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Annie Curien (Traducteur)Feng Chen (Traducteur)Françoise Sabban (Préfacier, etc.)
EAN : 9782877300025
157 pages
Editions Philippe Picquier (30/11/-1)
3.59/5   70 notes
Résumé :
Ce roman se déguste une serviette autour du cou. La journée commence bien. Invité à partager le petit déjeuner de Zhu Ziye, laissez-vous réchauffer par un bol de nouilles al dente, avec des crevettes sautées en accompagnement. Que diriez-vous d'un plat de rouleaux de poisson aux œufs de crevettes, à moins que vous ne préfériez une assiette d'oie braisée au marc de vin. Et si vous goûtiez plutôt ces tendres cœurs de légumes aux miettes de crabe ou ce jarret de porc c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Lu Wenfu (1928 – 2005) était un écrivain chinois. Né à Taixing, dans la même province que Suzhou, Lu Wenfu a écrit, durant 50 ans de carrière littéraire, une série d'oeuvres brillantes et populaires, telles que le Dévouement, une Vieille famille de marchands ambulants, les Murs d'enceinte, Vie et passion d'un gastronome chinois, le Désintéressement, les Gastronomes, Nid d'hommes et le Puits. Fin gastronome, Lu Wenfu a raconté dans Vie et passion d'un gastronome chinois (édité en 1982 sous le titre original : Meishijia, mot à mot « expert en bonne chère ») une bonne partie de sa propre vie : on a surnommé Lu Wenfu "écrivain gastronome".

L'histoire, qui se déroule à Suzhou, met en scène - sur près de 40 ans de vicissitudes sociopolitiques - un nombre limité de personnages. Gao Xiaoting, pétri de morale révolutionnaire. Zhu Ziye, bourgeois gastronome, client connu de tous les restaurants et échoppes de la ville. A Er, conducteur de pousse-pousse au service de Zhu Ziye. Yang Zhongbao, chef cuisinier dans un restaurant clandestin. Bao Kunnian, serveur chez Gao et reconnu pour la promptitude qu'il met à engueuler les clients qui ne se conforme pas à ses instructions. Kong Bixia, femme de Zhu Ziye, maniérée mais cordon bleu. Et la gastronomie, personnage central, quasiment présente à toutes les pages !

La passion de Zhu Ziye pour la bonne chère fait de lui un gourmet, un gourmand, un goinfre ou (page 83) « un bâfreur sans vergogne », c'est selon ! Or cette goinfrerie, avec son pendant le gaspillage, ne fait pas bon ménage avec les idéaux révolutionnaires de la Révolution culturelle chinoise. Cette passion provoque donc la colère de Gao Xiaoting, le narrateur, qui témoigne de ses tentatives plus ou moins heureuses pour transformer Zhu Ziye en un vrai communiste chinois. Nos deux comparses confrontent au fil des pages, des ans et des événements leur vision de la gastronomie, et au travers de la cuisine c'est bien de la société et de l'homme dont il s'agit ! Comme le disait Brillât-Savarin « Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es ! ». Notre gastronome Zhu Ziye se livrera d'abord à une débauche de mets fins et somptueux, obstinément tourné vers le plaisir individuel et l'abondance, puis, par la force des choses et quelque peu aidé par la persuasion des Comités Populaires (page 118, pendant la révolution culturelle, nombreux furent ceux qui durent reconnaître leurs crimes, debout des heures durant), il se laissera peu à peu convaincre par la réalité du monde du travail (qui bannit l'oisiveté et fait de la nourriture un moyen de s'alimenter et de reprendre des forces) et finira même par nouer de vrais rapports de voisinage fondés sur le partage (et non l'égoïsme) et le plaisir commun. Évoquant avec ses voisins quelques souvenirs du passé (page 135, « ne sois pas si ému ! le passé est le passé ! »), Zhu Ziye constatera certes la disparition de certaines personnes qu'il avait pourtant longuement côtoyées (beaucoup auront fait jusqu'à 10 ans de prison) mais reconnaîtra avec joie la transformation heureuse et salutaire de la société chinoise : l'auto critique ayant laissé la place à l'agitation, au tourisme, aux devises et à une envie générale de tranquillité (page 139).

Sans être tout à fait une satire de la Chine communiste (page 124, « ces gens-là n'étaient pas animés de mauvaises intentions : ils cherchaient juste à connaître le dessous des choses »), ce roman autobiographique porte un regard critique mais drôle sur les périodes qui ont marqué les évolutions radicales du pays, nous faisant traverser l'histoire chinoise contemporaine sur fond de plats, de sauces et de tradition culinaire et nous servant au passage deux conceptions opposées de la Chine politique. Au début de la Révolution culturelle, avoir des connaissances techniques et avoir de la culture faisait de vous un capitaliste : s'alimenter richement était considéré comme un affront politique qui pouvait vous mener au pilori. Quarante ans après, dans un pays où la littérature gastronomique reste rare, la cuisine est présentée comme un signe extérieur de civilisation car il faut préparer, apprêter, puis présenter les aliments, et c'est seulement après cela que vous pouvez manger et converser avec vos convives ; quant à la gastronomie, c'est bien plus qu'une passion buccale et stomacale : c'est un métier, voire un sacerdoce qui confine au raffinement et à l'art. L'art de la table fait appel à la couleur, au parfum, au goût, aux volumes, aux formes des plats et (page 32) il exige une parfaite maîtrise du temps et de l'espace, l'arrivée de chaque plat sur la table (page 34) s'apparentant même à un ballet ! Durant ces 40 années très troublées, ballottés continuellement entre des idéaux qualifiés tantôt de révolutionnaires, tantôt de contre-révolutionnaires, les chinois de Suzhou et d'ailleurs pouvaient donc se raccrocher à une donnée tangible, permanente et rassurante, la gastronomie. Ne dit-on pas aujourd'hui de la cuisine chinoise qu'elle est la 1ère ou la 2ème du monde ? Ancrée dans la vie des hommes, sa fonction sociale et affective reste évidente, qu'il s'agisse de structurer un menu en services ou en plats ou qu'il s'agisse de faire plaisir, de recevoir ses amis, de faire preuve d'empathie et de générosité, dans la plus grande harmonie.

Lu Wenfu connaît bien son affaire. En vrai gastronome, il nous convie à sa table au milieu des odeurs de crevettes sautées, d'oie braisée au marc de vin ou de ce jarret de porc confit au sucre candi. Les moments de gastronomie sont un délice d'exotisme et d'astuces : nous sommes loin d'un alimentation de travailleurs avec des plats simples et roboratifs ! Prenez de quoi noter, vous ne serez pas déçus du voyage ! Cette passion n'empêche pas Lu Wenfu de nous livrer quelques descriptions des habitudes, moeurs et coutumes de sa ville, notamment lors des Années Noires (la lumière pâle des réverbères, le calme de mort des ruelles, les vieilles faisant les poubelles à la recherches d'épluchures de légumes, les SDF blottis par grand froid sous des sacs de toile …) mais aussi dans les années qui suivent (les restaurants ressemblaient à des cantines où les cadres du parti mangeaient à l'oeil, et les plats perdaient en quantité et en qualité ...). de même, l'auteur nous livre une analyse psychologique assez fine des protagonistes de l'ouvrage : Zhu Ziye, en bon radin, réclame le paiement de la moitié de la course en taxi qu'il fait avec quelqu'un qu'il a pourtant invité à l'accompagner ; en bon capitaliste, Zhu Ziye ne sait plus exactement combien de logements il possède, se contentant d'encaisser les loyers ; en bon profiteur, Zhu Ziye exige au restaurant qu'on crée (page 33) un petit monde bien à lui ; en bon oisif, Zhu Ziye se rend aux douches publiques (page 35) moins pour se laver que pour digérer son festin … mais (page 42) il donne quelque billet à l'adresse des mendiants et (page 53) il ne fume pas, ne joue pas et ne s'intéresse pas aux prostituées ! Gao Xiaoting et sa mère sont hébergés gratuitement par Zhu Ziye et son engagement communiste c'est à Zhu Ziye qu'il le doit, le partage des biens (page 46) apparaissant comme la seule solution ; servir la Révolution, même si c'était dur, et faire en sorte que la classe ouvrière soit entièrement maître du pays (page 59) voilà ce qu'était l'idéal révolutionnaire … même si (page 98) les réunions du parti traînaient comme des marathons et (page 110) s'il fallait sans cesse croire en un avenir toujours plus radieux mais inaccessible ! A Er dépasse Gao Xiaoting (page 56) en taille, robustesse et beauté et c'est (page 57) un virtuose de pousse-pousse qui offre un spectacle plein de beauté et d'élégance ; travailleur, il aide les ouvriers à draguer les canaux de Suzhou pour 3 livres de riz par jour, travaillant ainsi (page 63) pour l'avenir : ses efforts seront récompensé puisqu'il sera nommé Président de section syndicale (page 108) ! Yang Zhongbao apprendra à Bao Kunnian à cuisiner (page 139); Bao Kunnian arrêtera d'accuser son maître de tous les maux (page 123), fondera une association de gastronomie dont Zhu Ziye sera le Président et dont lui-même sera le vice-Président, organisera banquets, mariage et réunions, sollicitant des souscriptions pour cette association. Quant à Zhu Ziye, il se mettra à enseigner la gastronomie et sera nommé au cours d'un banquet mémorable (page 176) expert es-gastronomie !

Bref, ce roman est un festin. Vous pouvez y trouver un ode à la gastronomie comme espace de plaisirs multiples, de convivialité, de souvenirs et de tranquillité mais aussi à la gastronomie comme alchimie permettant d'allier des idéaux a priori opposés. Vous pouvez également y voir une caricature politique (voir plus haut), un clin d'oeil gargantuesque (l'excès n'est jamais de bon conseil), la relation d'une vérité historique (page 101, « on prend une lourde responsabilité devant L Histoire à se laisser dégrader la réputation de la cuisine chinoise »), une liste décousue de recettes de cuisine (sous couvert d'anecdotes) ou un conte philosophique mettant en évidence la nécessaire quête du bonheur, laquelle peut passer par celle du superflu …

Bon appétit et bonne lecture.
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On entend parfois dire que la Chine est l'autre pays de la gastronomie, du moins quand on se veut un Français magnanime et large d'esprit capable d'accorder un accessit à une autre nation pour ses talents culinaires. Dans un sens, la botte de carottes en couverture de l'édition Picquier ne rend pas compte de la complexité des plus grands plats chinois, dont quelques uns sont mentionnés dans ce livre, des plats dont le seul nom peut faire venir l'eau à la bouche ou font voyager, crevettes sautées, oie braisée au marc de vin, poumons (sic) de barbeau, porc confit au sucre candi et autres soupes de nouille du petit jour.
Mais au contraire, le simple fait d'ériger en oeuvre d'art une botte de carotte montre le profond enracinement de la gastronomie dans la culture chinoise. Et si au premier abord on peut croire que Lu Wenfu aborde l'histoire mouvementée de son pays dans la seconde moitié du XXème siècle par le petit bout de la lorgnette, ce serait faire peu de cas de ce qu'est l'art de manger et l'art du banquet en Chine. Au contraire, Lu Wenfu ne craint pas de s'attaquer à un monument, une institution, et si son propos peut paraître inoffensif (une bonne façon de tromper une censure plus ou moins implicite ?), et les lecteurs ne s'y sont pas trompé puisque, comme le signale la préface, ce livre a fait grand bruit au moment de sa sortie en Chine.
Il est possible que le lecteur occidental lambda (au nombre desquels je me compte) ayant un peu de mal à décrypter toutes les allusions, allégories et sous-entendu ait du mal à voir à quel point ce livre a pu être subversif, mais ce sentiment est compensé par la sensation d'exotisme à l'évocation de tous les plaisirs culinaires de la douce ville de Suzhou.

Voilà donc un roman assez court, qui balaie environ quarante ans de l'histoire de Chine en comptant les péripéties de l'affrontement entre Zhu Ziye, spéculateur avant la révolution qui continuera à jouir de sa fortune même si pour cela il devra apprendre à se cacher et Gao Xiaoting, communiste convaincu, pauvre mais lettré, qui abhorre la cuisine fine, emblème de la différence de classe et se retrouve par un coup du sort directeur du restaurant le plus renommé de Suzhou, une ville déjà elle-même renommée pour ses spécialités gastronomiques.
On vivra par les yeux de ces deux personnages l'arrivée du communisme, le Grand Bond en Avant et la victoire de la vie en communauté et de l'utilitarisme, puis la Révolution Culturelle et ses dérives, puis tous les soubresauts qui se succèderont, jusqu'à enfin les prémisses du capitalisme à la chinoise. On pourrait croire qu'à l'issue de tous ces évènements on ne fait que revenir à la situation initiale, avec les mêmes restaurants, la même cuisine, et finalement à peu près les mêmes riches et les mêmes pauvres. Ce n'est peut-être pas tout à fait faux, et c'est la continuité culturelle qu'incarne la gastronomie, mais les choses ne sont pas tout à fait les mêmes non plus, de nouveaux plats apparaissent, et les personnages ont évolué. Lu Wenfu veut-il nous dire que c'est cela la Chine éternelle, à la fois semblable et différente de ce qu'elle était il y a un demi-siècle ? Peut-être, mais ce serait probablement réduire son propos que de se limiter à cette interprétation.
C'est en tout cas une ode à la Chine qu'il aime, celle des plaisirs du palais, des encas achetés au coin de la rue, celle d'une culture qui s'enracine dans un passé riche et continue à évoluer et à se transformer. Une lecture très agréable, facile, qui peut sembler légère alors qu'elle dit beaucoup. Une très bonne découverte, et une envie de voir s'il n'y a pas un restaurant chinois qui proposerait des spécialités de Suzhou près de chez moi…
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Sentez donc cette bonne odeur de crevettes sautées, d'oie braisée au marc de vin ou de ce jarret de porc confit au sucre candi. La Révolution culturelle chinoise vue au travers de la « bouffe », voilà donc le menu appétissant de ce roman de Lu Wenfu. Nous sommes dans les plaines de Suzhou, où il n'est pas question ici d'admirer l'harmonie de ses jardins qui font de cette ville une réputation internationale mais de contempler sa gastronomie et de se remplir la panse de toutes ses traditions culinaires. Desserrez d'un cran votre ceinture, une tasse de Grand Lapsang Souchong fumé et vous voilà prêt à une orgie gargantuesque de mets fins et somptueux s'enfournant farouchement dans votre gosier ?

A l'origine, il y a Zhu Ziye le « capitaliste » : une vie passée à célébrer chaque repas d'une façon festive, une vie outrageusement dédiée au plaisir de la nourriture en abondance. Ce qui a pour conséquence d'énerver et d'exaspérer à un point de non retour notre second protagoniste et narrateur Gao Xiaoting. Ce dernier, fervent communiste révolutionnaire, ne cessera tout au long de son existence de s'opposer à la bourgeoisie de son « camarade » Zhue. Il devra même prendre les commandes du restaurant jouissant de la meilleure réputation gastronomique de Suzhou pour pouvoir exprimer ses idées révolutionnaires sur le monde du travail.

Difficile d'allier communisme et gastronomie bourgeoise... Les plus démunis veulent abolir ces tables de quelques privilégiés se goinfrant de ripaille, seulement dès que leur « pouvoir d'achat » s'améliore (si, si.. je vous assure, cela arrive... mais loin de notre chère contrée), ils ne veulent plus de ces auberges d'ouvriers à la bonne franquette mais cherchent un lieu plus cosy, plus luxueux pour savourer quelques mets gourmands et délicats...

Un roman révolutionnaire mais aussi subversivement drôle pour découvrir quarante années de vie chinoise non plus autour de tracts politiques vouant les mérites du peuple, de bannières à l'effigie du pouvoir et de drapeaux représentant fièrement la nation, mais avec une grande serviette pendue au cou autour d'une immense table encombrée de victuailles des plus appétissantes.

A vos baguettes !
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Maître Wang souhaite à vous une Bon Appétit ! Hi, Hi, hi !
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La révolution culturelle chinoise vue à travers le prisme de la gastronomie. Gao Xiaoting est un communiste convaincu qui ne supporte pas la goinfrerie du bourgeois Zhu Ziye, capitaliste ventru, l'abondance fait chair ! Il faudra donc le faire rentrer dans le rang, cet individu parasite qui ne vit que pour manger !

Lu Wenfu signe une satire légère mais dont le propos principal reste la gastronomie. Ce livre amuse, pique la curiosité, nourrit l'intellect et met l'eau à la bouche.
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Gao Xiaoting est un communiste convaincu qui méprise la gastronomie. Son parent, le riche Zhu Ziye, est épris de bonne chère. Les souvenirs de Gao Xiaoting nous font traverser quarante ans d'histoire chinoise sur fond de nourriture.

Est-il possible de réduire à néant des siècles de tradition culinaire ? C'est ce que tente, en tout cas, le narrateur du roman, Gao Xiaoting, au nom du communisme. Paradoxalement, le roman se transforme peu à peu en plaidoyer pour la gastronomie chinoise, sans abuser des descriptions de plats exotiques (même si l'on découvre des recettes aussi surprenantes que le « canard trois en un »). Vie et passion d'un gastronome chinois au XXe siècle : tout le contenu de cette histoire efficace, ou presque, est présenté dans son titre. Pourquoi ne pas y goûter ?
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
page 175
[...] Très maître de lui, Zhu Ziye servit une tomate par assiette, puis annonça, comme dans un tour de magie : "Ouvrez !". Et disant cela, il enleva le chapeau de sa tomate : elle était pleine de crevettes sautées !
Pris au jeu, chacun (des convives) retira son couvercle.
Zhu Ziye commença à expliquer :
"Les crevettes sautées, c'est un plat courant, qui n'a rien d'exceptionnel. Pour le réaliser, on soigne le choix des crevettes, ainsi que leur cuisson ; c'est une recette qui n'a guère changé au cours des décennies. Mais depuis quelques années, on s'est mis à faire aussi des crevettes en sauce tomate ; pourtant le goût, trop fort, se rapproche de ceux de la cuisine occidentale. Si les crevettes sautées sont aujourd'hui disposées à l'intérieur des tomates, c'est non seulement pour le plaisir des yeux, mais ... goûtez vous-même ! Attention ! Ici, la tomate sert de bol ; on ne mange pas son bol !".
Je ne pouvais qu'être admiratif ! Depuis des années, j'offrais aux clients des crevettes sautées mais je n'avais pas pensé à les mettre dans des tomates. L'explication donnée par Zhu Ziye me fit sentir, c'est vrai, l'originalité de son plat : à la fraîcheur venaient s'ajouter le parfum et l'acidité des tomates. [...]
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Chez Zhu Hongxing était alors un restaurant de nouilles très célèbre. Le restaurant existe toujours ; il est situé en face du jardin de la Tranquillité. Je ne vais pas m’étendre sur la variété, la saveur des nouilles servies chez Zhu Hongxing ; il suffit de consulter le menu, qui du reste ne comporte rien d’exceptionnel. Je voudrais plutôt parler des rites accompagnant ces nouilles. Parce qu’il y avait des rites ? Oui, c’est vrai, pour un même bol de nouilles, chacun avait ses habitudes. Les gastronomes avaient les leurs, bien établies. Un exemple : on s’asseyait à une table et on appelait le serveur : « Hep ! (A l’époque, on ne disait pas ‘Camarade !’.) Un bol de nouilles de… ! » Au bout d’un instant le garçon répondait d’une voix forte : « Voilà, j’arrive ! Un bol de nouilles de… » Pourquoi ne venait-il pas immédiatement ? Parce qu’il attendait que le client ait précisé : nouilles al dente ou bien cuites, nature ou avec bouillon ; vertes ou blanches (avec ou sans ciboule) ; riches (bien grasses) ou légères (sans graisse) ; sauce longue (avec plus de sauce que de nouilles) ou sauce courte (avec plus de nouilles que de sauce) ; nouilles sur l’autre rive : la sauce, au lieu d’être versée sur les nouilles, est présentée à part sur une assiette et l’on doit « faire le pont » entre le bol et l’assiette. Quand c’était Zhu Ziye qui arrivait dans le restaurant, on entendait le serveur prendre son souffle et lancer : « Voilà, je viens ! Un bol de crevettes sautées, nouilles sur l’autre rive, beaucoup de bouillon, vertes, sauce longue, al dente. »
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Je voudrais plutôt parler des rites accompagnant ces nouilles. Parce qu'il y avait des rites ? Oui, c'est vrai, pour un même bol de nouilles, chacun avait ses habitudes. Les gastronomes avaient les leurs, bien établies. Un exemple : on s'asseyait à une table et on appelait le serveur :
"Hep ! (à l'époque, on ne disait pas "camarade!") Un bol de nouilles de ... !"
Au bout d'un instant, le garçon répondait d'une voix forte :
"Voilà, j'arrive ! Un bol de nouilles de ..."
Pourquoi ne venait il pas immédiatement ? Parce qu'il attendait que le client ait précisé : nouilles al dente ou bien cuites, natures ou avec bouillon ; vertes ou blanches (avec ou sans ciboule) ; riches (bien grasses) ou légères (sans graisse) ; sauce longue (avec plus de sauce que de nouilles) ou sauce courte (avec plus de nouilles que de sauce) ; nouilles sur l'autre rive : la sauce, au lieu d'être versée sur les nouilles, est présentée à part sur une assiette et l'on doit "faire le pont" entre le bol et l'assiette.
Quand c'était Zhu Ziye qui arrivait dans le restaurant, on entendait le serveur prendre son souffle et lancer : "Voilà, je viens ! Un bol de crevettes sautées en accompagnement, nouilles sur l'autre rive, beaucoup de bouillon, vertes, sauce longue, al dente."
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Qui pouvait donc s’offrir des plats coûteux comme la perche mandarine en écureuil, les boulettes de poulets sur flocons de neige, les cœurs de légumes aux miettes de crabes ? Un plat de viande et de légumes ordinaire, suivi d’une soupe toute simple, faisait un repas amplement suffisant [...] Que certains aient espéré pouvoir manger un peu mieux, je l’admettais : il faut changer de temps en temps ! Même les troupes révolutionnaires avaient souvent droit à un extra, de la viande en ragoût, pas grand-chose somme toute. Nous servirions toujours du porc sauté aux choux, du foie de porc sauté à l’ail, du poisson en ragoût, des boulettes « tête de lion » au céleri... C’est suffisant, non ? Quel travailleur avait tous les jours ces plats chez lui ?
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[...] un enchaînement de plats chauds, de grandes pièces et de desserts : perche mandarine en écureuil, jambon confit au miel, « le premier plat sous le ciel », les petites brioches de jade, les pomponnettes cristallines... Mais le clou du repas, ce fut le canard « trois en un ».
Ce qu’on appelle canard « trois en un », c’est un pigeon fourré dans le ventre d’un poulet, lui-même fourré dans le ventre d’un canard. La cuisson faite, on ne voit qu’un seul canard. On dispose ce gros canard dans un grand plat de service entouré d’œufs de caille, pour donner l’impression qu’ils ont été pondus par le pigeon.
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