Le radiateur d'appoint

Un radiateur héros d'un roman ? Et même un radiateur d'appoint ? Oui, oui Alex Lutz a choisi cet objet du quotidien pour nous faire connaître Françoise , Colette ,Xavier , Thibaut.....et nous faire avancer dans cette description d'un monde qu'on appelle moderne avec ces zones commerciales , ces restaurants qui ne font que de la restauration rapide et ces grands magasins où les employées ne sont que des numéros .

Tout ça donne un roman tellement agréable à lire , sensible
émouvant et même un peu amusant....

C'est l'histoire d'un radiateur, vous savez celui qu'on achète dans une grande surface de bricolage, quand d'un seul coup les températures chutent et qu'il fait froid dans la maison ou au bureau (et oui, la climatisation inversée est encore pas au point). Un radiateur qui n'a pas de mauvaises intentions, c'est juste un radiateur, made in quelque part, made in pas cher et made in avec des défauts, un radiateur vendu pour faire rentrer des sous dans la caisse et "vous n'avez qu'à lire toutes les explications", un radiateur chaleureux qui va provoquer un incendie, mettre en danger la vie d'une délicieuse vieille dame et provoquer des réactions en chaîne surprenantes ...
Alex Lutz m'épate : je me suis plongée dans ce livre pas convaincue du tout, même si j'aime un grand nombre de ses créations, son esprit, sa causticité et sa tendresse, et j'ai tout dévoré d'une traite. Vous me direz, il est pas long ce roman : OK, mais quand même.
Entre la parole du radiateur, celle du directeur du magasin de bricolage, Etienne Quarrar (beauf de première), de son sous-chef, Xavier Lepers, de Françoise Kimpernot, la dame âgée qui est perdue dans le monde actuel et de sa copine, Colette qui a toujours tout endossée sans rien dire, la jeune fille à la caisse, Alya, qui ne supporte plus la bêtise des individus (mais a un coeur grand comme ça), Thibault, le fils de Françoise (qui vit en Allemagne et trouve sa maman fatigante), Anouck, la créatrice de spectacle qui met le souk dans le magasin (elle a raison et ressemble à une prophétesse dans sa démarche), on pleure, on rit, on est ému. On a envie de faire des câlins à ceux qui souffrent, de taper sur les crétins et de mettre le feu, un feu purificateur, un feu libérateur qui éliminerait les profiteurs, les manipulateurs pour protéger ceux qui souffrent en silence.

Un titre à la Francis Ponge, un début qui y ressemble aussi d'ailleurs pour construire une histoire de société. Les travailleurs, les grandes surfaces anonymes, les parents délaissés, les mères qui joignent les deux bouts, les femmes torturées, les fils toujours trop pressés... Tous tentent de survivre dans une société de consumérisme à l'excès, où les dérives de l'anonymisation vont de paire avec celles de la masse. Alex Lutz y parle tour à tour d'espoirs, d'amour, d'indifférence, de résignation... A travers des personnages attachants qu'on pourrait rencontrer à n'importe quel coin de rue (ou de zone industrielle). Un radiateur d'appoint est le point de départ de plusieurs chemins qui finiront par se rencontrer : celui de Françoise, la maman adorable mais négligée par son fils, qui va tenter un jour de chercher un peu de chaleur. L'appareil est douteux, mais au magasin qui le vend, le message est clair : il faut écouler tout le stock. Tant pis pour le reste. Alex Lutz signe un roman sensible, et même un peu révoltant.

Lorsqu'un livre est terminé, je me pose toujours cette question : cette lecture mérite-t-elle de rester dans ma bibliothèque ou est-elle de passage, vite lue, vite oubliée ? Un livre doit me faire réfléchir, rire, pleurer, etc.

Un livre étonnant, nostalgique. On reconnaît la patte de Lutz !