Révérence à ton dire, Pilote. Ceci n'est point pour l'oeil de chair,
Ni pour l'oeil blanc cilié de rouge que l'on peint au plat-bord des vaisseaux. Ma chance est dans l'adulation du soir et dans l'ivresse bleu d'argus où court l'haleine prophétique, comme la flamme de feu vert parmi la flore récifale.
(...)
"Dieux ! nul besoin d'arômes ni d'essences sur les réchauds de fer, à bout de promontoires,
Pour voir passer avant le jour, et sous ses voiles déliées, au pas de sa féminité, la grande aube délienne en marche sur les eaux...
– Toutes choses dites dans le soir et dans l'adulation du soir.
Et toi qui sais, Songe incréé, et moi, créé, qui ne sais pas, que faisons-nous d'autres, sur ces bords, que disposer ensemble nos pièges pour la nuit ?
Et Celles qui baignent dans la nuit, au bout des îles à rotonde,
Leurs grandes urnes ceintes d'un bras nu, que font-elles d'autres, ô pieuses, que nous-mêmes ?... Ils m'ont appelé l'Obscur et j'habitais l'éclat."
[Saint-John Perse]
L'Opéra de l'espace (Charles Dobzynski)
Puissance de l’air lourd, musculature du métal dans le faisceau de la fusée attelée à la foudre, à l’araire des vents,
et trouant le tissu compact de l’étendue, l’opacité qui se contracte et sa déchirure s’étend
ramification d’éclats et d’explosions dans l’épiderme atmosphérique,
avez-vous entendu la stridence de l’astronef striant ce que l’on nommait dérisoirement
l’éther ? une immensité vivante et mouvante, un ondoiement noir
où lentement la vie s’accroît et s’agglomère, spectrographie de tous les rêves, précipité de la mémoire,
oisellerie de flammes, l’astronef, nouant une aube boréale en la ceinture Van Allen
et l’air se fend comme une orange, et dans la trame qu’il défait,
ne laissant à sa foulure bleue ni trace de trépan ni fragment d’horizon broyé,
l’astronef s’enfonce dans l’infini avec cet abandon tranquille du dormeur ou du noyé,
le vide est chair et changement, chair élastique et conductible songe proliférant dans l’obscurité d’un seul corps,
et dans ce ventre sans parois l’astronef fonde le futur,
le futur à peine une graine, une pulsation de pollen planétaire,
et quel vent d’outre-monde emporte au gré des ondes la promesse
de toutes les germinations? le prélude incandescent à la parturition terrestre
et quel vent se gonfle soudain de toute la tendresse des âges?
Voici le passage du cyclone et l’éclosion du cyclamen de l’aube,
pareille à l’éclat violet de la lampe à arc, voici la flamboyante trajectoire
de l’été, le caméléon de l’été fou, le camée qui prend feu entre deux feuilles de la nuit prémonitoire.
Dans cette mère du cosmos, indifférente à ce qui s’établit, mouvante en ses mucosités, tout occupée à nourrir son sommeil éternellement,
Voici l’astronef roulant le feu de sa torsade et la vitesse est son enfantement,
clarté dans l’ombre, éclair dans la fumée,
Chair dans la chair et chaleur dans la glace : une vie au-delà du néant va germer.
Dans ce nouvel épisode de notre podcast, Maxime, Michaël, Olfa, Julien et Amélie, tous les cinq libraires à Dialogues, partagent leurs derniers coups de coeur !
Bibliographie :
- Un manga : Badducks, de Tor yumon Takeda (éd. Ki-oon) :https://www.librairiedialogues.fr/livre/21964601-badducks-t01-toryumon-takeda-ki-oon
- Un roman : le silence, de Denn i s Lehane (éd. Gallmeister) :https://www.librairiedialogues.fr/livre/21900291-le-silence-dennis-lehane-editions-gallmeister
- Un recueil de témoignages : Mon métier aura du sens, de Julien Vidal (éd. Vuibert) :https://www.librairiedialogues.fr/livre/21626998-mon-metier-aura-du-sens-de-30-metiers-durabl--julien-vidal-vuibert
- Un beau livre : Les nuits étoilées de van Gogh, de Jean-pierre Luminet (éd. Seghers) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21713140-les-nuits-etoilees-de-van-gogh-jean-pierre-luminet-seghers
- Un album jeunesse : Bonnes nuits, de Sang-K eun Kim (éd. Sens Dessus Dessous) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22024763-bonnes-nuits-sang-keun-kim-sens-dessus-dessous
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