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Catherine Renaud (Traducteur)
EAN : 9782925141389
256 pages
La Peuplade (08/09/2022)
3.25/5   65 notes
Résumé :
Strega est un village dans la montagne que borde un lac noir. Neuf femmes de dix-neuf ans empruntent le téléphérique qui rejoint l’Hôtel Olympic. Filles de mères travailleuses et de pères invisibles, elles ont été envoyées là par leurs parents pour apprendre à devenir des femmes au foyer, en se formant au service de clients qui ne viennent jamais. Le temps s’étire, une sororité résistante s’installe comme un rêve dans le luxe des salles vides. Liqueurs et cigarettes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
3,25

sur 65 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 36 °°°

« Je me contemplai dans le miroir. J'y reconnus une femme jeune, mais déchue. Je me penchai pour presser ma bouche contre le miroir. La buée se diffusa sur le verre comme de la vapeur dans une pièce où quelqu'un avait dormi aussi profondément qu'un mort. Derrière moi, la pièce se reflétait. Sur le lit se trouvaient des épingles à cheveux, des somnifères et des culottes de coton. Sur le drap, il y avait des taches de lait et de sang. Je pensai : si quelqu'un prenait une photo de ce lit, toute personne sensée se dirait qu'il s'agir de la reconstitution du meurtre d'une petite fille où d'un enlèvement particulièrement brutal. Je savais que la vie d'une femme pouvait se transformer à tout moment en scène de crime. Je n'avais pas encore compris que je vivais déjà dans cette scène de crime, que la scène de crime n'était pas le lit mais mon corps, que le crime avait déjà eu lieu. »

Ce sont les premières phrases de cet étrange roman aux allures de conte inquiétant. La narratrice Rafaela s'apprête à quitter sa famille pour venir travailler dans un immense hôtel isolé du Nord de l'Italie, aux allures de sanatorium d'un film d'horreur ou du moins d'une époque révolue. Sous la houlette de trois austères matrones, elle apprend avec huit autres jeunes filles de dix-neuf ans à cuisiner, nettoyer, repasser, plier sans qu'aucun client ne vienne occuper les nombreuses chambres disponibles.

« Je les appelais chambres fantômes, pas parce qu'elles étaient hantées, mais parce que ces chambres, qui ne recevaient jamais la visite de personnes, se mettaient tout simplement à attirer le mal. Ces chambres portaient toutes une odeur désagréable qui ne semblait pas avoir de source. Elles sentaient la viande crue et la moisissure rouge, comme si elles étaient détruites de l'intérieur, comme si elles aspiraient l'eau putride d'un endroit caché sous la bâtisse. »

Strega ( « sorcière en italien ) est un roman atmosphérique qui distille un poison à action lente et un malaise insaisissable, hypnotisant le lecteur dans une rêverie gothique matinée de références cinématographiques ( Virgin suicides, Suspiria, Melancholia entre autres ). L'écriture incantatoire de Johanne Lykke Holm est de grande qualité, faisant naître des images horriblement belles, souvent surréelles. Elle crée des paysages intérieurs puissants qui mobilisent tous les sens ( surtout le sixième ) d'un lecteur troublé et vacillant, toujours à l'affût des perceptions et sensations ainsi convoqués.

L'expérience littéraire est incontestablement forte mais je n'y ai pas adhéré. Surtout je n'ai pas tout compris. Parfois, cela ne me dérange pas de me laisser porter par un récit sibyllin, cette fois, oui. Derrière le conte à l'esthétique empreinte d'une poésie ténébreuse, se cache un manifeste féministe. Rafaela et ses compagnes doivent lutter contre un destin prédéterminé par un patriarcat diffus. Elles héritent d'une société où on leur dicte ce qu'elles sont censées attendre du monde, devant se soumettre à une violence masculine qu'elles devront endurer sans moufter. La sororité sera leur échappatoire. le problème de cette lecture est le symbolisme omniprésent derrière des phrases souvent alambiquées, sursaturées de métaphores. Cette intense surexplication de tout a achevé de m'épuiser, rendant les 50 dernières pages ( d'un récit plutôt court ) fastidieuses.
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Strega est un roman envoûtant par son atmosphère étrange, mélange subtil de réalité et de rêves qui brouillent nos perceptions. Les métaphores sont très belles et la narration à l'imparfait et au passé simple intensifie le plaisir de lecture par la richesse de la langue.

L'Hôtel Olympic dresse ses murs dans un autre monde, gothique et sombre comme s'il n'existait pas vraiment. Les jeunes filles pensionnaires à l'inverse du bâtiment lugubre qui les accueille aiment la vie. Elles sont censées apprendre les bonnes manières et les tâches ménagères dans cet hôtel qui est un personnage à part entière.
« les jours passaient, aucun client ne venait », cette phrase sonne comme un mantra obsédant et inquiétant.
J'ai été totalement subjuguée par le talent de faire entrer l'onirisme dans la violence sous-jacente, menaçante pour ces jeunes filles comme dans les romans de l'autrice japonaise Yoko Ogawa.
Strega de l'autrice suédoise Johanne Lykke Holm traduite par Catherine Renaud est incontestablement une réussite nordique dans cet univers là.

Je remercie Babelio et les éditions "La Peuplade" pour la découverte de ce roman.
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Rendez-vous manqué.

Lire, c'est aussi apprendre peu à peu à mieux définir ce que l'on n'aime pas. Un peu comme une sorte de perpétuelle et infinie éducation, qui se nourrirait - aussi - dans le temps de nos déceptions.

Et c'est ce qui m'est à nouveau arrivé avec Strega de Johanne Lykke Holm, traduite par Catherine Renaud, que je referme avec le sentiment d'avoir traversé ce livre en spectateur-usurpateur.

Spectateur de l'histoire de ces neuf jeunes femmes, Bambi, Gaia, Alexa, Alba, Paula, Cassie, Lorca, Barbara et Rafa, venues dans cet hôtel Olympic de Strega, au coeur des montagnes, apprendre le métier d'employée d'hôtellerie dans un établissement sans clients, où l'on fait et défait sans but ni sens à longueur de journées.

Usurpateur, car un peu embêté d'être entré dans ce livre d'atmosphère et d'ambiance, un brin suranné, assez contemplatif et souvent poétique, sans jamais m'être laissé emporté par celle-ci alors que c'est sur cette atmosphère que repose le livre.

Il ne se passe pas grand-chose dans Strega car l'essentiel n'est pas dans l'action mais dans la façon dont cette expérience hotellière et cette ambiance fantasmagorique vont transformer ces jeunes filles, au premier rang desquelles Rafa et Alba.

C'est pour moi trop suggéré, évanescent et peut-être subtil pour m'y intégrer.

Et sans lui enlever aucune de ses indéniables qualités de style notamment, ce livre aura très utilement complété ma connaissance de ce que je dois éviter.
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Atmosphère étrange, glauque, dans ce premier roman étonnant.

Une jeune femme répond à une invitation d'aller travailler dans un hôtel dans la montagne. Avec un nom comme Strega, on imagine l'Italie, mais aucune référence à des lieux ou des temps réels.

Elles sont tout un groupe de jeunes femmes à converger vers cet hôtel où on doit leur apprendre le métier de femme au foyer. Elles travaillent du matin au soir, mais il ne semble pas y avoir de clients. Elles servent et desservent les tables, font et refont des lits dans lesquels personne n'a dormi, c'est tout à fait bizarre.

Des amitiés se nouent et, après une fête où l'hôtel reçoit finalement de vrais clients, une des filles disparait, un mystère qui s'ajoute…

Étrange… On bascule parfois les pensées ou dans le rêve. On n'est pas très loin du fantastique, tout en étant dans le quotidien des opérations de l'hôtel et des amitiés entre les filles.

Un roman pour sortir le lecteur de sa zone de confort.
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"Streda était une veilleuse qui éclairait la chose la plus laide du monde. Streda était une femme assassinée, et ses effets personnels. Sa valise, ses cheveux, ses boîtes de réglisse et de chocolat."

Un hôtel, des odeurs, la mer, un ballon, le soleil, des photos, un savon bleu, un rouge à lèvres, du papier, des répétitions, un escalier, une pierre de lune, une rue, le bar laitier, une gare, des montagnes, une horloge, un village... Faire ce qu'on lui a demandé de faire, avoir les mains qui tremblent, s'avancer dans l'obscurité, être réunies au centre de la pièce, respirer profondément, des règles à respecter, être des travailleuses saisonnières... Un dortoir, un uniforme, un registre, se raconter, des jeunes femmes, se préparer à une certaine vie, de la monotonie, de l'apprentissage, de la tristesse, de la lecture, un prieuré, se trouver, le contrôle, la punition, des nonnes, des rêves, des rires, des chambres fantômes, un dur labeur, une pièce de théâtre, un doux silence, des instructions, une lumière intense, un cercueil...

Je vous remercie vraiment lecteurs.com (pour les amoureux et les amoureuses des livres) et les Éditions de la peuplade (des livres phares depuis 2006) pour ce roman à l'atmosphère étrange, irréelle, pesante et secrète.

Le style de l'auteure est intime et intense, entre lumières et ombres.

"Une personne jeune et seule en route sur le chemin de la vie."

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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Une écolière morte sort des profondeurs. Ses cheveux flottent autour de sa tête d'une belle façon. Et après elle, il en arrive plusieurs autres. Une après l'autre, elles ont remonté à la surface, toutes les filles disparues du monde, des centaines, des milliers. Certaines en voile de nonne, d'autres en uniforme. Elles tendent les mains vers le ciel ---
--
Fille assassinée dans les montagnes parmi d'autres filles.
Fille assassinée sur la plage, du sable dans les mains.
Fille assassinée près de l'usine, de la fumée chimique, au coucher du soleil.
Fille assassinée sous ses propres draps.
Fille assassinée, pas encore identifiée.
Fille assassinée, églantine à la bouche.
Fille assassinée sur le chemin du retour chez elle.
Fille assassinée, un tatouage sur son oeil gauche.
Fille assassinée, jamais enterrée.
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Plus tard, j'appris que Strega était un cabinet d'horreurs, où tout s'était figé dans une forme désagréable. J'appris que Strega était des forêts profondes dans une lumière rouge. Strega était des filles qui se tressaient les cheveux les unes les autres d'une façon particulière.
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Nous la sortîmes du bassin et allâmes au
jardin des simples, car c'était notre temple. C'était là que nous portions nos victimes. C'était là que nous célébrions nos rituels. Nous avions planté du basilic et de la verveine, des plantes sacrées. Nous éloignions les nuisibles avec de la menthe.
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Quand je pense que nous aurions pu passer une vie entière sans nous rencontrer, un poids me traverse, quelque chose à la fois de terrible et d'excitant. Imagine-toi, quelle triste vie. On aurait aussi bien pu naître pierre. Une pierre volcanique qui se referme sur elle-même comme dans la mort.
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J’avais toujours pensé que je ferais un beau cadavre.

(La Peuplade, p.181)
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Video de Johanne Lykke Holm (1) Voir plusAjouter une vidéo
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