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Critique de colimasson


Y a deux textes là-dedans.


Le premier c'est « de la pauvreté en esprit ». Vous, lecteurs bibliques patentés, aurez bien entendu reconnu cette phrase de l'Evangile de Matthieu (5 :3) : «Heureux les pauvres en esprit car le Royaume des cieux est à eux ! ». WTF ? Eh ouais. Tu croyais que la sagesse allait te faire monter direct à l'éther ? Devoirs, éthique, droits, tout cela est forme et en tant que cela est forme, abstraction factice destinée à simplifier le trajet de nos actes à nos pensées, ce n'est pas la vie vivante, ce n'est que la poisse vie ordinaire. « La vie vivante se situe au-delà des formes, cependant que l'ordinaire se situe en deçà, et la bonté est une grâce : celle de pouvoir briser les formes ». Ne la demandez jamais, peut-être l'obtiendrez-vous. Beaucoup de philosophies et de spiritualités implicitement contenues dans ce beau texte. Simple bien sûr, on ne fait pas de l'hôpital qui se fout de la charité. Et pour la bonté alors ? Pas permise à tout le monde il paraît. « La bonté est le devoir et la vertu d'une caste plus haute que la mienne ». On se joue des contradictions : qui a dit que la simplicité d'esprit était simple à obtenir ? ça fait rire dans les chaumières.


Le deuxième texte est parfait, c'est la « Légende du roi Midas », avec une nouvelle version autour de la question : pourquoi tout ce qu'il touche se transforme en or ? le texte se suffit à lui-même, en forme de récit initiatique ou peut-être simplement récit d'une destinée telle que nous en vivons tous une, même si nous n'en prenons conscience qu'à la fin. En voici un extrait qui en dit déjà beaucoup…


« Lorsque [le roi Midas] était toujours seul et qu'il ne manquait pourtant rien dans sa vie, lorsque le roi Midas était très jeune encore, et sa vie riche de possibilités insoupçonnées, alors chacun de ses instants était riches de miracles et des ombres de mystérieuses manifestations. Chaque minute était le sommet de sa vie, pourtant c'est de la suivante qu'il attendait le couronnement de sa vie. Il attendait que, de derrière le prochain arbre, surgisse la fée qui enfilerait en rang les perles de ses plus beaux instants, et lui expliquerait pourquoi, jusqu'à présent, il parcourait toujours seul les forêts et les bords de mer. Lorsque le roi Midas était encore tellement jeune, il aperçut un jour la fée, par une nuit de clair de lune, au bord de la mer. le roi Midas allait seul, alors, et la nuit était pleine de merveilles. Et la fée était seule aussi, assise seule sur un rocher au bord de la mer, et elle chantait. Et sa voix sonnait comme un appel, et portait en elle de grandes solitudes, et l'accompagnement de la mer mugissant à ses pieds venait de loin aussi et se mélangeait à sa voix comme si une divinité inconnue le lu avait commandé. Et le roi Midas écoutait longuement la fée et la regardait, la regardait longtemps et avait envie de la regarder dans les yeux, de lui prendre la main et de lui demander pourquoi elle était assise là toute seule et pourquoi elle chantait au bord de la mer, et pourquoi il parcourait lui, jusqu'à présent, toujours seul les forêts. Et le roi Midas ne chantait plus jamais, car la forêt était emplie aussi de la musique de la voix de la fée, et derrière chaque arbre il croyait la voir, toute proche, si proche qu'il n'avait qu'à tendre la main pour l'attirer vers lui, et lui poser les questions auxquelles il attendait, depuis si longtemps, une réponse. Et ses instants n'étaient plus remplis de merveilles et de bigarrures fugitives.
C'est pourquoi le roi Midas s'exila. Il avait conçu de la haine pour ses forêts et ses bords de mer, il voulait partir en terre étrangère, là où les instants apportent de nouveaux miracles et non les rayonnantes monotonies d'un chant. […]
« Pourquoi me quittes-tu, roi Midas ? Pourquoi ne veux-tu plus entendre mon chant ? Pourquoi ne viens-tu plus, la nuit, au bord de la mer ? Pourquoi pars-tu en terre étrangère ? Puisque c'est moi que tu cherchais toujours dans la forêt et mon chant dans le mugissement de la mer. Pourquoi me quitter maintenant, alors que tu m'as trouvée ? » […]
Mais une terreur sauvage envahit l'âme du roi Midas, il s'arracha aux tendres bras et répondit brutalement :
« Que veux-tu de moi ? Je ne t'ai jamais cherchée ! »
Et la fée le supplia :
« Ne dis pas que tu ne me cherchais pas, puisque je sais que tu m'as toujours attendue, que, sans mon chant, tes forêts auraient été vides et désolées tes nuits au bord de la mer. Je sais que tu me cherchais, que tu m'appelais, je suis ici, je suis à toi ! Je t'aime ! Mon enlacement répondra à toutes tes questions. Mon enlacement calmera tous tes désirs. Si je t'aime, tu n'auras pas à chercher tes mirages à l'étranger. Aime moi ! Reste avec moi ! »
Et, tout à coup, tout devint clair dans l'âme du roi Midas. Il savait maintenant pourquoi il désirait la fée et pourquoi il n'avait jamais tendu la main vers elle, et son coeur s'emplit d'une immense tristesse, et, sans un mot, il prit le chemin des contrées étrangères.
[…]
« Je ne reviendrai pas tant que tu seras ici. J'attendrai que tu sois morte. Lorsque ton chant ne retentira plus nulle part, alors tout sera empli du souvenir de ta voix et, de derrière chaque buisson, je verrai briller tes cheveux. Et je rêverai chaque instant, et tu seras dans tous mes rêves. Mais tant que tu seras ici, je ne pourrai pas rêver, tant que je te vois, je n'ai plus de monde, et lorsque tu chantes, les oiseaux sont muets et le mugissement de la mer ne parvient pas jusqu'à moi. Je te quitte parce que je ne t'ai jamais cherchée, parce que je n'ai pas besoin de toi, que je n'ai jamais eu besoin de toi.
[…] Je cherche un palais, immense, merveilleux que… je construirai peut-être de mes instants… je veux que tout soit toujours autrement… et je veux que reste pour toujours… Si tu me tiens la main, j'oublie tout, et tout est uniforme autour de moi si je te regarde. »
Ainsi parla le roi Midas, et il se détourna de la fée et partit vers les nouvelles merveilles des nouvelles forêts. […] Il allait, plein de désirs nouveaux, les yeux grands ouverts, l'âme emplie de douces plaintes des chants du passé. […]
La fée resta longtemps debout, […] pâle de colère, de honte et de douleur, […] la fée le audit :
« […] Je sais que tu m'aimes et pourtant tu me quittes, tu me quittes pour toujours ! … Je te maudis pour cela, roi Midas ! Tu n'as pas voulu tendre la main vers moi –que tu ne puisses jamais la tendre à quelqu'un d'autre ! Tu veux que tout soit beau autour de toi pour décorer ton grand palais ? Je te maudis, roi Midas ! Que tout reste comme tu l'aimes : joli et bariolé et brillant et toujours pareil. Que chaque minute t'apporte –comme tu le désirais- de nouvelles vies, que chaque minute soit nouvelle dans ta vie, que tout demeure comme tu l'as aimé ! Que tout ce que tes mains effleurent se transforme en or. Mais, un jour, le désir des étreintes vivantes déchirera ton âme… mais je t'aurai maudit, roi Midas ! Celle que tu étreindras deviendra une statue d'or, et c'est en vain que tu verseras des torrents de larmes, tu ne pourras pas lui rendre la vie que tu lui as ôtée… »


Et je ne vous ai pas livré le meilleur morceau… Une quinzaine de pages… à lire.
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