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Critique de Erik35


Erik35
06 décembre 2017
DES FANTÔMES DANS LES PLACARDS...

Rien ne va plus chez nos sacrés papys flingueurs, rendez-vous compte : C'est le déluge dehors et la vieille baraque de Sophie, absente, prend eau de toute part. Mimile et Antoine épongent comme ils peuvent avec les moyens du bord. Pour ne rien arranger, cette vieille folle de Berthe vient d'appeler afin que Sophie l'aide à rentrer ses moutons. C'est Antoine qui a répondu, et l'a envoyé zinguer, cette sorcière ! MImile, bonne âme, irait bien, lui, pour les bêtes... «Mais avec mon traitement», conclut-il... du coup, c'est Antoine qui s'y colle, au sauvetage des bestioles. Au même moment, Sophie subit les remontées de bretelles, suivies de menaces à peine voilée d'un des rejetons du père Garan Servier qui a assez peu apprécié la ponction de 200 000 Euros effectué sur la fameuse caisse noire familiale (voir tome 2)... A Paris, ça ne va guère mieux : trois drôles d'abeilles, Baba, Fanfan et Pierrot pour les dénoncer, viennent de se faire alpaguer par la maison poulaga, jetés comme des sales gosses dans un panier à salade, direction le central ! Couronne d'épine final à ce début en fanfare désaccordée, le Mimile vient de se faire une grosse syncope en l'absence momentanée du sauveur d'ovins, direction les urgences : on craint la commotion cérébrale...

Cette succession de malheurs plus ou moins grands - rassurez-vous : pas définitifs - va avoir des conséquences étonnantes : celle de faire sortir de bons vieux fantômes des placards bien chargés de nos papys "Hasta Siempre"... Et ceux-ci tournent tout particulièrement autour de cette bourrique mal-aimable de "Berthe des Ravines", isolée du monde, misanthrope, conchiant tout le village, n'acceptant guère que la présence régulière de Sophie ainsi qu'il en fut, jadis, de sa grand-mère décédée (voir tome 1). Mais dont les actions d'éclat incompréhensibles, depuis les années cinquante, accréditent très largement ce qualificatif de "folle"...

Dans les mêmes moments, un étrange petit bonhomme, anglo-saxon rabougri, défiguré, hirsute, une main en forme de crochet d'acier, recherche désespérément un certain "Le Biouche"... Qui s'avérera n'être autre que notre cher Mimile. Ces deux-là s'étaient connus, s'étaient régulièrement cognés dessus (par désoeuvrement et excès éthyliques), avaient fait les quatre cent coups à l'autre bout du monde, en cette époque lointaine ou Emile Carbigniac se faisait surnommer "La Bûche", tant sa tête était dure au mal tant sur les terrains de rugby du Pacifique sud que dans les bouges !
Mais même ces aventures lointaines de «Celui qui part» ont maille à partir avec la fameuse Berthe... C'est dans les lendemains douloureux et délétères de la seconde guerre mondiale, ayant amené son lot de vengeance foireuses, de rumeurs infondées, de mensonges et de rancoeurs jamais assumés qu'il faudra aller remuer la fange. Sophie finira ainsi par appendre toute la vérité (ce qui ne fut pas une mince affaire tant ces anciens-là peuvent être un mélange foireux de têtes de mules, de têtes de cochons et de têtes à claque), transformant cette vérité, en bonne marionnettiste, en un conte pour adultes destiné à un auditoire trié sur le volet, qu'elle a intitulé «Pouleboche et les trois ânes». Où l'on apprend que certains n'ont pas à être fiers de tout ce qu'ils ont fait dans leur jeunesse ; que la rumeur est soeur de vilenies ; que les oeufs de Berthe sont dignes d'être cuisinés ; et que tels sont pris qui croyaient prendre !
Quant à Mimile... Cet homme-là cache décidément bien son jeu, même auprès de ses deux meilleurs poteaux !

Cette fois, c'est donc au passé, à un certain passé peu glorieux, franchement honteux même, que Wilfrid Lupano et Paul Cauuet s'en prennent avec la même fougue, le même sens de la dérision et de la formule qui pique, la même volonté de nous faire regarder certaines choses en face, sans flatterie ni facilité, de mettre nos jugements dans nos poches et d'entendre d'autres témoignages que ceux communément admis parce que provenant de personnages au-dessus de tous soupçons moraux. Et c'est pas parce qu'on est devenu un vieil anar' attachant, déconnard et sympathique - capable, par exemple, de se déguiser en abeilles géantes pour défendre les alliées de nos cultures ! Un des très grands moments de ce troisième opus - qu'on n'en a pas pour autant fait, par le passé, des couillonnades dont il n'y a aucune raison de s'enorgueillir. Sophie, qui tient décidément de sa grand-mère, va en faire prendre conscience, et avec quel fougue, nos trois compères, sous l'oeil ravi et connaisseur d'un vieil australien rapiécé de partout quoi que débonnaire.

Encore un sacré tour de force que signent là nos deux auteurs que de parvenir à nous faire rire - un peu jaune parfois - sur des sujets pourtant graves, pas toujours bien refermés de notre inconscient collectif. Légèrement moins ancré dans notre présent que les deux précédents volets (malgré une fin des plus contemporaines et sociales), cet album n'en demeure pas moins un véritable morceau de bravoure humoristico-décapante ! Décidément, on se s'en lasse pas de ces Vieux Fourneaux.
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