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EAN : 9782262026509
649 pages
Perrin (27/02/2008)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :

Evoquer la Suisse des années 1940, c'est ouvrir une boîte de Pandore : combien étaient les Français, les Italiens et les Allemands, compromis pendant la guerre, qui s'y réfugièrent ?

- Quel fut le rôle des services secrets et des polices suisses comme des politiques ?
- Quel appoint donnèrent les réseaux sociaux, religieux ou professionnels ?
- Comment s'organisèrent les filières d'exfiltration vers l'Espagne de Franco et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Luc van Dongen a consacré sa thèse à la manière dont la Suisse est devenue à partir de 1943 une terre de refuge pour des nazis, des fascistes, des collaborateurs, d'Allemagne, d'Italie ou de France. le sujet sent le souffre. On imagine d'un côté des criminels de guerre en cavale, mettant tout en oeuvre pour échapper aux « chasseurs de nazis » grâce à des complicités rendues moins scandaleuses par les débuts de la Guerre froide et la lutte anticommuniste. On imagine de l'autre une Suisse taiseuse et complice où la défense sourcilleuse de la neutralité, une certaine connivence idéologique et de puissants intérêts financiers auraient rendu possible l'accueil discret de ces exilés.
La réalité révélée par le travail scrupuleux de ce jeune chercheur suisse est nettement moins romanesque. Là où Pierre Assouline malmenait parfois la rigueur historique pour nous livrer, dans sa magnifique biographie de Jean Jardin, un portrait si vivant de la communauté des exilés vichystes, joliment baptisée « Vichy-sur-Léman », de ses côteries, de ses trahisons, de sa nostalgie, de ses espoirs aussi, Luc van Dongen fait le choix inverse et s'interdit, avec 2014 notes infrapaginales d'une rigueur toute helvétique, les dérives sensationnalistes que ce sujet pourrait susciter.

L'auteur étudie 500 dossiers individuels : une centaine d'Allemands, une centaine d'Italiens, 300 Français environ. le chiffre est important si on se remémore les dénégations des autorités suisses qui niaient la présence de ces réfugiés. Mais il peut aussi semblait modique si on le rapporte aux milliers, voire aux millions d'individus pouvant, à tort ou raison, redouter la dénazification ou l'épuration.

Ce « corpus » ne compte pas de « célébrités » de premier plan, même si on y croise d'anciens ministres de Mussolini (Alfieri, Bastianini) ou de Vichy (Belin, Pomaret, Alibert), la fille du Duce (Edda Ciano), le chef d'orchestre Fürtwangler, l'écrivain Paul Morand … Parmi les réfugiés allemands et italiens, il y a beaucoup d'hommes d'affaires. La communauté française est différente, qui compte une majorité d'anciens fonctionnaires de Vichy (Hilaire, Ingrand, Rochat) et de nombreux intellectuels (Jouvenel, Faÿ, Fabre-Luce). Mais pour les trois communautés semble se dessiner une frontière plus ou moins perméable entre l'acceptable et l'inacceptable : pour les Italiens, le ralliement à Badoglio en juillet 1943, pour les Allemands, le soutien plus ou moins actif au complot de von Stauffenberg en 1944, pour les Français, la participation au « bon Vichy » de Pétain et la détestation du « mauvais Vichy » de Laval – même si la présence de nombreux miliciens en Suisse, bénéficiant de complicités actives dans les milieux religieux, viole cette frontière.

L'analyse proposopographique de ces personnages aux destins troublants révèle la place du hasard, de la chance. L'accueil en Suisse tint souvent à des relations personnelles que l'exilé avait – ou n'avait pas – nouées pendant la Guerre. Au final, la connivence idéologique a moins compté – même si les milieux conservateurs suisses n'étaient pas sans sympathie pour les idées pétainistes – que la solidarité sociologique à l'égard de grands bourgeois italiens, allemands ou français qui appartenaient à la même classe sociale que ces Suisses qui allaient les accueillir et qui voyaient d'un mauvais oeil la vendetta exercée contre ces Vaincus qui leur ressemblaient tant. C'est bien l'impression d'un « purgatoire discret » et douillet qui prévaut, où on trouva refuge durant quelques années, avant de rentrer chez soi, une fois l'orage éloigné – les départs de Suisse vers un exil plus lointain, en Amérique latine, étant tous comptes faits marginaux.

Quel jugement porter sur la politique des autorités suisses à l'égard de ces réfugiés ? Les catégories morales sont étonnamment absentes des critères de sélection des autorités et la participation au génocide juif totalement sous-estimée. Pour choquante qu'elle soit aujourd'hui, cette attitude doit être replacée dans le contexte de ce qu'était, dans l'immédiat après-guerre la conscience de ces crimes. Pour autant, l'attitude de la Suisse aurait méritée une appréciation plus globale, que l'auteur s'interdit de porter. Avec un soin scrupuleux, il analyse une politique publique d'immigration marquée par sa complexité (les départements de la Police, de la Justice et des Affaires étrangères ne partagent pas toujours ni au même moment les mêmes positions) et aussi par sa personnalisation (le conseiller von Steiger et le chef de la police Rothmund semblent avoir jouer un rôle personnel déterminant). Par construction, l'étude des exilés fait la part belle aux décision positives d'accueil et peut donner de la politique suisse une image bien laxiste. Il aurait fallu s'intéresser aussi à tous ces réfugiés potentiels qui ne sont pas venus en Suisse, restant dans leur pays ou s'exilant ailleurs.

Au total, la Suisse réussit tant bien que mal à concilier l'inconciliable : défendre sa souveraineté contre les exigences des Alliés, rester fidèle à sa tradition humanitaire sans donner refuge à des criminels de guerre trop encombrants, nager dans « les eaux fangeuses du réarmement clandestin, du business et des collusions avec le monde du renseignement » (p. 410) alors que la Guerre froide changeait si vite la donne et transformait en l'espace de quelques mois des criminels condamnés à mort en solide alliés dans la lutte contre le nouvel ennemi communiste.
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