L'avenir, c'est l'explosion toujours plus exponentielle des loyers. L'avenir, c'est encore plus de copropriétés, encore plus de logements de luxe achetés par des sociétés-écrans de la riche élite mondiale. L'avenir, c'est encore plus de magasins Whole Foods, d'allées de fruits en morceaux conditionnés dans des boîtes en plastique au rayon frais. L'avenir, c'est encore plus d'Urban Outfitters, plus de Sephora, plus de Chipotle. L'avenir veut seulement plus de consommateurs. L'avenir, c'est encore plus de nouveaux diplômés et de touristes fraîchement débarqués dans une vaine quête d'authenticité.
Si tu te réveilles dans un monde fictif, ta seule grille de lecture est la fiction.
Nos yeux sont devenus myopes de nostalgie à force de fixer nos écrans d'ordinateur. Car être sur Internet équivaut à vivre dans le passé. Et même si nous pouvons convenir qu'il a de nombreux usages, l'un de ses effets secondaires majeurs est que, tous, nous vivons trop dans le passé.
Le premier endroit où l'on vit seul, loin de sa famille, avait-il dit, est le premier endroit où l'on devient quelqu'un, le premier endroit où l'on devient soi-même.
Vivre dans une ville, c'est participer à ses systèmes inconcevables et les propager. C'est se réveiller. Aller travailler le matin. C'est aussi prendre plaisir à ces systèmes, car sinon, qui pourrait répéter ces mêmes routines, année après année ?
Le temps libre - le problème de la condition moderne était le manque de temps libre. Et au bout du compte, il fallait être une force de la nature pour interrompre la routine quotidienne. Nous voulions simplement appuyer sur le bouton réinitialisation. Nous voulions simplement sentir que nous avions plein de temps pour faire des choses sans valeur quantifiable, nos prometteuses activités secondaires comme écrire ou dessiner - autre chose que ce que nous faisions pour de l'argent.
Les souvenirs en engendrent d'autres. La fièvre de Shen étant une maladie de la mémoire, les enfiévrés sont piégés indéfiniment dans leurs souvenirs. Mais qu'est-ce qui nous distingue des enfiévrés ? Parce que moi aussi je me souviens, je me souviens même parfaitement. Mes souvenirs se répètent dans ma tête spontanément. Et nos journées, comme les leurs, continuent en une boucle infinie.
J’ai toujours vécu dans le mythe de New York plus que dans sa réalité. C’est ce qui m’avait permis d’y vivre aussi longtemps, le fait d’adorer l’idée plus que la chose elle-même.
De son lointain poste d’observation, le seul indice qui lui permettait de deviner que je n’étais pas enfiévrée était le masque que je portais. Et même si les gardes Sentinel ne les utilisaient pas (étant donné l’ampleur de l’épidémie, nous avions commencé à comprendre que les masques ne permettaient pas de prévenir la contagion), en porter un signifiait quelque chose. C’était un raccourci visuel pour dire que j’avais toute ma conscience, que je savais faire la différence. Ainsi, je mettais toujours un masque à l’extérieur pour m’identifier comme non enfiévrée.
À ce stade, on parle de foyers de contamination, pas d'une épidémie.