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Critique de candlemas


De natura rerum... Ier siècle avant JC ... qu'on y songe...

Si, comme moi, vous étiez trop médiocre en version latine pour lire dans le texte la poésie de Lucrèce, vous pourrez au moins, dans la traduction française, en apprécier la justesse et l'efficacité démonstrative. Par ailleurs, il persiste, même en français, un souffle poétique, qui rappelle Homère. La lecture est donc plutôt agréable et compréhensible, malgré les archaïsmes.

Incroyable pre-science que celle de ce disciple d'Epicure, qui, observant la nature, pourfend - des siècles avant que l'expérimentation scientifique ne prenne le relais- les superstitions et nous introduit au règne de la raison et de la liberté individuelle. Certains concepts nous conduisent même aux découvertes scientifique les plus contemporaines, observant les effets du hasard sur l'atome !

Mais Lucrèce se fait avant tout notre guide dans la découverte de la philosophie de son maître ; et c'est bien par l'observation de la nature des choses qu'il tente d'en démontrer la justesse. Dans un monde en continuel mouvement, constitué à la fois de corps et de non-être (de vide), l'homme, en rapport avec une nature totalement dépourvue de finalité particulière ou de volonté divine, est absolument libre et responsable.

Ce traité, lu très tôt ado tout en poursuivant un bac scientifique, , fut pour moi la source d'une réflexion métaphysique conduisant tout naturellement à désinvestir la religion chrétienne et adhérer à une vision plus "énergétique" du monde, plus en adéquation avec son observation. D'autres lectures m'ont amené plus tard à retrouver un sens au coeur même de ce monde fait de corps chaotiques et de vides.

Au delà de mon expérience personnelle, le de Natura Rerum, reprenant Démocrite et Epicure, me semble avoir préfiguré le grand courant matérialiste ayant donné naissance à la pensée moderne. Lecture incontournable donc, injustement peu commentée, sans doute parce que, pendant des siècles, les religions y ont veillé...

La partie relative à l'éthique, qui découle pourtant des conceptions cosmologiques, m'a beaucoup moins marqué : elle me semble pouvoir se résumer à Candide cultivant son jardin loin des agitations du monde, et à une recherche d'ataraxie, mêlant plaisir mesuré et l'utile à l'agréable. Une quête de douceur et d'un juste milieu dans les comportements s'en suit, qui rapproche Lucrèce d'Aristote, et l'oppose d'une certaine manière à l'idéalisme platonicien.
Plusieurs points communs aussi avec les maîtres bouddhistes : c'est en levant l'ignorance que les peurs disparaissent, laissant ainsi espérer à l'humain qu'il pourra un jour cesser ses souffrances et atteindre l'ataraxie (l'éveil...). Et , si la démarche épicurienne est individuelle, elle n'exclut pas l'amitié "philosophique" entre les hommes, et n'est donc pas sans rappeler le concept de compassion.

Vraiment, un grand ouvrage scientifique et philosophique, doublé d'un style éloquent, que les humanistes de la Renaissance ont relayé jusqu'à nous, notamment Montaigne et Thomas More.


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