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Hélène Cohen (Traducteur)
EAN : 9782267043082
384 pages
Christian Bourgois Editeur (19/08/2021)
4.09/5   79 notes
Résumé :
Alors qu’elle est encore une écrivaine débutante, Carmen Maria Machado rencontre une jeune femme sophistiquée et fascinante qui la séduit. Très vite, cette passion est partagée et elles s’installent ensemble dans leur « maison rêvée » pour vivre pleinement leur amour. Mais ce rêve tourne rapidement au cauchemar quand la compagne de Machado devient jalouse, paranoïaque et violente tant en paroles qu’en actes. Cette « maison rêvée » ne serait-elle pas un piège ou une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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La maison rêvée à la manière d'une critique sur Babelio.

Carmen a rencontré son âme soeur. Tout se passe pour le mieux jusqu'à que sa compagne s'avère jalouse, paranoïaque et violente.

Ce livre est une excellente surprise. L'auteure nous raconte sa relation avec son ancienne compagne. Celle-ci parfaite au premier abord, est dans les faits une manipulatrice. Ce livre apparaît, en premier lieu, comme une autobiographie, un témoignage. Mais, en second lieu, il est aussi une tentative d'essai sur la vision de la société sur les personnes LGBT+, la violence entre conjoints du même sexe et les relations femmes-hommes. le tout en utilisant un style différent par chapitre. Ce livre est un O.L.N.I (Objet littéraire non identifié).

L'auteure manie excellemment sa plume. Dans un chapitre elle fera preuve d'humour noir, dans un autre elle nous fera ressentir son désespoir, quand elle ne fera pas de parallèle avec d'autres oeuvres ou essais. le tout en changeant en permanence de style littéraire.

Les premiers jours sont heureux, puis l'orage s'annonce et les jours suivants ne sont plus que peur et désespoir. L'auteure fait d'abord face au déni, puis ne sait pas comment annoncer sa situation à ses proches. Ne risque t-elle pas de confirmer les préjugés de la société sur les queers forcément instables et malveillants ? A l'inverse les préjugés sexistes sur les femmes font que ces dernières sont considérées comme incapables d'être violentes entre elles. En effet, les violences conjugales ne seraient que le fait d'hommes sur des femmes. Ainsi les violences conjugales dans les couples lesbiens sont un tabou. L'auteure nous explique ainsi tout les mécanismes qui contribuent à maintenir ces non-dits.

Au final, ce livre est excellent. L'auteure est clairement à suivre.
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Ce livre n'est pas un roman mais une histoire vraie romancée, un témoignage, un récit et même un essai tant il est riche en réflexions.
L'auteur (Carmen donc dans le livre) raconte comment, alors qu'elle était toute jeune et débutait son travail d'écrivain, elle s'est retrouvée enfermée dans une relation difficile parce que devenue réellement toxique, avec une autre jeune femme, qui était devenue sa compagne.
Cette jeune femme jolie, intelligente, amoureuse, s'est révélé, au fil du temps parano, jalouse, violente verbalement et capable des pires colères quasi inimaginables à soupçonner même parmi son entourage proche.
Cette maison rêvée où toutes les deux se retrouvent pour vivre librement leur amour, devient pour la narratrice (l'auteur donc) un lieu de souffrance. Sa compagne la déprécie sans cesse psychologiquement, puis elle affirme ensuite qu'elle a tout oublié des événements violents, et revient vers elle, toute souriante et aimante.
Mais les dérapages se multiplient, les crises de jalousie et de colère se succèdent pour un rien et la relation après être devenue étouffante, devient carrément toxique et insupportable.
Bien entendu, lors des "premières fois", la narratrice est sidérée : elle met du temps à comprendre que sa compagne veut la dominer ; elle ne réagit pas et se contente d'espérer retrouver un jour prochain celle qu'elle aime. Carmen ne sait plus où elle en est. Elle mettra des mois, elle qui est écrivain, à mettre des mots sur son ressenti et surtout sur son vécu.
Dans ce récit, qu'elle écrit des années après alors qu'elle a trouvé l'amour et vit une vie stable et heureuse avec sa nouvelle amie avec qui elle s'est mariée, l'auteur revient sur ces mois difficiles où elle a vu ses sentiments bafoués et son couple s'effondrer.
Elle nous livre ses réflexions d'aujourd'hui, étayées par de nombreux exemples concrets, sur la manière dont le harcèlement moral et la violence psychologique, se mettent en place peu à peu. Elle évoque aussi son ressenti face à cette alternance de "coups" et de réconciliations, tout à fait déstabilisants et qui fragilisent encore davantage celle qui les subit.
La maltraitance dans un couple homosexuel, je savais bien qu'elle existait mais ce livre nous la fait vivre à la fois différemment et de manière semblable que dans un couple hétéro. En effet la mise en place de la violence est la même et n'est pas que l'apanage des hommes. L'auteur brise les tabous à ce sujet, démontre que même les juges ne savent pas juger ces cas de maltraitance, sans se référer à ce qu'ils connaissent de la violence dans les couples hétéro, parce qu'ils n'acceptent pas, inconsciemment, que deux êtres de même sexe, puissent vivre ensemble une vraie sexualité.
En plus de son sujet fort intéressant qui ne peut que nous toucher, il faut noter que ce livre est très original et même carrément étonnant par sa construction littéraire que je n'avais encore jamais lu, ni vu auparavant dans un témoignage.
L'auteur bâtit en effet ses chapitres de différentes longueurs (parfois très courts quelques lignes à peine) en racontant les événements dans le désordre et "à la manière de"... C'est très étrange, car cela peut être "à la manière" d'un conte, d'un film d'horreur, d'un road movie, d'un vaccin, d'un manoir hanté, d'un naufrage, d'une cabane dans les bois, d'un mythe, d'un roman d'espionnage ou d'un voyage dans le temps, "d'un livre dont vous êtes le héros" ou....autre méthode.
Elle fait référence à des livres, des auteurs ou philosophes, classiques ou contemporains, des films connus ou moins connus et je suis bien certaine que je n'ai pas trouvé toutes les références en le lisant.
Mais qu'importe, cela donne du rythme au récit et nous permet surtout de rentrer dans cette histoire d'amour qui dérape, tout en gardant une certaine distance face à l'émotionnel et au contenu poignant de ce qu'elle nous raconte.
La seconde originalité de ce livre c'est que l'auteur parle de son histoire mais qu'en même temps, dans certains chapitres, elle s'adresse à celle qu'elle était à cette époque, il y a donc des années.
Peu à peu, sans forcément chercher à reconstituer les événements de manière chronologique car cela n'a aucune importance, le puzzle se met en forme.

J'ai trouvé ce livre édifiant. Même s'il est question de souffrance dans une relation homosexuelle, même si l'auteur y parle de son expérience personnelle, il concerne tout le monde car il a un côté universel. Il peut être lu par tous et toutes car il explore remarquablement bien la mise en place de la violence psychologique qui peut advenir en amour comme en amitié d'ailleurs, et aussi les violences au sein des couples homosexuels qui sont finalement très rarement traitées encore aujourd'hui car tabous. Il casse aussi les clichés que nous pouvons avoir sur les relations au sein d'un couple homosexuel. Si dans les couples hétérosexuels, c'est le plus souvent l'homme qui fait preuve de violence, comment expliquons-nous que dans un couple homosexuel, une femme puisse faire de même...or la violence n'est pas que l'apanage des hommes, ce livre nous le prouve si vous en doutiez.
Je ne regrette pas d'avoir découvert cet auteur et sa plume. C'est un texte féministe et militant, dans lequel l'auteur s'adresse à nous avec réalisme et sensibilité, mais aussi les années aidant, avec une pointe d'autodérision. Je reconnais cependant avoir gardé une certaine distance en le lisant.
Ce livre-témoignage autobiographique a reçu plusieurs prix et été élu meilleur livre de l'année non-fiction en 2019 dans plusieurs pays.
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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Le rêve virant au cauchemar, l'emprise de la violence dans le couple en général, et dans le couple lesbien en particulier, en un impressionnant tour de force littéraire à facettes techniques et à beautés humaines.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/30/note-de-lecture-dans-la-maison-revee-carmen-maria-machado/

Sept ans après la publication de sa toute première nouvelle, et deux ans après la publication de son premier recueil, « Son corps et autres célébrations », couronné par le prix Shirley Jackson et nommé à plusieurs autres prix littéraires prestigieux (dont le National Book Award), Carmen Maria Machado publiait en 2019 « Dans la Maison rêvée », traduit en français en août 2021 par Hélène Cohen chez Christian Bourgois. Bien que sobrement sous-titré « A memoir » dans sa version originale américaine, ces 350 pages représentent bien davantage qu'un « simple » récit autobiographique. Pour aborder avec une puissance inouïe le sujet doublement brûlant de la violence à l'intérieur du couple (avec tous les mécanismes tragiques et connus, mais si difficiles à auto-diagnostiquer en temps et en heure, d'acceptation de l'emprise et de culpabilité mal placée) d'une part, et de la violence à l'intérieur du couple lesbien d'autre part (dont elle documente avec minutie la monstrueuse difficulté supplémentaire que représente le simple fait de pouvoir penser cette violence, là où précisément la relation se construit individuellement, collectivement et socialement en rejet des scories les plus meurtrières du patriarcat), elle a construit un véritable thriller psychologique et intime, en utilisant toutes les ressources de son art de conteuse, de nouvelliste et de formatrice en création littéraire.

Elle nous offre ainsi une formidable progression de chapitres courts ou très courts « à la manière de », tous placés sous le signe d'une forme ou d'une inspiration littéraire particulière (ouverture, prologue, non-métaphore, picaresque, machine à mouvement perpétuel, exercice de point de vue, élément perturbateur, palais de la mémoire, voyage dans le temps, inconnue arrivant en ville, classique lesbien culte, célèbre mot de la fin, confession, rêve incarné, question de chance, road-trip à Savannah, roman sentimental, déjà-vu, roman d'apprentissage, classification des contes de fées, texte érotique, roman noir, utopie, fantasy, roman lesbien de seconde zone, pour n'en citer que quelques échantillons), fournissant chacun par leur titre un programme en soi, pour exorciser en beauté (et avec un art paradoxal du suspense) le calvaire vécu par elle, et pour le rendre exploitable par les lectrices qui seraient directement concernées, mais aussi par tous les autres, lectrices ou lecteurs, pour lesquels le déni des emprises de toute nature demeure si souvent d'actualité, même bien cachée. Et pour démontrer au passage, et de quelle manière, que l'art du récit sophistiqué constitue, maîtrisé comme ici, un medium ô combien plus puissant que n'importe quel essai jouant en trace directe et explicative. du grand art, intelligent et bouleversant, jouant à merveille de la détonation produite entre humour noir, violence, sensibilité et amour serein reconstruit ailleurs.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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La naissance d'un couple, les émois du début d'une relation, puis insidieusement la violence qui s'installe, la brutalité, l'envie de faire mal...
L'histoire peut paraitre rebattue en littérature.
Cependant le récit que nous livre Carmen Maria Machado dans ce texte, c'est celui de la violence dans le couple qu'elle a formé quelques années auparavant avec la Femme de la Maison rêvée.
Et ce récit, c'est également celui d'un tabou, le tabou de la violence dans le milieu lesbien.

En plusieurs variations, "La Maison rêvée à la manière de ...", Carmen Maria Machado déconstruit cette relation toxique, la dissèque, l'entoure de souvenirs ou de faits de société.
On sent que la jeune femme est sortie marquée de cette relation et qu'elle tournera difficilement une page dessus. La narration à la deuxième personne pour la femme qu'elle a été, et plus rarement à la première personne pour celle qu'elle est devenue, prouve la distance qu'elle essaie encore et toujours de mettre entre elle et son passé.

Au-delà de la sincérité du récit, ce sont les multiples variations qui frappent.
La construction est intelligente, subtile ; chaque chapitre colle au style littéraire qu'elle adopte. "La Maison rêvée à la manière du livre dont vous êtes le héros", notamment, est brillante ; glaçante mais brillante.
Les chapitres sont courts, défilent : "Allez encore un, oh et puis un autre, plus qu'un et c'est fini...". Et c'est ainsi que j'ai lu ce livre en une journée.
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Son corps et autres célébrations, le premier recueil de Carmen Maria Machado, avait été une véritable révélation. Thèmes très originaux, écriture directe et sans fard où la sexualité tenait une large part, expérimentations formelles tous azimuts…
Du coup, la curiosité était forte de savoir quelle formes et quelle direction allaient prendre cette Maison rêvée. Force est de reconnaître dès les premières pages que son autrice n'a pas mis d'eau dans son vin : si, cette fois-ci, le livre est purement – et presque « classiquement » – autobiographique avec le récit sans concession (et très cru quant à l'évocation de la sexualité) d'une relation toxique lesbienne qu'elle a vécu il y a plusieurs années, la construction fait preuve d'une inventivité ébouriffante.
Carmen Maria Machado structure en effet son récit sous forme d'un kaléidoscope de courts chapitres dont le titre et le contenu se réfère à ou reprend un genre littéraire ou cinématographique différent à chaque fois. Un principe presque vertigineux mais extrêmement bien maîtrisé, le postulat ne nuisant à aucun moment à la fluidité de la lecture.
Si on rajoute à cela le fait que l'autrice enrichit le sujet principal en évoquant notamment son côté presque tabou dans la littérature (comme si les relations homosexuelles et lesbiennes notamment ne pouvaient se concevoir sous le prisme de la maltraitance, qu'elle soit physique et/ou psychologique) ou les ponts qu'elle établit avec un naturel confondant entre son expérience et la mythologie des contes (dans d'étonnantes notes en bas de page), on tient là un livre riche, stimulant et, envers et contre tout, extrêmement émouvant.
Un véritable « tour de force ».
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critiques presse (1)
LeMonde
13 octobre 2021
Par l’expérimentation littéraire, l’écrivaine américaine sublime le récit de sa relation avec une femme abusive. Un livre hanté.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Autre fait simple et néanmoins terrible : le système judiciaire vous laisse démuni face à la plupart des violences_ verbales, émotionnelles, psychologiques_ et, plus encore, ne fournit pas de contexte. Il n'y autorise pas la présence de certains groupes de victimes. "En mettent en avant les violences physiques au détriment de toutes les autres subies par les femmes battues, écrit le professeur de droit Leigh Goodmark, en 2004, le système judiciaire a créé des critères qui permettent de hiérarchiser les expériences de ces victimes. S'il n'y a pas d'agression [aux yeux de la loi], elle n'est pas une victime, peu importe la brutalité de son expérience, la dureté de son isolement, ou l'enfer émotionnel qu'elle a subi.
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La Maison rêvée à la manière picaresque
Avant de rencontrer la femme de la Maison rêvée, je vivais dans un minuscule trois-pièces à Iowa City. La maison était foutraque : appartenant à un propriétaire peu scrupuleux, elle se dégradait lentement, était pleine de détails hétéroclites et cauchemardesques. Il y avait une pièce au sous-sol – que mes colocataires et moi avions baptisée la salle des meurtres – peinte en rouge sang du sol au plafond, équipée d’une trappe secrète et d’un téléphone fixe hors d’usage. Ailleurs au sous-sol, un système de chauffage lovecraftien projetait ses longs tentacules dans le reste de l’habitation. Par temps humide, la porte de l’entrée gonflait dans son cadre et refusait de s’ouvrir, pareille à un oeil au beurre noir. Le jardin était immense, piqueté d’un brasero et bordé de sumac vénéneux, d’arbres et d’une barrière pourrie.
Je vivais avec John, Laura et leur chat, Tokyo. Ils formaient un couple ; anciens Floridiens aux jambes longues et au teint pâle qui étaient passés par une fac hippie et avaient débarqué dans l’Iowa pour leur second cycle universitaire. L’incarnation de la démesure et de l’excentricité de la Floride et, au bout du compte, la seule chose qui dans l’après-Maison rêvée sauverait la Floride à mes yeux.
Laura ressemblait à une ancienne starlette de cinéma avec ses yeux écarquillés et son style éthéré. Elle était sèche, dédaigneuse et férocement drôle ; elle écrivait de la poésie et poursuivait ses études en science des bibliothèques. Elle se sentait une âme de bibliothécaire, de sage passeuse d’un savoir public capable de vous conduire là où vous deviez être. Quant à John, il ressemblait à un prof excentrique aux faux airs de rocker grunge qui aurait découvert Dieu. Il préparait du kimchi et de la choucroute dans d’énormes bocaux qu’il surveillait sur le plan de travail de la cuisine avec la maniaquerie d’un savant fou ; un jour il m’a raconté l’intrigue d’À rebours avec force détails, notamment sa scène préférée, celle où le vil et excentrique antihéros incruste de bijoux exotiques la carapace d’une tortue et la pauvre bête, « qui n’avait pu supporter le luxe éblouissant qu’on lui imposait », meurt sous le poids de sa chape. La première fois que j’ai rencontré John, il m’a dit : « J’ai un tatouage, tu veux voir ? » J’ai acquiescé. « OK, tu vas peut-être penser que je vais te montrer ma bite mais, promis, c’est pas ça. » Il a soulevé son short haut sur sa cuisse, révélant le tatouage artisanal d’une église, dessinée à l’envers. « C’est une église à l’envers ? » ai-je demandé. Il a souri en haussant plusieurs fois les sourcils – non pas lascivement, mais par pure espièglerie – et a répondu : « À l’envers de quel point de vue ? » Un jour, alors que Laura sortait de leur chambre vêtue d’un short en jean et d’un haut de bikini, John a posé sur elle un regard où se lisait un amour simple et véritable, puis a déclaré : « Toi, je veux creuser un puits en toi. »

Tel un picaro au féminin, j’ai passé l’âge adulte à aller de ville en ville, me liant à des âmes attentionnées à chaque étape ; un groupe de protecteurs qui ont pris soin de moi (les plus doux des protecteurs, les plus précieux des protecteurs). Ma copine Amanda de l’université, qui fut ma colocataire jusqu’à mes vingt-deux ans et dont l’esprit aiguisé et logique, le caractère imperturbable et l’humour pince-sans-rire accompagnèrent mon passage d’adolescente compliquée à jeune adulte perturbée. Anne, une joueuse de rugby à la chevelure rose, la première fille végétarienne et lesbienne que je rencontrai, qui chaperonna mon coming out en bonne fée gay. Leslie, qui m’aida à traverser ma première rupture douloureuse grâce à du brie, du vin pas cher et de bons moments avec ses animaux, notamment un pitbull trapu au pelage marron nommé Molly qui me léchait le visage jusqu’à ce que je sois prise d’un fou rire incontrôlé. Celles et ceux qui ont lu et commenté mon blog sur LiveJournal, tenu consciencieusement de mes quinze à mes vingt-cinq ans, déballant mes états d’âme à une improbable bande de poètes, de queers paumés, de programmeurs, de rôlistes et d’auteurs de fanfiction.
John et Laura étaient ainsi. Toujours présents, intimes l’un avec l’autre d’une certaine façon et intimes avec moi d’une autre, comme si je faisais partie de leur famille. Ils ne veillaient pas sur moi, pas vraiment ; ils étaient déjà les héros de leurs propres histoires.
Mais cette histoire-ci ? Celle-ci n’appartient qu’à moi.
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La Maison rêvée à la manière de Lost in Translation.
Ce qu'il faut lire dans sa froideur : elle est préoccupée. Elle est malheureuse. Elle est malheureuse avec toi. Tu as fait quelque chose et maintenant elle est malheureuse, et tu dois savoir quoi pour qu'elle cesse d'être malheureuse. Tu lui parles. Tu dis les choses clairement. Tu penses dire les choses clairement. Tu dis ce que tu as sur le coeur et tu ne le dis qu'après avoir mûrement réfléchi, mais quand elle répète tes paroles, plus rien n'a de sens. C'est ce que tu as dit ? Vraiment ? Tu ne te souviens pas d'avoir dit ni même pensé ça, et pourtant elle te fait savoir que c'est ce qui a été dit, et que c'est bien dans ce sens-là que tu l'entendais. (page 142)
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La Maison rêvée à la manière d’une non-métaphore
Je présume que tu as entendu parler de la Maison rêvée ? C’est, comme tu le sais, un lieu qui existe réellement. Elle se tient debout non loin d’une forêt, à la lisière d’une étendue d’herbe. Elle a des fondations, mais si le bruit court que des morts y ont été enterrés, il faut sans doute n’y voir qu’une fiction. Il fut un temps où une balançoire pendait à une branche d’arbre mais il n’en reste rien à présent, hormis une corde pourvue d’un nœud solitaire qui oscille au gré du vent. Tu auras sans doute entendu des histoires au sujet du propriétaire, crois-moi, c’est un tissu de mensonges. Après tout, le propriétaire n’est pas un homme, mais une université tout entière. Une minuscule ville de propriétaires ! Peut-on imaginer une chose pareille ?
La plupart de tes hypothèses sont correctes : elle possède des planchers, des murs, des fenêtres et un toit. Si tu imaginais qu’il y a deux chambres, tu as raison, et tort. Qui peut dire qu’il n’y en a que deux ? Toutes les pièces peuvent être une chambre : pour cela il suffit d’un lit, et encore. Y dormir suffit. Seul l’habitant décide de la fonction d’une pièce. Nos actes ont plus de poids que les intentions des architectes.
Si je parle de tout cela, c’est parce qu’il est important de se souvenir que la Maison rêvée existe bel et bien. Elle est aussi réelle que le livre que tu tiens entre tes mains, en revanche elle est nettement moins terrifiante. Si je le voulais, je t’indiquerais l’adresse et tu pourrais t’y rendre en voiture, t’asseoir devant cette Maison rêvée et imaginer les événements qui se sont déroulés entre ses murs. Je te le déconseille. Mais libre à toi. Personne ne t’en empêchera.
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Les lieux ne sont jamais seulement des lieux dans une oeuvre écrite. S'ils ne sont que cela, alors l'auteur a échoué. L'environnement n'est pas inerte. Il est mis en mouvement par un point de vue.
Plus tard, tu apprendras qu'un facteur récurrent de la violence conjugale est la "dislocation". A savoir que très souvent la victime vient de s'installer dans un nouveau lieu, ou a atterri dans un endroit dont elle ne parle pas la langue, ou a été coupée de tout soutien, de ses amis ou de sa famille, et ne peut plus communiquer. Les circonstances, son isolement l'ont rendu vulnérable. Son seul allié est son agresseur, autrement dit, elle n'en a aucun.
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