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EAN : 9791040504283
Librinova (09/03/2022)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Le héros du conte de Charles Perrault et le tristement célèbre Gilles de Rais sont le même personnage, le même monstre mythifié et envoûtant qui ne cesse de renaître dans les tueurs en série et les féminicides. Quels ressorts animent ces êtres qui abandonnent leur humanité au profit de la destruction passionnée de l'innocence ; qui poursuivent sans relâche ce moment où la vie vacille et s'éteint dans un regard implorant ?

C’est par sa voix, sans émoti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Enfant, je lisais beaucoup de contes. « Barbe-Bleue » reste encore aujourd'hui un de mes contes préférés. J'aimais la terreur qu'il me procurait. Je continue à lire chaque année cette histoire à mes élèves pour voir se dessiner sur leur visage mes émotions d'enfant, ce mélange de plaisir et d'effroi.

Mais j'étais loin de me douter que l'homme se cachant sous les traits de Barbe Bleue avait réellement existé. En recevant cette proposition de lecture des éditions Librinova que je remercie vivement, j'ai appris que ce célèbre conte n'était pas né de l'imagination de Charles Perrault, mais qu'il s'était fortement inspiré de la vie de Gilles de Rais.

Ce grand seigneur fut l'ancien compagnon d'armes de Jeanne d'Arc. Arrêté en 1440 pour avoir violé, torturé et assassiné des centaines de jeunes garçons et de jeunes femmes, il fut condamné à être pendu, puis brûlé.
C'est son histoire qui inspirera deux siècles plus tard Charles Perrault qui en fera un tueur de femmes, alors que Gilles de Rais avait une préférence pour les enfants et en particulier pour les petits garçons.

Dans cette autobiographie romancée, Brigitte Lurton retrace sa vie, de sa petite enfance à son arrestation.

*
Le lecteur entre de plain-pied dans le récit avec l'assassinat d'une jeune femme. Autant cette mise à mort décrite avec froideur et détachement m'a d'emblée frappée, autant cette entrée très directe dans l'histoire de Gilles de Rais fait tout de suite naître des émotions vives qui perdurent jusqu'à la dernière ligne.

« Vous pouvez rire, vous n'êtes que poussière, toutes. Votre vie n'est qu'une poignée de sable dans ma main. Je suis le maître. »

C'est donc ainsi que nous accueille Gilles de Rais, surnommé le « Barbe-Bleue Nantais ».
L'auteure le décrit tel que je me l'imaginais enfant : un homme grand et élégant, de carrure imposante, au regard froid et perçant, au charme magnétique et envoûtant. A cela s'ajoute un détail frappant qui m'impressionnait énormément petite : cet homme avait une barbe fournie, très noire, aux reflets bleutés.

La première partie du récit dont les chapitres sont numérotés, fait entendre sa voix, celle d'un être incapable d'aimer et de ressentir de l'empathie, d'un homme méprisant et méprisable qui avilit les femmes et les êtres fragiles, qui asservit et terrorise les serfs qui vivent sur son domaine.

Dès son plus jeune âge, Gilles de Rais reçoit une éducation militaire. Il vit dans un monde d'hommes et se passionne pour les chevaux et la chasse à courre. Très jeune, il est confronté à la violence, aux champs de bataille, à la mort et il s'en délecte.
C'est avec une mine de dégoût que j'ai lu certains passages, et ma répulsion pour lui n'a fait que s'accroître tout au long de récit.

« Au château, je me faufilais dans les caves. Dans l'une d'entre elles on faisandait le gibier ; j'enfouissais mon visage dans ces ventres de fourrure et de duvet que le sang collait et en inspirais à petites goulées les parfums violents. Je caressais les plumes froides, les corps raidis et les longues oreilles si douces des lièvres. J'ai gardé de ce temps le goût de l'obscurité, et celui de la chair morte. »


L'écriture sèche et distante de Brigitte Lurton accentue l'antipathie et le dégoût que le lecteur ne peut qu'éprouver face à cet homme fou, tout puissant, à l'orgueil démesuré.
Un monstre sans état d'âme, indifférent à la souffrance d'autrui, totalement insensible, animé d'un besoin, d'une faim, d'une soif de dominer, d'écraser, de jouir de l'autre jusque dans la mort.

« Répondre à la violence par égale violence, subordonner les femmes, avoir conscience de sa propre perfection, ne rendre des comptes qu'à Dieu qui nous créât. »

*
La justesse du ton est ce qui caractérise ce roman. Il n'y a aucune longueur, aucun temps mort.
Le texte est court, beau : il frappe et percute et s'imprime dans l'esprit du lecteur. En se concentrant sur l'impact émotionnel, les phrases s'assèchent. Minimalistes, elles ne gardent que les mots nécessaires, indispensables.

Mais Brigitte Lurton ne décrit pas vraiment les scènes de meurtre car les mots sont inutiles pour décrire la barbarie, la cruauté, le sadisme et la jouissance de l'homme. L'auteure suggère la violence de la mort en se focalisant sur la fulgurance du passage à l'acte, la terreur des femmes. Il n'y a pas de montée dans la sauvagerie, elle éclate, brutale, furieuse, poignante et s'achève invariablement par un corps supplicié et le silence qui retombe.

« … la joie incomparable de dénicher, traquer, soumettre et enfin tuer. Administrer la mort, c'est le pouvoir suprême. Son spectacle me fascine. le contrôle n'est plus, le corps s'anime comme par soi-même, l'oeil se perd, la vision se tourne vers l'intérieur. Les muscles se tendent, puis s'amollissent, laissant la dépouille telle un vêtement abandonné. »

*
A partir du deuxième tiers du livre, la numérotation des chapitres laisse la place à des noms de femmes, les nombreuses épouses de Gilles de Rais et c'est à leur tour de s'exprimer.

Ses victimes apparaissent bien jeunes, bien fragiles, bien innocentes face à cet homme si impressionnant, de jeunes colombes entre les serres d'un aigle. Nous faisons la connaissance de quelques-unes d'entre elles. Elles s'appellent Anne, Loïse, Guillemette, Diane, mais il y en a tant d'autres. Chacune de leur voix s'ajoute à la précédente, n'en formant qu'une seule qui s'achève par la mort.

Et c'est là que j'ai trouvé l'approche de l'auteure vraiment très intéressante car le récit se déporte, je trouve, vers un sujet en définitive très actuel : les violences faites aux femmes et en particulier les violences conjugales. Ces femmes d'hier sont les femmes d'aujourd'hui, sous emprise psychologique, victimes de conjoints violents, maltraitants, assassins.

*
Un dernier aspect que je n'ai pas vraiment abordé, c'est l'arrière-plan historique que l'auteure peint avec attention, participant à notre immersion dans la société médiévale. On se croirait ramener au XVème siècle, dans une atmosphère de violence quotidienne, où il ne fait pas bon vivre si vous êtes une femme ou un enfant.
Le personnage de Gilles de Rais paraît particulièrement juste dans ce contexte politique et social où les femmes n'avaient d' « utilité que le service et la plaisir, et si elles n'offraient pas ce dernier, il fallait le leur prendre ».

*
« Une autobiographie de Barbe-Bleue » est un petit roman saisissant, captivant, qui montre le conte de Charles Perrault et son héros légendaire sous un nouveau jour, fascinant et abject.
Il est aussi question d'une pièce transformée en sanctuaire et d'une petite clé.

« Mon épouse a une clef mais interdiction d'en user. Pas une n'a su résister. Toutes ces femelles portent le mensonge en elles, comme elles portent leurs viscères. La tentation les domine, preuve que le diable habite leur âme… »
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Qui n'a jamais aimé se faire peur ? Lu et relu, "La Barbe-Bleue" a toujours eu un attrait particulier, celui où l'on se délecte de ses propres frayeurs.
Pour créer le personnage central du récit, l'auteur, Charles Perrault, a tiré son inspiration, de Gilles de Rais, Maréchal de France, connu pour ses faits d'armes auprès de Jeanne d'Arc, mais également pour ses crimes barbares sur des centaines de jeunes enfants, torturés, violés et tués pour son propre plaisir. Il sera pendu et brûlé pour ces meurtres. Ces atrocités lui valent, d'ailleurs, le surnom de « Barbe-Bleue nantais ».


"Administrer la mort, c'est le pouvoir suprême."

J'ai beaucoup apprécié cette biographie romancée de "Barbe-Bleue". Nous le découvrons d'abord enfant, froid, manquant déjà d'empathie et suivons son évolution jusqu'à son arrestation. Il appréciait les chevaux et la chasse, méprisant les femmes et les plus faibles.

"Au château, je me faufilais dans les caves. Dans l'une d'entre elles on faisandait le gibier ; j'enfouissais mon visage dans ces ventres de fourrure et de duvet que le sang collait et en inspirais à petites goulées les parfums violents. Je caressais les plumes froides, les corps raidis et les longues oreilles si douces des lièvres. J'ai gardé de ce temps le goût de l'obscurité, et celui de la chair morte."

Dans la seconde partie du récit, l'auteure prête voix à ses épouses successives, chacune apportant encore un peu plus d'horreur.

La plume de l'auteure donne habilement vie à cette atmosphère lourde qui s'épaissit d'avantage au fur et à mesure des pages. La magie des mots opère et nous transporte au coeur d'une fin du Moyen-âge des plus sombres.


#UneautobiographiedeBarbeBleue #NetGalleyFrance !

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Etonnante découverte que ce court roman consacré à la vie de Gilles de Rais, célèbre chevalier de la Guerre de Cent ans qui combattit auprès de Jeanne d'Arc, mais plus célèbre encore pour avoir inspiré à Charles Perrault le personnage horrifique de Barbe-Bleue. Un être aussi cruel, sadique, pervers, dénué d'humanité, peut-il exister dans la vraie vie? Les tueurs en série ne sont pas l'apanage d'une société moderne et décadente, loin de là, et cette autobiographie romancée de ce terrible seigneur, violeur, tueur de femmes et d'enfants, nous le rappelle à juste titre.

Cette autobiographie peut être divisée en deux parties, la première relate le point de vue de Gilles de Rais, d'une voix froide et dénuée d'émotion, qui tente d'expliquer ce qui l'a marqué durant son enfance pour qu'il devienne par la suite le personnage affreux que l'on connait. Né dans une famille assez fortuné d'Anjou, le garçon très rustre préférait la chasse et l'équitation aux cours que l'incitait à suivre sa mère. Parti tôt à la guerre, il aime asservir la population et ne tarde pas à commettre des actes abominables sur des enfants. Pour couper court aux rumeurs, il se marie mais chacune de ses épouses connaîtra une fin sordide. La seconde partie prête voix aux nombreuses épouses qui se sont succédées auprès du seigneur : souvent naïves, aspirant à une vie meilleure ou redoutant le mariage, les jeunes femmes sont vite méprisées et traitées comme des bêtes sous le joug de cet homme imposant qui tue sans hésiter quiconque lui résiste.

J'ai passé un bon moment de lecture avec ce livre que je n'attendais pas, découvert en libre accès sur la plateforme #Netgalley. le travail de l'auteure est conséquent : les recherches historiques et le souci d'un vocabulaire riche et éloquent contribuent à passionner le lecteur autour de ce personnage aussi répugnant que fascinant. Imaginer une époque où certaines personnes, dotées de pouvoir et d'argent pouvaient se permettre de commettre des crimes aussi horribles et ce durant de longues années avant d'être arrêtées, est véritablement terrifiant. Je vous conseille ce court roman (2 h 30 de lecture environ) qui mêle habilement fiction et faits historiques glaçants.
Lien : https://loeilnoir.wordpress...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ses yeux mi-clos me fixent, ses dents sont roses entre les lèvres mauves. Ses petits seins durs, son cou d’ivoire, figés.

Mon crâne se rompt. Des griffes de fer me déchirent. Une bête hurle, son cri vrille mes yeux. Des nuages aveuglants s'enroulent sur le ciel noir. Les fenêtres girent, les murs dégoulinent. Le sol mouvant, ma tête heurte le carreau.

L’ombre tordue de ma mère se couche sur moi, son souffle aigre dans ma barbe. Taisez-vous... Partez ! Vous m’étouffez, vous pesez autant que marbre…. Des robes de métal frotté bruissent, de longues chevelures à l’odeur de soie morte effleurent mes paupières.

Elles chuchotent. Elles ricassent et gémissent à mon oreille, leur haleine d’église fermée. Vous pouvez rire, vous n’êtes que poussière, toutes. Votre vie n’est qu’une poignée de sable dans ma main. Je suis le maître.

Où est la clef ? Où l’as-tu cachée, scélérate ?

Ses doigts livides sont crispés ainsi qu'une patte d'oiseau mort, il me faut les déplier un à un ; sa paume, une coupelle de lait froid, est nue.

(Incipit)
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J'ai transformé la pièce en garde-robes. Les vêtements y sont suspendus en bon ordre, on dirait une armée de femmes décapitées. Je me promène au milieu de ces fantômes, caresse les manches, les tailles vides. Comme j'accroche aux murs les têtes des cerfs et des sangliers, je garde les chevelures des femmes. Leur corps pourrit au tombeau, mais leurs cheveux sont vivants, je les hume et les caresse, les laisse couler entre mes doigts.
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Au château, je me faufilais dans les caves. Dans l'une d'entre elles on faisandait le gibier ; j'enfouissais mon visage dans ces ventres de fourrure et de duvet que le sang collait et en inspirais à petites goulées les parfums violents. Je caressais les plumes froides, les corps raidis et les longues oreilles si douces des lièvres. J'ai gardé de ce temps le goût de l'obscurité, et celui de la chair morte.
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Administrer la mort, c'est le pouvoir suprême.
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