L'animal serait-il devenu notre alter-ego ? Pour les antispécistes, cela ne fait aucun doute. Selon eux, il faudrait ouvrir en grand les portes des zoos, attribuer aux animaux des droits subjectifs ainsi qu'une représentation politique qui les mettraient à égalité avec nous et, bien entendu, s'abstenir de les consommer jusque dans leurs productions naturelles. Dans ces conditions, pourquoi ne pas envisager d'expérimenter de nouveaux médicaments sur des handicapés et des comateux plutôt que sur des rats, des chiens et des singes en parfaite santé, comme le pense Peter Singer ? Ou déculpabiliser la zoophilie lorsqu'elle est librement consentie, selon l'opinion de
Donna Haraway ? Bref : pour ces gens-là, l'animal serait un homme comme les autres et sa libération s'inscrirait dans un processus politico-social, tout comme l'antiracisme et le féminisme.
A l'examen, il apparaît que ce discours n'est pas que fallacieux et chimérique, il est aussi très pernicieux. Car il instrumentalise rationnellement les émotions liées à la condition animale pour mieux attaquer la civilisation occidentale qu'il charge, bien sûr, de tous les maux. En oubliant un peu trop vite qu'il en est le pur produit.
Dans une langue claire et souple cet ouvrage, entre l'essai et le pamphlet, s'attache à démonter l'un après l'autre les arguments de l'idéologie antispéciste. Au passage il souligne la puissance du marché dans l'amour des bêtes. Sans nier la nécessité d'améliorer le sort des animaux dans notre société, il rappelle que le monde humain s'est bâti sur la différence homme-animal. Et que, par conséquent, mieux vaudrait maintenir la part d'altérité des animaux plutôt que de vouloir les humaniser à tout prix. Non, l'humanité n'est pas une espèce comme les autres, puisqu'elle s'inquiète du devenir de toutes les autres. Néanmoins elle reste fragile malgré sa prodigieuse expansion, ce que nous murmure la pandémie actuelle. S'il y a une espèce que nous devons nous efforcer de protéger, c'est bien elle. JL
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