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3,6

sur 208 notes
"Les Cigognes sont immortelles", dans ce livre largement autobiographique , Alain Mabanckou glisse dans la peau de
Michel , un jeune garçon d 'une douzaine d 'années qui se raconte et raconte son pays .Le cadre du récit est la ville de Pointe-Noire et là on remarque l 'hommage que rend le romancier a sa chère ville natale .Les Cigognes sont immortelles est un récit qui décrit les trois jours : le samedi 19 mars 1977 , le dimanche 20 mars 1977 et le 21 mars 1977 c 'est durant cette période que fut assassiné le Président Marien Ngouabi par ses frères d 'armes .Suite à ce putsch , la violence s 'installe dans le pays et le chasse aux sorcières peut commencer : les Nordistes s 'en prennent aux Sudistes .Les tensions s'exacerbent entre les différentes ethnies et les différentes communautés .C est l 'occasion pour l 'auteur d 'évoquer avec force les ravages causés par le colonialisme et le néocolonialisme .Il s 'en prend aux élites africaines qui ont géré de façon catastrophique l 'indépendance du pays et leur faillite totale dans la gestion où tous les biens du pays
sont aux mains d 'une minorité et de l 'ancienne puissance qui a fait main basse sur toutes les ressources
du pays .Sur ce point de la colonisation , la gestion des indépendances , Alain Mabanckou partage la même vision qu 'un autre grand écrivain africain : Ahmadou Kourouma
( voir le roman : les Soleils des Indépendances ) .
Donc tout est évoqué par l 'enfant Michel qui est certes un
enfante rêveur qui décrit bien tout ce qui est autour de lui
Il nous parle de sa vie familiale avec Maman Pauline et Papa Roger .Il nous narre comment ils traversent ces graves événements . C 'est la vie intime , de l 'individu et de sa famille qui s 'entremêlent absolument à la vie politique , deux échelles qui s 'entrechoquent aussi éloignées qu'elles paraissent l 'une de l 'autre . Avec ce beau roman , Alain Mabanckou ,met en lumière une partie des ravages du pouvoir , ceux de son pays natal .




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Michel 13 ans, vit avec maman Pauline et papa Roger ses parents dans une maison en planches à Pointe-Noire. Papa Roger travaille dans un hôtel et il passe son temps à écouter sur sa radio Grundig la voix de la révolution congolaise. « Une radio ne doit pas mentir, surtout si elle a coûté très cher et que les piles sont encore neuves. » Maman Pauline fait le commerce des bananes.

Michel est un garçon qui passe son temps à rêver, à noter des choses sur des bouts de papier, comme si des cafards se battent à l'intérieur de son cerveau. Il perd en permanence la monnaie lorsqu'il va faire les courses à l'épicerie de Mâ Moubobi. « Les prix ne sont pas fixés pour de bon, ça dépend de si vous connaissez ou pas Mâ Moubobi, voilà pourquoi la boutique s'appelle “Au cas par cas”. » Michel évite de parler de ce qui se rapporte au sexe, car il ne veut pas que l'on pense qu'il exagère toujours et être impoli sans le savoir.

Avec ses mots à lui, remplis d'innocence et de poésie Michel nous raconte les trois jours qui ont suivi l'assassinat du camarade président Marien Ngouabi, le chef de la révolution socialiste congolaise. Trois jours qui vont changer sa vie et celle de sa famille. « Il faut que je pleure moi aussi, j'essaye, mais c'est difficile. La seule façon c'est de mettre du piment dans les yeux comme font les veuves quand elles n'arrivent pas à pleurer leur mari. »

J'ai beaucoup aimé la façon dont Alain Mabanckou nous raconte l'Afrique post-coloniale. Il utilise la voix naïve et toujours teintée d'humour d'un jeune garçon pour nous raconter l'indépendance, les luttes entre ethnies pour prendre ou garder le pouvoir, la corruption, les arrangements, l'importance de la famille, l'influence de l'ancien colonisateur qui décide qui sera président. Un sujet grave donc, mais traité avec légèreté. L'auteur nous raconte le quotidien pittoresque de cette famille congolaise et c'est un monde coloré qui s'agite devant nous, où la polygamie fait partie de la vie.

À travers le jeune Michel, il sait se moquer des pays occidentaux dont les présidents sont incapables de rester chefs jusqu'à leur mort, il rend hommage à la langue française « Les fables de Jean de la Fontaine qu'on aimait parce que dedans il y avait des animaux intelligents qui parlaient le français sans faire de fautes de grammaire ou d'orthographe, comme s'ils étaient allés à l'école. »
Ce roman est donc avant tout un témoignage qui nous ouvre les clefs du fonctionnement politique des pays africains, en choisissant comme narrateur un jeune garçon dont la fraîcheur, la spontanéité et le naturel nous emportent, Alain Mabanckou réussit son pari de ne jamais nous ennuyer.




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Viens, assieds-toi, prends-toi un tabouret, je t'offre une bière, tu veux ? Presque minuit, l'heure des chauves-souris et des chats gris qui fouillent dans les poubelles de ce boui-boui. Viens, n'aie pas peur du noir, j'aime la pénombre, ça dissimule ma tristesse. Qu'est-ce que tu prends ? Une Sierra Nevada, jolie. le silence s'installe autour du comptoir, un instant évaporé loin du brouhaha de la piste de danse où les gazelles noires, de leur pagne coloré, bouge leur arrière-train de façon provocante, ces filles habillées comme si elles n'étaient pas habillées, on voit tout gratuitement, mais je ne vais pas m'étaler ici, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir...

Tu veux une deuxième bière mon histoire est longue et parler me donne toujours soif, à croire que mes mots viennent du désert. Pas si longue que ça, quoique ça fait longtemps que je n'ai pas revu mes cours d'anatomie, non mon histoire dure trois jours. Tu t'en souviens toi, de ces trois longues journées du samedi 19 mars 1977 au lundi 21 mars 1977. Oui, je vois, tu y étais aussi. A Brazzaville ? Moi, j'étais à Pointe-Noire, fier de mon uniforme d'écolier, de mes baskets à la mode Bruce Lee et de ma chemisette à l'effigie de notre bon camarade président Marien Ngouabi. Je me souviens que Papa Roger écoutait, sous le manguier, La Voix de la Révolution Congolaise, une bouteille de vin rouge à ses pieds. Maman Pauline devait préparer à manger, peut-être qu'elle faisait ses beignets, recette appliquée de cette jeune béninoise qui les vend aux abords du marché. Mais depuis plusieurs heures, il ne passait que de la musique soviétique. Alors de son Grundig Papa Roger est passé sur La Voix de l'Amérique, parce qu'il est bien connu que l'Amérique sait ce qui se passe parce qu'elle a des espions partout. C'est là qu'on a appris que notre bon camarade président Marien Ngouabi s'est fait lâchement assassiner à 14H30, une heure où la sueur dégouline pour qui ne fait pas la sieste... et que Papa Roger a recraché son vin rouge...

Car ce soir, le Congo a peur. La radio ne le dit pas mais je le sens dans les yeux de Maman Pauline ou la sueur de Papa Roger. Dans la rue, les cris des enfants en train de jouer ont été remplacés par des tirs de kalashnikov. D'ailleurs, il n'y a plus d'enfants. Plus aucun klaxon venu claironné à la nuit tombée ; Il n'y a plus de voitures non plus, sauf des convois militaires ou miliciens venus ramassés des individus apeurés ou des corps fusillés. Même dans les bars où les plus belles femmes noires s'assoient attendant qu'un vieux aux cheveux gris viennent lui poser sa main sur sa croupe en lui demandant ce qu'elle boit, ces corps d'ébène se retrouvent figés dans la stupeur et la tristesse. Ils ne bougent plus alors que des corps comme ça, luisant de sueur et de chaleur, sont là justement pour faire pétiller le regard des messieurs mais je ne vais pas m'étaler ici encore une fois, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir...

Alors j'allume une dernière fois la radio, fini les beaux discours, place à la musique. Les cigognes s'envolent. Et là, je revois enfin le sourire de tous ces beaux culs immortels danser devant mes yeux.
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Après Petit Piment, Alain Mabanckou revient de nouveau dans sa chère ville de Pointe-Noire avec Les cigognes sont immortelles, au fort goût autobiographique. L'écrivain avoue d'ailleurs dans ses interviews que ce roman est une sorte de "chaînon manquant" dans son oeuvre, celui qui ne pouvait être écrit qu'après tous les autres. le livre se concentre sur 3 journées, en mars 1977, celles qui ont suivi le meurtre du président du Congo-Brazzaville, Marien N'Gouabi. C'est à hauteur d'un enfant de 11 ans que Mabanckou nous raconte une histoire familiale impactée par l'épuration qui a suivi cet assassinat. Avec un style inimitable, gouailleur et empreint d'innocence, devant des rebondissements imprévus pour ce garçon, tant dans sa sphère proche que dans un environnement politique qu'il essaie de comprendre. Et les personnages qui l'entourent sont inoubliables : père, mère, oncle mais aussi un chien qui s'enfuit sans demander son reste en apprenant à la radio ce qui est arrivé au président (sic). A travers une plume apparemment légère, l'écrivain franco-congolais évoque avec force les ravages du colonialisme et l'instabilité et versatilité des dictatures qui ont suivi les indépendances africaines. A l'aide de cercles concentriques, le roman part d'une foyer congolais, s'étend à un quartier, à une ville, à un pays et plus largement à un continent tout entier. Et Mabanckou de rappeler au passage que la plupart des grands hommes de progrès de cette époque (par exemple Lumumba) ont été assassinés avec la complicité de l'occident. Derrière l'humour de Les cigognes sont immortelles, il y a une blessure originelle de l'Afrique qui n'a sans doute pas cicatrisé aujourd'hui. Ce message ne s'oppose pas, loin de là, à l'écriture chatoyante, débridée et picaresque d'un livre souvent irrésistible où l'on découvre le quotidien du Congo sous un régime marxo-léniniste vu à travers le regard d'un gosse intrépide que la candeur ne peut plus protéger. Avec ses multiples lectures et son impressionnante fluidité narrative, Les cigognes sont immortelles ne serait-il pas le roman le plus accompli et même simplement le meilleur d'Alain Mabanckou ?
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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J'ai de loin préféré "Verre cassé" à cet opus-ci.
Trois jours qui se situent autour de la mort du président de la république racontés par un enfant. Il y a des effets de style un peu trop répétitifs. C'est intéressant indéniablement. Mais la dynamique romanesque ne fonctionne pas à plein régime.
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Lire un Manbanckou, c'est comme retrouver un vieux pote de fac qui serait resté dans son univers tout en éclairant le nôtre avec une malice imparable. Dans cet opus, le conteur nous parle de la "révolution" du Congo en 77, par les yeux d'un enfant (pas si naïf). Son analyse factuelle, mêlée à tout ce que le quotidien apporte comme lot de choses à penser, est très forte. On voit concrètement comment la petite histoire est liée à la grande et réciproquement. Il saisit des détails truculents, nous rattrape avec des runnings gags, nous brosse le paysage d'un environnement en couleur, autant par l'humour que par les tensions entre les personnages. Certes, le contenu est lourd et grave, mais conté de cette manière, cela prend un tout autre chemin, d'autant plus prenant. Bravo l'artiste !
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Après le succès de " Petit Piment " en 2015, Alain Mabanckou, écrivain franco-congolais, revient à Pointe-Noire, trois jours dans l'histoire post coloniale du Congo. Avec un fort goût autobiographique, son nouveau roman " Les cigognes sont immortelles " est paru en cette rentrée littéraire 2018 aux éditions du Seuil.
p. 14 : " On va encore dire que moi Michel j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir. "
C'est par la voix de Michel, jeune adolescent, que cette histoire est narrée. Fils unique de papa Roger - employé à l'hôtel Victory Palace - et maman Pauline - grossiste en bananes, il est le spectateur des bouleversements politiques du Congo.
p. 83 : " - Dans ce pays on a tout connu, Michel... Et le voilà qui commence à parler de l'époque ancienne, quand les Français nous ont colonisés, puis quand ces mêmes Français ont décidé que ce serait un abbé polygame, Fulbert Youlo, un Lari, donc un Sudiste, qui serait notre Premier Ministre. "
Dans le pays les différentes ethnies vivent ensemble : les sudistes et les nordistes. Mais c'est avec les capitalistes noirs que la cohabitation est plus compliquée.
Papa Roger, maman Pauline et leur fils Michel habitent le quartier Voungou, dans des "maisons en attendant", rêvant d'un avenir meilleur...
p. 195 : " - Mon fils, avant de se lancer dans les grandes batailles, il faut déjà gagner les petites... "
L'histoire se déroule sur trois jours, dont l'élément déclencheur est l'assassinat du président congolais Marien Ngouabi, le 18 mars 1977, à Brazzaville.
p. 41 : " [...] vient par l'entremise d'un commando-suicide d'attenter lâchement à la vie du dynamique chef de la Révolution congolaise, le camarade Marien Ngouabi, qui a trouvé la mort au combat, l'arme à la main, le vendredi 18 mars 1977, à 14H30. "
Au pied d'un manguier et en compagnie de papa Roger, il prend des nouvelles de la situation du pays, aux sons de la radio Grundig par la Voix de la Révolution Congolaise.
p. 33 : " Cet arbre est un peu mon autre école, et mon père s'amuse parfois à l'appeler "l'arbre à palabres". Il écoute toujours la radio ici lorsqu'il revient de l'Hotel Victory Palace. Comme son travail est très fatiguant, les week-ends il se repose là du matin jusqu'au coucher du soleil, assis dans sa chaise en lianes avec sa radio à zéro mètre."
Et c'est au plus profond de la violence après la décolonisation du Congo et de l'Afrique, via les nouvelles transmises à la radio, et les habitants du quartier que Michel offre au lecteur le témoignage d'une enfance passée dans un pays instable politiquement.
Michel a la réputation d'être un rêveur, toujours un peu maladroit.
p. 171 : " Je m'en fous que dans la cours de récréation les élèves me surnomment maintenant "le rêveur". Ils ne savent pas que sur un de ses bouts de papier où elle me félicitait, Louise avait écrit, avec sa belle écriture : "Fais-moi rêver". Et elle avait aussi dessiné deux coeurs, avec une ligne qui les traverse. Ça voulait dire que, lorsqu'on est amoureux, les coeurs font du cheval sur l'équateur, et c'est pour ça que ceux qui ne savent pas chevaucher tombent et se font très mal... "
Il se définit comme une cigogne blanche de la Révolution socialiste congolaise, en référence au chant soviétique qu'il entonnait au collège "Quand passent les cigognes".
Alain Mabanckou nous conte l'Afrique, dans une écriture très poétique et exotique, par les yeux d'un adolescent, dont le discours paraît naïf, mais qui est  finalement très perspicace. Alliant majestueusement la légèreté et l'humour à la gravité du contexte, la plume de cet auteur est inimitable ! Une belle découverte en cette rentrée littéraire !
p. 139 : " Ce sont les Nordistes qui l'ont tué, mais il est devenu une cigogne, et moi je sais que les cigognes sont immortelles. "
Lien : https://missbook85.wordpress..
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1977 au Congo-Brazzaville. Plus précisément les 19,20 et 21 Mars.
On retrouve Michel déjà rencontré dans « Demain j'aurais vingt ans », sortant de son certificat d'étude. Il semble tête en l'air mais observe son monde, le questionne, l'écoute à travers les actualités internationales que diffuse la radio Grundig, comparant et critiquant du haut de son jeune âge le pendant propagandiste martelé par les ondes de l'état.
Il habite toujours Pointe-Noire avec maman Pauline et Papa Roger.
Maman Pauline est une redoutable mais respectée commerçante de banane mais soumise aux lacunes d'un état naissant, omnipotent mais en même temps dépassé par le manque de formation de sa population pour faire tourner les reliques industrielles comme le chemin de fer par exemple.
Élevant la scolarité en point d'orgue de son éducation « poli », il se nourri également des voisins qui distillent les codes sociaux et entraide tel Mâ Moudoubi la marchande du quartier et ressent les affres post coloniaux des nantis qu'il appelle « les capitalistes noirs », petit nombre s'enrichissant au détriment du reste de la population.
Le récit alterne entre candide géopolitique, descriptions du régime communiste, la décolonisation récemment débutée et le portrait du chef suprême de la révolution congolaise Marien Ngouabi.
Donc en ce 17 Mars 1977, la Grundig annonce l'assassinat du chef de la révolution et c'est l'occasion pour Michel de voir débarquer de la capitale Brazzaville, trois oncles venant colporter la peur et le malheur sur la famille parce qu'un frère par alliance de Mama Pauline s'est trouvé accusé et condamné pour contestation du pouvoir.
S'en suit un dilemme pour respecter le mort et les rites funéraires sans risquer de mettre en danger la famille élargie forcément coupable de traitrise aux yeux du régime despotique cherchant des bouc-émissaires à un coup d'état déguisé.
Alain Mabanckou romance sa jeunesse et dépeint les enjeux de la décolonisation dans un contexte de guerre froide. Il dénonce le rôle joué par les médias non-indépendants d'un état vacillant et fragile.
Il nous expose un condensé d'Histoire de son pays à hauteur d'enfant, la violence qui se déchaine à la mort du camarade président.
Plane sur ce récit un fatalisme de rigueur devant l'Histoire se répétant et nous permet d'ouvrir la porte de ses familles congolaises sur qui se répercute un événement politique dans une construction postcoloniale chaotique faite d'instabilité ethnique.
Plus intimement, c'est aussi l'apprentissage du mensonge salvateur pour un enfant, régissant désormais sa vie et l'observation violente des mécanismes du deuil par le personnage de Mama Pauline.
Difficile de savoir s'il y a des éléments autobiographiques dans ce roman mais certainement une part de vérité sur la nostalgie de la jeunesse de l'auteur toujours persona non grata dans son pays, dirigé autocratiquement par Sassou-Nguesso depuis ces événements de 1977.
Quel dommage pour ce peuple d'être privé d'une voix qui porte l'étendard de la liberté à mon humble avis.
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Alain Mabanckou situe son aventure dans les années 70, le jour de l'assassinat du camarade président Marien Ngouabi, et par conséquent celui du bouleversement de tout le système du pays. Il nous entraîne dans la tête de Michel, un narrateur de 14 ans. Celui-ci nous dépeint avec précision son quotidien. Il nous fait visiter son village, son foyer, les magasins… On y croise ses parents, ses proches, ses camarades… Il nous fait part de ses pensées les plus intimes, de ses petits tracas de tous les jours et de ses petits plaisirs d'enfant. Il décrit tout et aucun détail ne nous est épargné. Grâce à ses précisions indiscrètes, inhérentes à son âge, on comprend parfaitement comment vivaient ses gens dans cette région à cette époque. le réalisme est saisissant parce que raconté sans filtre. le lecteur est transporté dans cet espace et dans ce temps et le dépaysement est total.

Par les yeux innocents et naïfs, on assiste aussi à des moments importants de l'Histoire du pays. Michel observe sans comprendre les dialogues des adultes. Ceux-ci découlent des évènements tragiques dont les conséquences auront une importance capitale dans le destin de la nation. Par son intermédiaire, l'auteur rend compte des incidents qui ont emmaillé son enfance et qui ont bouleversé le cours de sa vie.

Le texte est original dans sa structure. En effet, la tournure des phrases est volontairement enfantine et répétitive pour coller au mieux aux pensées de l'adolescent. La narration part dans tous les sens au gré de ses réflexions. Cela crée une lecture foisonnante, souvent drôle que certains/es pourront trouver fastidieuse sur la longueur. Pour ma part, j'ai adhéré au concept. A travers cette aventure, Alain Mabanckou se raconte et raconte son pays d'origine. Il mélange sa petite histoire intime à la grande Histoire pour créer un miroir de son passé et le partager avec le monde. C'était ma première expérience avec cet écrivain. J'ai beaucoup aimé cette découverte, qui sous ses airs de conte candide, m'a éclairé sur les conditions de ce coin du globe que je ne connaissais pas.
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Un livre plaisant où l'on suit, trois jours durant, les tribulations de Michel, jeune collégien rêveur. Tout se passe à Pointe-Noire au Congo-Brazzaville. C'est une plongée jubilatoire en Afrique subsaharienne où les détails de la vie quotidienne et des univers familiaux des Ponténegrins sont évoqués avec d'autant plus de couleur et de poésie qu'Alain Mabanckou se place à la hauteur des yeux d'un tout jeune adolescent. le style naïf qu'il emploie participe par ailleurs d'une certaine autodérision. Toutefois, en choisissant de situer son action au lendemain de l'assassinat du camarade président Marien Ngaoubi le 18 mars 1977, l'auteur crée un décalage qui révèle avec un humour sans fard l'instabilité politique et la violence qui gangrènent son pays. Il dénonce ainsi non seulement le cynisme de ses élites mais aussi l'instrumentalisation dont elles sont l'objet de la part des grandes puissances qui luttent pour s'assurer le contrôle du continent africain. Les soubresauts de ces journées funestes conduiront le héros à murir malgré lui par amour pour sa mère.
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