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Critique de Erik35


Erik35
11 décembre 2017
LA CAMBROUSSE, C'EST PIRE QUE GUIMAUVE FROMBZE...

Bien évidemment, il faudra prendre le temps (et ce temps-là, ce n'est pas de l'argent : c'est juste du bonheur en barre et du rire à gorge déployée) de lire le quatrième et, pour l'heure, dernier volume de ces sacrés Vieux Fourneaux, pour comprendre qui peut bien être cette Guimauve pas forcément si sympathique qu'elle en a l'air. En attendant, oui, c'est un sacré capharnaüm que ce petit coin de ruralité du Tarn-et-Garonne où réside Antoine, surplombée par les modernes laboratoires pharmaceutique Garan-Servier, un petit coin de France jadis si tranquille avant que ne s'y retrouve trois vieux compères - Antoine l'ancien syndicaliste, Pierrot le vieil anar' et toujours vaillant avec ses amis de "Ni yeux, ni maîtres" ainsi que l'éternel baroudeur, ancien pilier de rugby, Mimile - accompagnés de la jeune et turbulente Sophie, petite fille au caractère bien trempé du premier cité (voir dans le premier album).

On se souviendra que cette fameuse Sophie avait, moyennant quelques petits secrets de double comptabilité, réussit à convaincre les dirigeants du laboratoire à agrandir leur surface et, par voie de conséquence, l'embauche en reprenant un projet enterré trente ans plus tôt. Tout semblait rouler comme sur le vieux fourgon rouge avec lequel Sophie se déplace dans le pays pour ses spectacles de marionnettes. Pourtant, c'est l'inverse qui est en cours : Une ZAD (Zone À Défendre pour ceux qui débarqueraient de la planète Mars et n'auraient jamais entendu parler de celle de Notre Dame des Landes. Dire NDDL) s'est installée sur les anciens terrains vendus à prix d'or par Berthe (voir le troisième album). Pourquoi ? Tout simplement parce qu'une étrange bestiole répondant au nom aussi étrange qu'évocateur de "Magicienne dentelée" semble se trouver fort bien sur ces terrains-là, et qu'elle est protégée par la directive européenne "Natura 2000"...

Alors, soyons clairs : c'est un village en quasi état de guerre que Sophie accompagnée de sa fille et d'Antoine, retrouvent à leur retour de tournée de marionnettes. Comme un malheur n'arrive jamais seul, la fameuse camionnette rend l'âme et le couvreur qu'attend la jeune femme depuis des lustres se décommande. Cerise sur le gâteau, le père-mystère de la jeune femme se débine, après avoir promis de venir passer quelques jours avec sa fille. Marasme quand tu nous tiens...

De son côté, bien évidemment, Antoine est à deux doigts de la crise cardiaque mais il n'est pas tout à fait le seul, l'arrêt des travaux signifiant l'éloignement possible d'une manne financière et d'un peu d'emploi dans cette région reculée du midi-Pyrénées : les locaux sont partagés mais globalement remontés contre ces zadistes que d'aucuns confondent sans peine avec des gens du voyage dont ils ne veulent pas. Une réunion d'information est donc organisée par les opposants à la destruction de l'habitat de cette magicienne à laquelle une bonne partie de la population assiste. On y découvre ainsi ce qu'est - et ce n'est pas une invention des auteurs - cette bizarre et fascinante Magicienne dentelée : une sauterelle de très grande taille et sans aile, seul et très rare animal de notre territoire national à pouvoir se reproduire intégralement par parthénogenèse, sans mâle donc, ses rejetons étant ainsi ses parfaits clones ! Mais que peut valoir une petite bestiole face aux intérêts économiques et sociaux en jeu ? Pas grand'chose... À moins qu'une troupe décatie mais vaillante d'antiques anar' parisiens ne débarque sur ses entrefaites, Pierrot en tête, bien entendu !

Comme dans les précédents albums, Wilfrid Lupano et Paul Cauuet nous gratifient d'une galerie de personnages vraiment pas piqués des hannetons, qu'il soit président de la fédération de chasse locale, qu'il soit pilier de bistrot père d'un charmant - très, très charmant - agronome qui sera cause de scènes totalement fantasmées par Sophie mais d'une drôlerie bibliquement imparable ou encore d'un vieux militaire retraité, un ancien capitaine de légion surnommé Zébu et pour lequel la vie est un combat, au sens strict.
Chaque album étant plus ou moins dédié à l'un des personnages principaux, cette fois c'est au tour de Sophie de nous découvrir ses petits secrets. On en apprendra ainsi un peu plus sur le mystérieux père de sa gamine, de même que la marionnettiste en apprendra à son tour un peu sur ce père qu'elle connait si mal et qui semble constamment s'échapper pour des raisons que tous ignorent... Ou ne souhaitent pas raconter.

Toujours aussi politique que les précédents, cet album-ci fera sans doute rire un peu plus jaune dans la mesure où il évoque des sujets sensibles, très sensibles de notre quotidien : l'écologie, l'économie, la vie dans nos campagnes, le chômage et cet éternelle incompréhension entre urbains et ruraux, accessoirement entre jeunes et un peu moins jeunes. Autant de thèmes qui, bien souvent, semblent devoir s'affronter, être mis en concurrence voire s'avérer franchement irréconciliables mais que nos deux auteurs abordent avec intelligence, sans totalement prendre parti entre les protagonistes principaux - dans la mesure où bien des réflexions des uns et des autres paraissent recevables, selon l'angle envisagé - quoi que nos deux créateurs finissent par indiquer clairement de quel côté ils se situent, certes en usant d'une pirouette inattendue, mais toujours avec un humour parfait, déjanté, imprévisible dont on redemande sans se lasser tellement c'est bon !

Et puis... Sans rien dévoiler de la fin de l'album, dont on aurait pu craindre qu'il fut le dernier, chacun des principaux protagonistes ayant eu le leur, le lecteur se rassurera en comprenant qu'il n'en a pas encore terminé avec ces Vieux Fourneaux décidément impayables. Vivement le cinquième qu'on s'gondole (intelligemment) !
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