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José Kany-Turpin (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080709936
552 pages
Flammarion (04/01/1999)
4.04/5   206 notes
Résumé :
De l’infiniment petit à l’infini de l’univers, en passant par la psychologie humaine et ses illusions, par l’histoire, enfin, de la civilisation, Lucrèce offre un saisissant raccourci de nos interrogations, inaugurant une morale du matérialisme, une morale du vivant et une morale du sentiment. De cette sensibilité résulte un sens du tragique qui ôte tout triomphalisme à ce poète des lumières et de la raison, le rendant ainsi proche de notre monde sans illusions.
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De natura rerum... Ier siècle avant JC ... qu'on y songe...

Si, comme moi, vous étiez trop médiocre en version latine pour lire dans le texte la poésie de Lucrèce, vous pourrez au moins, dans la traduction française, en apprécier la justesse et l'efficacité démonstrative. Par ailleurs, il persiste, même en français, un souffle poétique, qui rappelle Homère. La lecture est donc plutôt agréable et compréhensible, malgré les archaïsmes.

Incroyable pre-science que celle de ce disciple d'Epicure, qui, observant la nature, pourfend - des siècles avant que l'expérimentation scientifique ne prenne le relais- les superstitions et nous introduit au règne de la raison et de la liberté individuelle. Certains concepts nous conduisent même aux découvertes scientifique les plus contemporaines, observant les effets du hasard sur l'atome !

Mais Lucrèce se fait avant tout notre guide dans la découverte de la philosophie de son maître ; et c'est bien par l'observation de la nature des choses qu'il tente d'en démontrer la justesse. Dans un monde en continuel mouvement, constitué à la fois de corps et de non-être (de vide), l'homme, en rapport avec une nature totalement dépourvue de finalité particulière ou de volonté divine, est absolument libre et responsable.

Ce traité, lu très tôt ado tout en poursuivant un bac scientifique, , fut pour moi la source d'une réflexion métaphysique conduisant tout naturellement à désinvestir la religion chrétienne et adhérer à une vision plus "énergétique" du monde, plus en adéquation avec son observation. D'autres lectures m'ont amené plus tard à retrouver un sens au coeur même de ce monde fait de corps chaotiques et de vides.

Au delà de mon expérience personnelle, le de Natura Rerum, reprenant Démocrite et Epicure, me semble avoir préfiguré le grand courant matérialiste ayant donné naissance à la pensée moderne. Lecture incontournable donc, injustement peu commentée, sans doute parce que, pendant des siècles, les religions y ont veillé...

La partie relative à l'éthique, qui découle pourtant des conceptions cosmologiques, m'a beaucoup moins marqué : elle me semble pouvoir se résumer à Candide cultivant son jardin loin des agitations du monde, et à une recherche d'ataraxie, mêlant plaisir mesuré et l'utile à l'agréable. Une quête de douceur et d'un juste milieu dans les comportements s'en suit, qui rapproche Lucrèce d'Aristote, et l'oppose d'une certaine manière à l'idéalisme platonicien.
Plusieurs points communs aussi avec les maîtres bouddhistes : c'est en levant l'ignorance que les peurs disparaissent, laissant ainsi espérer à l'humain qu'il pourra un jour cesser ses souffrances et atteindre l'ataraxie (l'éveil...). Et , si la démarche épicurienne est individuelle, elle n'exclut pas l'amitié "philosophique" entre les hommes, et n'est donc pas sans rappeler le concept de compassion.

Vraiment, un grand ouvrage scientifique et philosophique, doublé d'un style éloquent, que les humanistes de la Renaissance ont relayé jusqu'à nous, notamment Montaigne et Thomas More.


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Écrire une chronique sur Lucrèce n'est pas une chose simple pour moi. Pourtant j'y pense depuis que ce blogue existe. Mon édition en Livre de poche a commencé à jaunir (cela marque le temps comme les cernes du bois...). Et je ne compte pas faire une copie du livre, comme devaient le faire les moines à cette époque... Copies qui ont permis de sauver l'oeuvre, l'original ayant été perdu. le récit ne cadrant pas avec l'idéologie dominante, peu d'efforts semblent avoir été déployés pour le conserver. Il faut dire que les thèses avancées par ce poète philosophe ou philosophe poète, – difficile de donner une priorité à l'un ou à l'autre tellement le personnage est inclassable et mystérieux –, sont en totale rupture avec les croyances officielles.

Tout a commencé avec Épicure (philosophe grec ayant vécu de 342 av. J.-C. et mort en 270 av. J.-C). Pour la première fois un penseur avait osé regarder la nature pour l'affronter d'une autre manière que par la « pensée magique », trouver les principes de toutes choses en dehors de l'explication religieuse, se libérer de la peur pour atteindre une forme de vie heureuse en tenant la crainte à distance... Au passage, n'est-ce pas toujours d'actualité ?

En le traduisant à sa manière plusieurs siècles après, du grec au latin, Lucrèce est le passeur essentiel et habile de la pensée d'Épicure, les écrits de celui-ci ayant presque totalement disparus....

Je ne conseille pas de lire l'introduction que j'ai trouvée curieusement bien moins abordable que le texte... Ainsi nous parvenons d'emblée à la page 79. Pourquoi cette mise à distance philosophique savante alors que le poème se lit facilement, expliquant implicitement qu'on a tous besoin – pas seulement les étudiants – de philosophie, de beauté par l'art, de culture pour atteindre une forme de sérénité et de bonheur ?

Quelques-uns des thèmes principaux parcourant ces six chants :

L'intuition scientifique.
Dans la pensée épicurienne et la forme particulière qu'elle revêt chez Lucrèce, l'intuition précède la connaissance, intuition émergeant à partir de l'observation. Plusieurs siècles avant notre ère, des hommes avaient appréhendé l'univers, que le grand tout était, en dépit des apparences, fait en grande partie de vide. Ils avaient imaginé les petites briques spécifiques de matières, leurs combinaisons communes aux hommes, aux animaux (mis sur le même plan que l'homme), aux objets et à toute la nature. Ils les avaient nommés atomes, termes qu'ils nous ont légués ! Et tout cela en observant les grains de poussières dans les rayons du soleil (repris au premier atomiste, Démocrite, 4ème s. av. J.-C). Bien d'autres observations passionnantes sur les nuages, le tonnerre, les tremblements de terre sont présentes sous une belle forme poétique.

Je ne développe pas la notion de clinamen, celle-ci ayant fait couler beaucoup d'encre. Des débats qui m'ont toujours étonné car que dit Lucrèce sinon qu'il n'y a pas prédestination au mouvement. Avec le clinamen il introduit une variation à laquelle j'associe les mutations de la vie, la non répétition des choses à l'identique, jamais...

La poésie.
Différents chants commencent par Vénus, par l'amour que le poète présente dès le chant I, avant les atomes, avant l'univers et en cela je lui donne raison car que serait la science pour l'homme sans l'amour... – voilà pourquoi ce titre sera classé en poésie sur ce blogue. Cette forme poétique de philosophie a peut-être sauvé l'oeuvre et l'homme ? Giodarno Bruno aura moins de chance, reprenant les thèses de Lucrèce, il sera brûlé à la fin du XVIe siècle. Pas facile la vie de précurseur ou d'artiste sincère !

La philosophie.
Est mis en avant l'importance de la nature, le refus de l'éthique de la souffrance rédemptrice et éducative, l'art de penser par l'imagination. C'est l'homme rationnel réunissant la science cosmique et la sensibilité artistique. Lucrèce indique l'utilité de penser de concert la science, la philosophie et l'art sous toutes ses formes. L'art de vivre est aussi abordé de belle manière :

Le chant III est consacré au corps, à la mortalité de l'âme et à la peur de la mort. La charge contre les excès de la religion est forte et n'a pas d'égale dans toute l'Antiquité. N'oublions pas que Lucrèce vit à une époque de guerres civiles féroces tout comme un fervent admirateur lointain, Michel de Montaigne.

L'humour.
Lucrèce pratique l'art de la réfutation par l'absurde et j'ai trouvé souvent cela très drôle. Ce n'est pas usurpé de parler d'oeuvre totale !

Influences.
Cette oeuvre a permis de diffuser la pensée d'Épicure dont les écrits ont en grande partie disparu. Elle a influencé nombre d'écrivains et de philosophes dont Michel de Montaigne. On en retrouve les vibrations sensibles chez Jean de la Fontaine, Molière et bien d'autres que je ne peux pas tous citer ici et qui s'en sont inspirés. Montaigne le cite abondamment dans Les Essais. Molière aurait traduit Lucrèce ? Des thèses argumentées, sérieuses, ont retrouvé le poète latin à travers la dénonciation de l'hypocrisie et de la superstition (Le Tartuffe, le Misanthrope...). Je pense pour ma part au phrasé chantant particulier d'André Comte-Sponville, dont la philosophie puise abondamment dans Épicure, Lucrèce, Montaigne.

Biographie en quelques mots. Consigne très facile à respecter : on ne sait pratiquement rien de sa vie ! Il serait né en 98 av. J.-C. et mort en 55 av. J.-C. Les informations nous sont parvenues par saint Gérôme (fin IVe – début Ve siècle) affirmant que Lucrèce aurait été précipité dans la folie par un philtre d'amour, après avoir écrit quelques livres dans des périodes de lucidité – livres que Cicéron corrigea --, qu'il se serait tué de sa propre main à l'âge de 43 ans. C'est bien peu et très dévalorisant pour un auteur qui n'était pas, malgré sa valeur artistique et scientifique, en odeur de sainteté.

Cette chronique sur un livre placé tout en haut de ma PLE (pile des livres essentiels...) est terminée. J'espère qu'elle donnera à quelques lecteurs, qui ne connaissent pas ce chef-d'oeuvre, l'envie de le découvrir, ne serait-ce que par bribes, ce qui est tout à fait possible, chaque chant étant précédé d'une page de présentation des sujets abordés ainsi que les numéros des vers concernés. Les six chants de Lucrèce sont plus courts qu'il n'y paraît lorsqu'on enlève l'introduction et en ne lisant que les pages de droites... sauf les férus de latin qui ne sont plus aussi nombreux que les légions romaines !

Certains avis m'étonnent en voyant un texte pessimiste... Il est vrai que la fin du sixième et dernier chant Origine et causes des épidémies est uniquement descriptif, on y sent un désarroi quant à des explications impossibles à imaginer à cette époque. L'atome a été pensé, nommé, alors qu'il faudra encore des siècles pour faire de même avec les virus et bactéries. Texte pessimiste alors qu'il développe une pensée permettant de dépasser les peurs vaines ? Ce n'est pas ma lecture, bien au contraire, et je serais curieux d'avoir votre avis si vous avez lu ou comptez lire ces poèmes philosophiques ou cette philosophie poétique...
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Retrouvez cette chronique avec les illustrations sur Bibliofeel, lien ci-dessous

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Comment expliquer ce qui nous inquiète ou nous terrifie? Comment parvenir à cette ataraxie du sage qui est le souverain bien?Qu'est-ce que la nature? la matière? Les dieux ont-ils une part dans ces mystères de l'univers qui nous dépassent ou la raison seule peut-elle permettre de les appréhender?

Avec patience, intuition, méthode Lucrèce s'emploie à répondre à toutes ces vastes questions, en s'adressant presque familièrement à son ami Memmius, dont le lecteur devient l'avatar.

Avec souffle, imagination, fulgurance des images aussi, et surtout. Car ce philosophe matérialiste, ce rationaliste convaincu est avant tout un poète.Il nous donne à voir le mouvement des atomes dans la matière en apparence inerte, la couleur dans les ténèbres aveugles. Il nous fait voyants par un intense et raisonné dérèglement de notre imagination.

Oui, voyants....et chaque fois que je relis ou retraduis Lucrèce - c'est particulièrement ardu, plein d'archaïsmes, mais beau... comme l'antique!- je pense à celui qui me l'a fait découvrir.

Il arrivait en cours, appuyé sur l'épaule de sa femme, une petite dame toute timide, pleine d'admiration pour son grand savant de mari- posait sur le bureau un énorme volume relié plein cuir, l'ouvrait et faisait courir ses doigts sur les pages écrites ....en braille. Les yeux aveugles, les mains agiles, la voix sûre, il lisait le texte, le traduisait, le commentait avec la même aisance inspirée.

Était-ce la cécité de ce professeur qui donnait une telle force aux images du vieux poète latin? Il me suffit de fermer les yeux pour les sentir affleurer sous mes paupières: Ah les cygnes noirs et les corbeaux blancs de Lucrèce que n'eût point reniés Nerval...
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Dans le « de Natura Rerum » Lucrèce expose à un ami, Memmius, la philosophie d'Epicure dont il fait l'éloge, en un vaste poème composé d'hexamètres, lequel s'apparente davantage cependant à un livre de physique, où il est question de la formation du monde et des différents phénomènes naturels, tels que la foudre, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques ou bien encore la diffusion des maladies, autant de phénomènes auxquels les anciens attribuaient le plus souvent des causes surnaturelles. Mais Lucrèce, en disciple d'Epicure, entend dépasser les superstitions et découvrir les véritables causes de ces phénomènes. Ce qui n'est pas sans implication morale, puisque c'est de la connaissance de la nature que dépendent la tranquillité de l'âme et le bonheur qui constituaient la recherche d'Epicure, lequel pouvait passer pour un thérapeute, en chassant les craintes et les passions excessives.
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De la nature est présenté comme un grand poème, une ode à la nature, mais les sujets qu'il aborde et les questions qu'il soulève sont essentiellement de nature philosophique et scientifique.
Les raisonnements présentés sont parfaitement stupéfiants quand on se rappelle qu'il a été rédigé il y a plus de 2000 ans, un siècle avant les débuts du christianisme. L'existence des atomes est déduit de l'observation, observation qui ne sera confirmé par la science (et accepté) que vers la fin du 19e siècle! D'ailleurs les Anciens avaient observés de nombreux phénomènes étranges comme la rame plongée dans l'eau et dont la hampe semble remonter vers la surface à cause d'un phénomène de diffraction des rayons.
Ce « poème » déduit que l'espace n'a pas de limites (ce que la science actuelle ne contredit pas), que les dieux n'interviennent pas dans les affaires humaines car « quels si grands avantages pourraient-il espéré de notre reconnaissance qu'ils en prennent envie de tenter quoi que ce soit en notre faveur? », que la terre et le ciel connaîtront une fin (ce que la science actuelle confirme), que l'âme et la pensée sont mortelles.

Que 2000 ans après de telles constatations, les religions soient encore aussi florissantes et en santé est proprement stupéfiant à première vue. Comment des mythes aussi loufoques et invraisemblables peuvent-il perdurer si longtemps? Seraient-ils porteurs d'une quelconque vérité? Évidemment brûler, pendre, écarteler et torturer tous les hérétiques pendant des siècles comme le fit la Sainte Inquisition catholique explique en partie la longévité de cette religion: vaut mieux croire ou faire semblant de croire que de mourir brûlé.

Cependant, on peut tirer d'autres conclusions: de un, la plupart des humains préfèrent croire ce qui leur plaît et ce qui les flattent plutôt que de savoir ce qui se passe vraiment dans la réalité. Plus important encore, la religion a une fonction sociale liée à la survie de l'espèce (Darwin), à la vie ordonnée en société par l'inversion de nos passions positives à l'état de nature (meurtre et destruction) en valeurs négatives (pitié et compassion), mais qui rend possible à vie en société (Généalogie de la morale, Nietzsche). La religion ne détient pas la Vérité, mais elle a une fonction fondamentale, voilà la raison de sa longévité. Il est même aisé de prédire qu'on ne peut pas la déraciner et que, toujours, la plupart des humains croiront en un mythe quelconque. Il le faut d'ailleurs pour éviter l'anarchie.

Lucrèce se fourvoie dans le chapitre sur les simulacres. La nature de la lumière échappe aux Anciens. Ce n'est d'ailleurs qu'avec Newton et ses expérience de diffraction que nous allons commencer à comprendre un peu. La voûte céleste, la nature des étoiles de la lune, du soleil et les éclipses sont des phénomènes sujet à débat à son époque. La foudre, les tremblements de terre, le magnétisme et la peste sont autant de sujets qu'il tente tant bien que mal de rendre compte. Une lecture recommandée que tout le monde devrait faire une fois dans sa vie même si pour nous, modernes, certains passages sont un peu long et fastidieux.
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Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
Mère des Romains, charme des dieux et des hommes, bienfaisante Vénus, c'est toi qui, fécondant ce monde placé sous les astres errants du ciel, peuples la mer chargée de navires, et la terre revêtue de moissons; c'est par toi que tous les êtres sont conçus, et ouvrent leurs yeux naissants à la lumière. Quand tu parais, ô déesse, le vent tombe, les nuages se dissipent; la terre déploie sous tes pas ses riches tapis de fleurs; la surface des ondes te sourit, et les cieux apaisés versent un torrent de lumière resplendissante.
[ ] Dès que les jours nous offrent le doux aspect du printemps, dès que le zéphyr captif recouvre son haleine féconde, le chant des oiseaux que tes feux agitent annonce d'abord ta présence, puis, les troupeaux enflammés bondissent dans les gras pâturages et traversent les fleuves rapides tant les êtres vivants, épris de tes charmes et saisis de ton attrait, aiment à te suivre partout où tu les entraînes! Enfin, dans les mers, sur les montagnes, au fond des torrents, et dans les demeures touffues des oiseaux, et dans les vertes campagnes, [1,20] ta douce flamme pénètre tous les cœurs, et fait que toutes les races brûlent de se perpétuer. Ainsi donc, puisque toi seule gouvernes la nature, puisque, sans toi rien ne jaillit au séjour de la lumière, rien n'est beau ni aimable, sois la compagne de mes veilles, et dicte-moi ce poème que je tente sur la Nature [ ]
Fais cependant que les fureurs de la guerre s'assoupissent, et laissent en repos la terre et l'onde. Toi seule peux rendre les mortels aux doux loisirs de la paix, puisque Mars gouverne les batailles, et que souvent, las de son farouche ministère, il se rejette dans tes bras, et là, vaincu par la blessure d'un éternel amour, il te contemple, la tête renversée sur ton sein; son regard, attaché sur ton visage, se repaît avidement de tes charmes; et son âme demeure suspendue à tes lèvres. Alors, ô déesse, quand il repose sur tes membres sacrés, [ ] et que, penchée sur lui, tu l'enveloppes de tes caresses, laisse tomber à son oreille quelques douces paroles, et demande-lui pour les Romains une paix tranquille.
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Éloge d'Épicure

La vie humaine, spectacle répugnant, gisait
sur la terre écrasée sous le poids de la religion,
dont la tête surgie des régions célestes
menaçait les mortels de son regard hideux,
quand pour la première fois un homme, un Grec
osa la regarder en face, l'affronter enfin.
Le prestige des dieux ni la foudre ne l'arrêtèrent,
non plus que le ciel de son grondement menaçant,
mais son ardeur fut stimulée au point qu'il désira
forcer le premier les verrous de la nature.
Donc, la vigueur de son esprit triompha, et dehors
s'élança, bien loin des remparts enflammés du monde.
Il parcourut par la pensée l'univers infini.
Vainqueur, il revient nous dire ce qui peut naître
ou non, pourquoi enfin est assigné à chaque chose
un pouvoir limité, une borne immuable.
Ainsi, la religion est soumise à son tour,
piétinée, victoire qui nous élève au ciel.
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Maintenant, personne, tant on est lassé et blasé de cette vue, ne daigne plus lever les yeux sur les espaces lumineux du ciel. Si tous ces objets apparaissaient aujourd'hui pour la première fois aux mortels, s'ils étaient soudain présentés, on ne pourrait rien citer de plus étonnant ou dont les hommes aient moins osé concevoir la possibilité de l'existence. Par l'accoutumance des yeux, les esprits s'habituent, et ne s'étonnent plus des choses qu'ils voient toujours ni n'en recherchent plus les raisons.
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À coup sûr, les éléments premiers des choses n'ont pas obéi à un plan subtilement élaboré quand ils sont venu occuper leurs places respectives ; à coup sûr ils n'ont pas consciemment programmé les mouvement que chacun d'eux devait exécuter. En réalité, ces innombrables éléments, soumis à d'innombrables et brutales poussées, entraînés aussi par leur propre poids, se sont laissé emporter, et ce depuis l'aube des temps. Déplacements qui les ont amenés à s'assembler, à essayer toutes les créations que permettaient leurs rencontres ; et leurs tribulations dans l'infini du temps, leur perpétuelle expérimentation de toutes sortes d'assemblages, de toutes sortes de mouvements, ont finalement permis la rencontre inopinée des atomes, dont la réunion est à l'origine de ces grands corps : terre, mer, ciel, espèces vivantes.
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La piété, ce n'est pas se montrer à tout instant la tête voilée devant une pierre, ce n'est pas s'approcher de tous les autels, ce n'est pas se prosterner sur le sol la paume ouverte en face des statues divines, ce n'est pas inonder les autels du sang des animaux, ni ajouter des prières aux prières, mais c'est plutôt de regarder toutes choses de ce monde avec sérénité.
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Videos de Lucrèce (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Lucrèce
LUCRÈCE – De Rerum Natura : le Poème philosophique (France Culture, 2003) Émission de radio "Commentaire", par Raphaël Enthoven, diffusée le 26 septembre 2003 sur France Culture. Invités : Jean Salem et Jean Pautrat
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