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Critique de kielosa


Dresser le portrait de tous les grands collabos, qui se sont rangés d'une façon ou d'une autre du côté du Führer Adolf Hitler, lors de la Seconde Guerre mondiale, en à peine 225 pages et 14 chapitres fatalement brefs, me semble, même pour un historien sérieux, spécialiste de cette guerre, comme Daniel-Charles Luytens une entreprise hardie. le risque d'un résultat superficiel est énorme, d'autant plus que la psychologie spécifique des traîtres à leur patrie - et c'est exactement ce qu'ils ont été- est inévitablement compliquée.

Ainsi, la collaboration en France est résumée en 16 pages. Mission carrément impossible ! Même Wikipédia en nécessité plus pour en arriver à bout de Pétain, Laval, Déat, Deloncle, de Brinon etc. Sans parler des interactions entre Vichy et les Teutons comme l'ambassadeur Abetz et le général Oberg. Bref, un chapitre 9 particulièrement décevant.

Pareil ou presque pour le 10ème chapitre qui traite des nationalistes flamands entre 1939-1945, or qu'il y a eu évidemment des différences notoires entre eux, même dans le degré de collaboration. Non pas que je prendrais la défense d'un seul d'entre eux, étant personnellement farouchement contre tout mouvement ou parti politique qui se réclame de nationalisme. Celui-ci, comme l'histoire a, malheureusement, prouvé trop souvent, avoir été la source principale d'intolérance, de xénophobie et de violence.

Mais ce choix de "nous contre eux" se vend très bien aux élections, comme les dernières dans mon pays ont illustré en accordant une victoire au parti de la droite nationaliste du sieur Bart de Wever, qui, en préférant la mairie d'Anvers au poste de premier ministre (auquel il avait droit), dicte ses directives pour le pays, du confort et à l'abri de responsabilités, à partir de sa mairie ! Un peu comme si Marine le Pen aurait gagné de Macron, refusé la charge de la présidence (avec ses risques) pour influencer la politique française à partir de la mairie de Paris. Bien entendu, entre ces 2-là et les collabos de guerre il y a un monde, mais c'est justement dans les nuances qu'un ouvrage de vulgarisation risque, au lieu d'approfondir, de schématiser et simplifier inacceptablement les motivations et le rôle de ces politiciens.

L'unique voie pour rédiger une critique balancée de cette oeuvre serait de commenter ces collabos un à un, ce qui s'avère impraticable vu leur nombre. Car ils sont effectivement nombreux. Pour respecter l'approche de l'auteur, je les mentionne brièvement dans l'ordre de l'ouvrage en indiquant leur nom et pays : le roi Édouard VIII d'Angleterre, ; Amin al-Husseini, grand mufti de Jérusalem ; Viktor Arajs de Lettonie ; Ante Pavelitch, chef des Oustachis, de Croatie ; Vidkun Quisling de Norvège ; Anton Mussert des Pays-Bas ; Ioannis Rallis de Grece et le général Andreï Vlassov de Russie. À ces 8, Daniel-Charles Luytens ajoute donc un chapitre aux collabos flamands comme Jef van de Wiele et Staf de Clercq, un sur la Suisse "complice" et le rôle du Vatican et de son Mgr Alojzije, archevêque de Croatie. Plus les 16 pages de Vichy.

Trois surprises manifestes : pourquoi un chapitre sur Chaim Rumkowski, le chef du "Judenrat" (conseil des Juifs) du ghetto de Lodz en Pologne (11 pages) et pas un sur Léon Degrelle, le plus grand collabo de Wallonie, chef du mouvement Rex, qui est même allé combattre en uniforme de la Waffen SS sur le front de l'est et de qui Hitler aurait dit avoir rêvé d'avoir un fils comme lui ? Incompréhensible, surtout que la tronche du beau Léon figure en évidence sur la couverture ! Un autre triste sire qui manque à l'appel est l'Ukrainien Stepan Bandera, créateur de la Légion Ukrainienne de l'armée nazie, assassiné à Munich en 1959. Aujourd'hui ce "martyr" antisémite est devenu un héros national pour la droite à Kiev, tandis que ses admirateurs actuels sont considérés des "banderovtsi" par les Russes.

Je regrette pour Daniel-Charles Luytens, mais honnêtement je ne puis recommander son ouvrage, qui prouve que même pour un éminent historien, il est impossible de faire une analyse fondée en si peu de pages sur un sujet aussi vaste que controversé, sans tomber dans le piège du manque d'équilibre et parfois de la simplification outrancière.
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