne doit pas être vraiment sérieux ! Et pourtant “ (…) les nuits à écrire, les longues et éprouvantes nuits d'écriture. Périlleuses autoroutes pour échapper au néant.**” Alors certes elle s'est épuisée dans les excès, elle s'est aussi donnée à l'écriture intensément, et sans son fils aujourd'hui, ses livres étaient sérieusement menacés de ne jamais passer un jour à la postérité. Personne ne voulait les rééditer à sa mort, il y a huit ans. Il lui ressemble tellement !
Lien : http://leslecturesdasphodele..
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