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Critique de Soukiang


Il est des choses innommables que l'on rencontre dans une vie, des fractures indélébiles qui laissent des traces à jamais, des relents de moisissure qui vous déclenchent des hauts le coeur, des sensations qui vous saisissent d'un froid indéfinissable, s'agit-il d'un phénomène naturel ou incompréhensible pour en éprouver un début d'explication ?
Ressentir cette morsure d'un froid à pierre fendre, celui qui vous pénètre d'abord dans votre épine dorsale, ce sentiment étouffant qui vous saisira à la gorge ensuite, ces effets pervers de frissons de dégoût ou de plaisir coupable, Mystic, cette petite ville américaine du Connecticut, ne connaîtra plus jamais la paix.
Après la découverte d'un premier suivi rapidement d'un deuxième cadavre, tous atrocement mutilés, tout le monde s'interroge sur les raisons de ces meurtres dans cette bourgade somme toute paisible dont la principale activité se décline dans la pêche.
Deux femmes, deux destins inextricablement liés, plus jamais les nuits ne seront paisibles à Mystic ...

Sergio Luis est un écrivain de thrillers, il aime mélanger les genres, assaisonner ses intrigues d'une soupçon de suspense, mixer avec des sauces fantastiques voire lorgner du côté obscure des forces sortant de l'ordinaire, situer ses histoires dans un quotidien banal afin d'observer la société et les personnes, gratter sous la surface pour faire ressortir le meilleur et le pire.

Observer la nature humaine, les réactions de tous les protagonistes devant l'impensable, flirter avec les codes de la peur dans toutes ses limites, ces cauchemars qui font réveiller même les plus endurcis, une atmosphère qui se dégrade dans la terreur, pernicieuse, l'impuissance d'affronter le déluge sanglant qui s'est abattu sur les villageois, chacun semble porter une certain croix, à vouloir défier la mort, celle-ci viendra vous rendre visite, l'auteur sait habilement distiller la peur, faire remonter le passé en jouant sur la carte de la folie qui menace tous les personnages impliqués dans cette histoire qui restera celle d'une véritable tragédie à l'échelle humaine, des personnages qui vous hantent par leur désarroi et leur inquiétudes, la vengeance est un plat qui se mange froid, sans jeu de mots, Plus rude sera la nuit vous proposera d'en découvrir les deux versants, une écriture maîtrisée, l'effroi est garanti pour vous faire dresser les cheveux sur la tête, l'objectif est atteint de tester votre résistance, à toute épreuve.

"La vie est un flambeau toujours prêt à s'éteindre"

La progression de l'histoire est une machine à explorer le temps, elle est à la fois implacable pour contrer l'érosion du temps sur les âmes meurtris, pour souligner la brutalité qui se dessine dans la souffrance exprimée, dans cette enclave côtière, les terrains n'auront jamais paru aussi étroits, une ambiance qui oppresse le coeur, ces endroits désolés qui portent le poids des regrets éternels, sans fard ni concession, l'angoisse n'en devient que palpable pour comprendre la vérité, ces monstres sans visage, ces cris silencieux au milieu de la nuit, cette solitude qui trahit un désespoir sans fin, le deuil d'une vie, les tourments qui deviennent des instruments de la colère des Dieux, la nature humaine est fragile, ces répères qui se perdent dans le tumulte des eaux maudites, le destin de deux femmes qui savent, les portes de l'enfer sont entrebaillées, Eléanor, Jenny, seront-elles suffisamment lucides et fortes pour lutter contre les démons de l'opprobe et de la rédemption, dans cette nuit interminable ?
Le thriller prend alors de nouvelles proportions, des dispositions qui vont repousser l'échéance, une cadence infernale qui poussera la terreur à son paroxysme, dans ce tourbillon des révoltes, attiser le feu des sacrifices, personne n'en sortira victorieux ou indemne, difficile de rester dans la normalité, l'émotion prend le pas sur la rationalité des évènements successifs, la trame du roman devient alors un puzzle dans lequel chacun devra espérer trouver des éléments de réponse pour faire ressortir la vérité ...

"La vérité sort de la bouche des enfants"

Une intrigue qui déroule sa pelote de laine, dénouer le foyer du péché dans cet inextricable déchéance humaine, les retournements de situation maintiennent en haleine le lecteur, un équilibre délicat entre l'investigation et les réminiscences infusées puis instillées comme le venin du serpent pour en capturer tout le fiel mortel, ce n'est pas juste un thriller jouissif pour vous donner des sensations propres au genre, le suspense, l'horreur viscérale, c'est aussi une réflexion sur l'individu, ce qui le pousse à prendre des décisions dans l'urgence, dans la violence répétée, qu'est-ce qui peut engendrer des monstres au point de non-retour ?

Cette psychologie humaine qui se matérialise pour mieux se volatiliser dans les courants déchaînés d'une vie de peine incommensurable, le poids des regards haineux et des ignorants, il reste toujours cette beauté sépulcrale, cette fleur qui jaillit du fond des tripes pour se transformer dans l'usure du temps, dans le coeur des innocents, l'abandon de soi qui vient se substituer aux épreuves de la vie, les phénomènes imprévisibles donnant une couche supplémentaire pour faire rebondir et accélérer le souffle déjà imprécis et saccadé, comme dans un état second, les personnages seront toujours à la lisière du réel et de la folie, cette tension qui ne se relâche jamais, dans cette frontière aux limites troubles et mystérieuses, la compassion ressentie en sera alors multipliée pour capturer l'essence de l'âme possédé, la résilience, les vicissitudes d'une existence soumis aux rigueurs de ses hivers infernaux, toujours ce froid qui voudra tourmenter les vivants jusqu'aux confins de l'inimaginable ...

Quelques clins d'oeil cinématographiques viendront parsemer l'histoire, rappelant sa temporalité ainsi que d'autres évènements de l'actualité récente, cette zone de turbulence qui caractérise et apportant un certain cachet, les signes annonciateurs de destins bouleversés ne sont jamais inscrits dans la facilité, un combat qui vrille les écouvillons pour laisser toujours cette liberté au lecteur de se mettre en alerte permanente, de rester dans le doute et les incertitudes jusqu'au dénouement qui en scotchera même les plus rompus aux thrillers, ce n'est pas tant de deviner tous les tenants et aboutissants que d'en éprouver toute l'empathie indispensable pour réaliser, comprendre à quel point rien n'est dû au hasard, tout a un prix en ce bas monde, tout le monde devrait le savoir et pourtant, il n'y a pas plus aveugle celui qui ne veut pas voir, ni plus sourd celui qui ne veut pas entendre, la vie est un recommencement sans fin de rencontres et de destins en tout genre, les fantômes du passé n'ont pas encore dit leur dernier mot ...

Par moment, j'ai senti cette influence, cette inspiration d'autres auteurs du fantastique ou de l'horreur, cette montée en régime de la terreur vers des niveaux d'effroi et de malaise croissant, ce croisement entre le paranormal et le réel, entre le surnaturel et la banalité du quotidien, cette opposition insufflant une énergie nouvelle pour en récolter les germes du bien et du mal afin de séparer l'ivraie du bon grain.

Auteur déjà de plusieurs thrillers, je découvre la plume de Sergio LUIS Auteur avec Plus rude sera la nuit, un thriller qui vous fera sûrement éprouver un sentiment d'épouvante pendant toute la durée de votre lecture doublé d'une histoire humaine s'inscrivant dans le choeur des tragédies antiques avec son lot de cortèges, peines de coeur, souffrances indicibles qui vous remueront les tripes, le bonheur perdu et retrouvé pour basculer dans le chaos de ces vies brisées et ... délivrées.

Sans concession, un roman auto-édition qui remplit haut la main la feuille de route d'un thriller addictif !

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