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EAN : 9782246772712
528 pages
Grasset (05/09/2012)
4.22/5   1262 notes
Résumé :
Cela fait vingt-cinq ans qu’Adam n’est pas retourné dans son pays natal. Vingt-cinq ans qu’il vit à Paris, où il est un historien reconnu.

Une nuit, il est réveillé par la sonnerie du téléphone. L’appel vient du pays où il est né et où il a grandi. L’un de ses plus proches amis de jeunesse est à l’agonie. Il s’appelle Mourad, et avant de mourir, il voudrait revoir Adam, avec lequel il est brouillé depuis toutes ces années.

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Critiques, Analyses et Avis (155) Voir plus Ajouter une critique
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Coup de coeur !!!
Qui sont les désorientés ? Certainement ceux qui ont perdu leur Orient. Magnifique jeu de mots d'Amin Malouf.
Un groupe d'amis va se retrouver après 25 ans d'éloignement, pour évoquer la mémoire d'un des leurs qui vient de mourir, mais aussi pour évoquer leurs souvenirs communs et parler de leur parcours. Certains ont quitté leur pays et fui la guerre, d'autres sont restés, d'autres ont pris les armes ou sont entrés en religion.

C'est un très beau récit que nous offre l'auteur, un récit choral où les différents personnages sont mis en lumière en alternance avec le journal intime d'Adam, le narrateur. C'est donc à la fois une histoire contée à la troisième personne et à la première personne : un jeu de ping pong entre ce que croit savoir Adam et la réalité des parcours de ses amis.
Grâce à cette diversité de caractères, Amin Malouf ne nous impose rien. Il diversifie les opinions et notre regard. Il nous apprend à vivre l'histoire du Liban et à ressentir les évènements de l'intérieur et de l'extérieur. Il nourrit notre réflexion sur de nombreux sujets : la guerre, l'exil, l'amitié, l'amour, la religion, le rapport Juifs et Arabes, celui de l'Orient et l'Occident…

C'est brillant, subtil, enrichissant.

Remarque supplémentaire : Dans ce roman, Amin Malouf ne cite jamais le Liban. Ici, il le nomme le Levant. Sans doute par pudeur (ne pas parler de soi) et pour occulter la douleur (quitter sa terre natale).

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Adam vit à Paris et se sent parfaitement intégré dans son pays d'adoption. Il retourne dans son pays d'origine à la demande de Mourad le plus âgé de ses amis qui y est resté et veut le revoir avant de mourir. 
Le départ d'Adam en 1976 les avait éloignés mais c'est le comportement trouble de Mourad durant la guerre qui les a définitivement coupés l'un de l'autre en le blessant profondément.
Adam n'est pas retourné dans son pays depuis son départ quand il reçoit cet appel téléphonique qui va l'entraîner, pendant seize jours, du 20 avril au 5 mai 2001, à confronter au présent le souvenir des liens lumineux des idéaux de sa jeunesse étudiante, vécue avec enthousiasme, en compagnie d'une bande d'amis qui désiraient ensemble mettre à exécution leurs généreux projets d'avenir.

«Nous nous proclamions voltairiens, camusiens, sartriens, nietzschéens ou surréalistes, nous sommes redevenus chrétiens, musulmans ou juifs, suivant des dénominations précises, un martyrologue abondant, et les pieuses détestations qui vont avec.»

A la demande de Tania la veuve de Mourad, Adam va renouer avec les amis dispersés et les survivants restés au pays pour les inviter à se retrouver et tenter une réconciliation autour du souvenir du disparu. 
Tous désirent ces retrouvailles mais savent que ce qui les réunissait, leur monde a disparu. Une faille s'est créée entre ceux qui sont restés et ceux qui sont partis, un malaise difficile à dissiper.
Quelques beaux moments émouvants où renaît passagèrement leur joie de vivre ancienne, quand ils revisitent les lieux et les souvenirs de leur enfance et de leur adolescence, leur donnent l'illusion passagère de pouvoir renouer mais ils sont obligés de constatés que leur idéal est bien mort. Les années ont passées et la guerre s'est chargée de tuer dans l'oeuf l'avenir qu'ils espéraient, qui était en gestation en chacun d'eux.

«...la guerre est passée par là. Aucune maison ni aucune réminiscence n'est restée indemne. Tout s'est corrompu --- l'amitié, l'amour, le dévouement, la parenté, la foi, comme la fidélité. Et aussi la mort. Oui, aujourd'hui, la mort elle-même me semble souillée, dénaturée."


Les femmes qui traversent ce livre Dolorès la compagne d'Adam, Sémiramis son amour de jeunesse retrouvée qui lui offre l'hospitalité de son auberge et une belle parenthèse amoureuse, Tania la femme de Mourad.... occupent une grande place et savent préserver malgré leur déceptions, leurs regrets ou leur amertume la générosité et la chaleur de la vie.

Amine Maalouf ne nomme pas le pays où se déroule son roman comme il évite de parler directement des guerres qui l'ont ravagé si ce n'est à travers les retentissements qu'elles ont eu dans la vie des différents amis d'Adam.
 C'est sans doute le premier livre où Amin Maalouf offre le plus de lui-même mais c'est aussi à mes yeux, son livre le plus sombre où filtre une rage contenue face à ce qui aurait pu être, le développement d'une civilisation levantine, qui semble se déliter et disparaître désormais.
J'ai écouté la video de l'entretien passionnant de Amin Maalouf sur France Culture qui est joint à la présentation du livre sur Babelio après avoir achever sa lecture et je conseille de ne pas le faire avant pour que ce livre garde toute sa saveur et afin de préserver l'envie de le découvrir.


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Trente-cinq ans après l'avoir quitté précipitamment, Amin Maalouf ne peut toujours pas se résoudre à écrire le nom de son pays natal. Il a en lui un amour intact pour le Liban, une souffrance toujours vive et une grande nostalgie pour sa jeunesse dont il n'avait peut-être jamais aussi bien parlé que dans ce roman.

C'était les années 1970 dans un des plus beaux pays du monde, la perle de l'Orient. Ils avaient 20 ans et formaient une bande, surnommée "le club des Byzantins". Ils étaient juifs, chrétiens, musulmans et surtout, ils étaient inséparables et s'étaient promis une amitié éternelle en voulant croire en un monde meilleur. Et puis la guerre avait éclaté. Les amis s'étaient perdus de vue, chacun suivant sa voie, taisant les souffrances de l'exil pour certains et celles du doute et des rancoeurs pour tous. Après des décennies d'absence, Adam, historien vivant depuis longtemps en France, revient sur la terre de ses origines. C'est l'appel de Mourad, à l'agonie mais avec lequel il est brouillé, qui le décide à faire le voyage. Adam arrivera trop tard, mais son voyage deviendra l'occasion pour lui de renouer les liens à ses racines, et surtout aux hommes et aux femmes auxquels il fut le plus attaché, quand ils étaient tous étudiants. Il tentera de les réunir de nouveau.
Certains sont restés, d'autres sont partis comme lui loin de ce qui fait souffrir (ou vers ce qui fait rêver ?). Cependant, qu'ont-ils encore en commun ces quinquagénaires aux parcours si différents ? À l'heure des bilans naissent les confidences, ressurgissent les souvenirs et cette terrible question : fallait-il rester ou ont-ils eu raison de partir ?

Amin Maalouf prend le parti d'un découpage quotidien, seize journées où se mêlent les événements que traverse le narrateur, ses échanges avec les amis perdus de vue et les notes qu'il en retient sur un carnet.
Une construction en finesse, sans pause, qui maintient le lecteur en équilibre.
 Un roman, qui au fil des retrouvailles entre les protagonistes, aborde avec intelligence la mémoire, le chaos, la foi, l'argent, les pouvoirs, l'honnêteté, les trahisons, les amitiés, l'amour, les religions, les origines, la fidélité, la sensualité, la maturité, et tout ce qui peut construire un être humain et un peuple au travers de ces trente dernières années.

Un superbe roman, intimiste, dense, émouvant qui suscite bien des réflexions et qui devrait parler à tout le monde.
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J'ai perdu mon Orient...
Voilà qui résume bien le bouquin et jette un coup de projecteur au titre, "Les Désorientés".
Quand avons-nous perdu la direction se demande l'auteur ?

Mais le monde a-t-il jamais suivi une direction ? le chaos et la fureur ne résument-ils pas à eux-seuls la façon dont le chemin s'est tracé à travers les siècles ?

L'histoire se passe au Liban même si Amin Maalouf ne le cite jamais, lui préférant le terme de Levant. Mais l'histoire aurait pu se passer ailleurs, nous souffle l'écrivain.
Les bonheurs, rires, déchirements et déceptions étant apatrides.

On s'était dit rendez-vous dans 25 ans...
Portrait de la génération soixante-huitarde libanaise, éprise de liberté, d'envies, de passions, d'espoir. Une parenthèse enchantée où tout semblait possible. Les probables changements, les promesses de jours meilleurs, les révolutions pacifiques... Et qu'en est-il maintenant ?
Tant de gâchis et de renoncements...

Il ne faut pas que je vous donne l'impression que ce livre est triste et pessimiste. Ce livre ne l'est pas, toujours teinté d'ironie salvatrice et de regards optimistes sur les individus. Même les plus discutables. Partant du principe que chacun a du bon en lui.
Et c'est une magnifique galerie de personnages que nous croque l'auteur. Masculin ou féminin, chacun apporte au livre sa touche personnelle et ses couleurs.

Empreints d'humanisme et de pétillance les écrits d'Amin Maalouf, il permet à chacun d'y projeter sa vie, ses pensées, ses espérances, de s'y glisser avec délectation.

Tellement de sagesse, de profondeur et de pertinence dans les réflexions et les mots choisis.
Il faudrait que ce livre soit lu dans toutes les écoles du monde, à minima dans celles des 3 religions à Dieu unique.
L'apaisement donné pourrait y faire des miracles. D'autant que l'auteur n'épargne pas non plus son personnage principal, Adam, qui ne détient pas toutes les vérités, ne les imposent pas et se conduit, lui aussi, de façon totalement imparfaite. Ce qui rend le bouquin crédible et attachant.

D'après Amin Maalouf, le XXIe siècle sera celui de la régression. Morale notamment. Ces 14 dernières années lui donnent-elles tort ? 4/5
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Le passé ne nous quitte jamais.
Adam, historien, est, de par sa profession, fervent du passé très lointain et non de ses origines ; pourtant lors du décès de l'un de ses amis d'enfance, Mourad, il va été contraint de s'y « replonger ».
Il va même « tenter » de réunir « ses » amis pourtant éparpillés de par le monde.
Les déchirements d'un pays (non nommé) par les religions.
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critiques presse (4)
Lexpress
08 novembre 2012
La grande vertu de ce beau roman est de donner à la guerre une fibre humaine, de découdre le tapis libanais pour en démonter les noeuds et en détacher les fils. Oeuvre douloureuse, où des fragments de douceur de vivre se mêlent à une amertume infinie.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
27 septembre 2012
On pourrait prendre ce roman émouvant, très personnel, pour un récit autobiographique mais l'imagination de l'écrivain a joué à fond [...]. Un livre très attachant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeSoir
10 septembre 2012
Plein d'émotion et d'Histoire, ce roman magnifique tient en haleine de bout en bout. Son choix d'alterner narrations à la première et à la troisième personnes le rythme subtilement.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaLibreBelgique
04 septembre 2012
Le roman d’Amin Maalouf, l’un de ses tout meilleurs, soyons-en d’emblée certain, prend un tour sensuel et voluptueux qui rend une fois encore tous ses parfums à un Orient merveilleux.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (431) Voir plus Ajouter une citation
Pour moi les miracles ne sont rien et les paraboles sont surfaites. La grandeur du christianisme, c’est qu’il vénère un homme faible, bafoué, persécuté, supplicié, qui a refusé de lapider la femme adultère, qui a fait l’éloge du Samaritain hérétique, et qui n’était pas tout à fait sur de la miséricorde du Ciel.
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J'ai précieusement conservé ces lettres, mais je n'ai pas le souvenir d'y avoir répondu.

S'il était compliqué, à l'époque, de recevoir le courrier du pays, il était bien plus hasardeux encore de l'y faire parvenir. La poste ayant cessé de fonctionner, il fallait recourir aux services d'un voyageur, afin qu'il le transmette de la main à la main. Une mission qui pouvait se révéler périlleuse. Le porteur devait parfois se rendre dans une zone de combats ; et s'il ne voulait pas courir de risques, et qu'il demandait au destinataire de venir chercher son enveloppe lui-même, c'est ce dernier qui se trouvait en danger de mort.

Pour cette raison, on n'écrivait plus à ceux qui étaient restés. On leur téléphonait. Ou, tout au moins, on essayait. Neuf fois sur dix, sans résultat, mais quelquefois, l'appel passait. On se dépêchait alors de dire l'essentiel dès les premières secondes, parce que la ligne pouvait soudain redevenir muette. On se rassurait donc sur la santé des proches ; on notait quelques demandes urgentes - en priorité, les médicaments qu'on ne trouvait plus sur place ; on se disait un mot des lettres qu'on avait reçues, ou qu'on avait envoyées ; on mentionnait les proches qui étaient partis, ou qui s'apprêtaient à partir. Ensuite, si les Parques du téléphone se montraient clémentes et que la ligne n'était pas coupée, on se payait le luxe de parler d'autre chose.

Mourad prétendait que, dans l'une de nos conversations, je lui aurais dit, pour répondre à ses reproches : « Moi je ne suis allé nulle part, c'est le pays qui est parti. » Peut-être bien que je l'ai dit. À l'époque, je le disais parfois, la formule me plaisait. Mais ce n'était qu'une boutade. Bien sûr que c'est moi qui suis parti. J'ai pris la décision de partir comme j'aurais pu prendre la décision de rester.

Tout homme a le droit de partir, c'est son pays qui doit le persuader de rester - quoi qu'en disent les politiques grandiloquents.

Ce qui ne veut pas dire que ce soit ma faute, si faute il y a. Tout homme a le droit de partir, c'est son pays qui doit le persuader de rester - quoi qu'en disent les politiques grandiloquents. « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour ton pays. » Facile à dire quand tu es milliardaire, et que tu viens d'être élu, à quarante-trois ans, président des États-Unis d'Amérique ! Mais lorsque, dans ton pays, tu ne peux ni travailler, ni te soigner, ni te loger, ni t'instruire, ni voter librement, ni exprimer ton opinion, ni même circuler dans les rues à ta guise, que vaut l'adage de John F. Kennedy ? Pas grand-chose !

C'est d'abord à ton pays de tenir, envers toi, un certain nombre d'engagements. Que tu y sois considéré comme un citoyen à part entière, que tu n'y subisses ni oppression, ni discrimination, ni privations indues. Ton pays et ses dirigeants ont l'obligation de t'assurer cela ; sinon, tu ne leur dois rien. Ni attachement au sol ni salut au drapeau. Le pays où tu peux vivre la tête haute, tu lui donnes tout, tu lui sacrifies tout, même ta propre vie ; celui où tu dois vivre la tête basse, tu ne lui donnes rien. Qu'il s'agisse de ton pays d'accueil ou de ton pays d'origine. La magnanimité appelle la magnanimité, l'indifférence appelle l'indifférence, et le mépris appelle le mépris. Telle est la charte des êtres libres et, pour ma part, je n'en reconnais aucune autre.

C'est donc moi qui suis parti, de mon plein gré ou presque. Mais je n'avais pas tort en disant à Mourad que le pays était parti, lui aussi, beaucoup plus loin que moi. À Paris, je ne suis, après tout, qu'à cinq heures d'avion de ma ville natale. Ce que j'ai fait avant-hier, j'aurais pu le faire n'importe quel jour au cours des dernières années : prendre, au matin, la décision de revenir au pays, et me retrouver ici le soir même. L'ancien appartement de ma grand-mère a longtemps été à ma disposition, je m'y serais réinstallé, je n'en serais plus reparti. Ni le lendemain, ni le mois suivant, ni même l'année suivante.

Pourquoi n'ai-je jamais sauté le pas ? Parce que le paysage de mon enfance s'est transformé ? Non, ce n'est pas cela, pas du tout. Que le monde d'hier s'estompe est dans l'ordre des choses. Que l'on éprouve à son endroit une certaine nostalgie est également dans l'ordre des choses. De la disparition du passé, on se console facilement ; c'est de la disparition de l'avenir qu'on ne se remet pas. Le pays dont l'absence m'attriste et m'obsède, ce n'est pas celui que j'ai connu dans ma jeunesse, c'est celui dont j'ai rêvé, et qui n'a jamais pu voir le jour.

De la disparition du passé, on se console facilement ; c'est de la disparition de l'avenir qu'on ne se remet pas.

On ne cesse de me répéter que notre Levant est ainsi, qu'il ne changera pas, qu'il y aura toujours des factions, des passe-droits, des dessous-de-table, du népotisme obscène, et que nous n'avons pas d'autre choix que de faire avec. Comme je refuse tout cela, on me taxe d'orgueil et même d'intolérance. Est-ce de l'orgueil que de vouloir que son pays devienne moins archaïque, moins corrompu et moins violent ? Est-ce de l'orgueil ou de l'intolérance que de ne pas vouloir se contenter d'une démocratie approximative et d'une paix civile intermittente ? Si c'est le cas, je revendique mon péché d'orgueil et je maudis leur vertueuse résignation.

Mais ce matin, chez Sémi, je redécouvre la joie charnelle de me sentir sur ma terre natale.

J'écris ces derniers mots comme si j'avais besoin de les réapprendre. Ma terre natale. Mon pays. Ma patrie. Je n'ignore rien de ses travers, mais en ces journées de retrouvailles, je n'ai pas envie de me rappeler sans arrêt que j'y suis seulement de passage, et que j'ai dans la poche mon billet d'avion pour le retour. J'ai besoin de croire que j'y réside pour une période indéterminée, que mon horizon n'est pas encombré de dates ni de contraintes, et que je demeurerai dans cette chambre, dans cette pension de montagne, tout le temps qu'il faudra.

Je sais qu'un moment viendra - dans deux jours, dans deux semaines, dans deux mois - où je me sentirai de nouveau poussé vers la sortie ; soit par le comportement des autres, soit par mes propres impatiences. Pour l'heure, cependant, je m'interdis d'y penser. Je vis, je respire, je me souviens.


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Tout homme a le droit de partir, c'est son pays qui doit le persuader de rester - quoi qu'en disent les politiques grandiloquents. "Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour ton pays". Facile à dire quand tu es milliardaire, et que tu viens d'être élu, à 43 ans, président des Etats-Unis d'Amérique! Mais lorsque, dans ton pays, tu ne peux ni travailler, ni te soigner, ni te loger, ni t'instruire, ni voter librement, ni exprimer ton opinion, ni même circuler dans les rues à ta guise, que vaut l'adage de John F. Kennedy? Pas grand-chose! C'est d'abord à ton pays de tenir, envers toi, un certain nombre d'engagements. Que tu y sois considéré comme un citoyen à part entière, que tu n'y subisses ni oppression, ni discrimination, ni privations indues. Ton pays et ses dirigeants ont l'obligation de t'assurer cela; sinon, tu ne leur dois rien. Ni attachement au sol, ni salut au drapeau. Le pays où tu peux vivre la tête haute, tu lui donnes tout, tu lui sacrifies tout, même ta propre vie; celui où tu dois vivre le tête basse, tu ne lui donnes rien. Qu'il s'agisse de ton pays d'accueil ou de ton pays d'origine. La magnanimité appelle la magnanimité, l'indifférence appelle l'indifférence, et le mépris appelle le mépris. Telle est la charte des êtres libres et, pour ma part, je n'en reconnais aucune autre.
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On parle souvent de l’enchantement des livres. On ne dit pas assez qu’il est double. Il y a l’enchantement de les lire, et il y a celui d’en parler. Tout le charme d’un Borges, c’est qu’on lit les histoires contées tout en rêvant d’autres livres encore, inventés, rêvés, fantasmagoriques. Et l’on a, l’espace de quelques pages, les deux enchantements à la fois.
(...) Tu es avec une étrangère, elle te demande ce que tu es en train de lire, ou bien c’est toi qui le lui demandes, et si vous appartenez l’un et l’autre à l’univers de ceux qui lisent, vous êtes déjà sur le point d’entrer, la main dans la main, dans un paradis partagé. Un livre appelant l’autre, vous connaîtrez ensemble des exploits, des émotions, des idées, des styles, des espérances.
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Je ne juge pas? Si, je juge, je passe mon temps à juger. Ils m'irritent profondément ceux qui vous demandent, les yeux faussement horrifiés : "Ne seriez-vous pas en train de me juger?" Si, bien sûr, je vous juge, je n'arrête pas de vous juger. Tout être doté d'une conscience à l'obligation de juger. Mais les sentences que je prononce n'affectent pas l'existence des "prévenus". J'accorde mon estime ou je la retire, je dose mon affabilité, je suspends mon amitié en attendant un complément de preuves, je m'éloigne, je me rapproche, je me détourne, j'accorde un sursis, je passe l'éponge -ou je fais semblant. La plupart des intéressés ne s'en rendent même pas compte. Je ne communique pas mes jugements, je ne suis pas un donneur de leçons, l'observation du monde ne suscite chez moi qu'un dialogue intérieur, un interminable dialogue avec moi-même.
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