J'avais donc repris le travail, ce qui avait fait du bien à tout le monde. A Adam parce qu'il n'avait plus à s'inquiéter pour l'argent ; à Sophia qui entamait le lent processus consistant à comprendre que je reviendrais toujours la retrouver ; et à moi parce que élever Sophia était difficile, très difficile, et que j'avais besoin de m'échapper. J'avais besoin de cette pause, mais, plus important encore, j'avais besoin qu'elle me manque ; ce manque me rappelait combien je l'aimais.
Les abeilles, ces humbles pollinisatrices à qui nous devons tant, disparaissent. Deux mille espèces sont menacées d'extinction par le réchauffement climatique, un nombre terrifiant. La planète se meurt.
Je me sentais responsable de Sandra, cela dit. J'étais la seule personne à qui elle avait confié que son mari la maltraitait : comment aurais-je pu refuser de l'aide ? Elle manquait cruellement de confiance en elle, mais sous cette fragilité, je voyais une femme attentionnée, pleine de compassion, préoccupée par l'environnement. Je voyais une femme qui avait touché le fond. Une femme paralysée par son manque d’assurance, reconnaissante pour le moindre compliment. Une femme tellement habituée à ce que les pensées d'un autre soient substituées aux siennes que je pouvais la modeler pour qu'elle corresponde exactement à mes besoins.
J'ai vu là une opportunité.
A chaque berger son troupeau.
C'était lui. Le détournement, Becca, tout. Il était désolé qu'on ait été enfermés à la cave, il a dit que je devais comprendre que c'était "dans l'intérêt général"
La vie avec Sophia, c’est un peu comme marcher sur de la glace : on ne sait jamais quand elle va se lézarder. On est à la merci des émotions d’une gamine de cinq ans.
Tout le monde est assis là en train de boire et manger et de faire semblant qu'il est tout a fait normal d'être suspendu dans les airs, qu'il n'existe absolument aucun risque de tomber du ciel. Personne ne lit les consignes de sécurité, personne ne regarde la vidéo explicative.
Sauf moi, bien sûr.
Elle me dévisage, son regard sombre soutenant le mien si longtemps qu’elle me donne l’impression de connaître tous mes secrets.
La vie avec Sophia, c’est un peu comme marcher sur de la glace : on ne sait jamais quand elle va se lézarder. On est à la merci des émotions d’une gamine de cinq ans
Elle a un sourire malicieux : c’est le genre de grand-mère qui file à ses petits-enfants un rab de chocolats pendant que maman regarde ailleurs.
Nous dirigeons notre propre orchestre et pouvons décider qui en fait partie.