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Critique de Woland


Woland
03 septembre 2009
On évoque souvent, à propos de "L'Ancre de Miséricorde", "L'Ile au Trésor" de Robert-Louis Stevenson. le parallèle n'est pas entièrement faux mais il n'est pas non plus tout-à-fait juste.

En effet, le roman de Stevenson se passe pour une bonne part en mer et sur l'île qui lui donne son titre. L'oeuvre de Mac Orlan pour sa part se déroule intégralement à terre, soit à Brest ou dans ses environs. Chez Stevenson, l'ambiance "pirates & frères de la côte" surgit quasiment dès le premier chapitre et le moins que l'on puisse dire, c'est que, profitant de l'excentricité reconnue et admise des gens de mer, les flibustiers affichent sans complexe des mines inquiétantes ou franchement patibulaires. Tandis que chez Mac Orlan, les pirates et leurs complices sont si bien infiltrés dans la petite société brestoise qu'ils passent inaperçus. Sauf un ou deux sous-fifres qui, sacrifiant à la tradition, ont la tête de l'emploi mais, il faut le souligner, se risquent rarement à terre.

En revanche, les deux romans ont en commun l'amour de l'océan et le sens du mystère. Et puis - on est tenté d'écrire : et surtout - tous deux décrivent les relations d'amitié qui, peu à peu, s'instaurent entre un adolescent sans expérience et un pirate sans foi ni loi et pourtant attachant.

Mac Orlan a de plus reconstitué de main de maître l'ambiance qui était celle du Brest du XVIIIème siècle, avec sa rue de Siam où vivent le narrateur et son père, les quais sans cesse en mouvement et que Châteaubriand a décrits dans ses "Mémoires d'Outre-Tombe", la campagne tout autour et tous ses petits bourgs et hameaux qui, depuis longtemps, sont devenus des quartiers de la ville moderne, et bien sûr, image puissante et toujours présente, même aujourd'hui, le Bagne.

Car Brest est un personnage à part entière du roman de Mac Orlan. Avec la Nuit, une nuit épaisse, qui rampe sur les pavés glissants du quartier de Kéravel - alors très mal fréquenté - et qu'envahissent en douceur, sans avoir l'air d'y toucher, les brumes nées de la mer. Mais le talent de l'écrivain est tel qu'il ne se contente pas de nous montrer le décor qu'il a choisi : il nous y propulse aux côtés de son jeune héros, Petit-Morgat.

Comme Jim Hawkins, Petit-Morgat va nouer une relation fils-père avec le personnage qu'il ne fallait pas. Comme Jim, il souffrira de devoir renoncer à ses illusions. Pour tout dire, il ne les admet qu'au matin de l'exécution de son ami. Et le lecteur, qui a pourtant deviné bien plus tôt que Petit-Morgat, espère lui aussi que, peut-être, malgré tout, le pirate s'évadera ou sera sauvé par des complices ...

Tout est vu exclusivement du point de vue de Petit-Morgat. Cela pourra frustrer quelques lecteurs - je l'ai été - désireux d'approfondir les motivations des flibustiers et plus encore le caractère de leur chef. Mais celui-ci restera une énigme jusque sur l'échafaud - et, tout bien considéré, cela ajoute au charme de "L'Ancre de Miséricorde."

Lisez-le donc et découvrez un écrivain de très grand talent, au style imagé et étincelant de poésie : Pierre Mac Orlan. ;o)
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