Comme dans
La Disparition d'Adèle Bedeau,
Graeme Macrae Burnet nous entraîne dans une vertigineuse mise en abyme : un roman dans le roman, un écrivain qui se prétend un autre. La première de couverture nous annonce un roman de
Graeme Macrae Burnet,
L'Accident de l'A35, alors que la page de titre indique que l'auteur de ce roman se nomme
Raymond Brunet et que Macrae Burnet et
Julie Sibony (la traductrice) ont, pour leur part, établi la nouvelle édition de cet ouvrage. Je salue au passage l'élégance de Burnet/Brunet qui associe de cette manière sa traductrice au processus de création.
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Avant-propos et postface sont ici indissociables du roman lui-même : ils accentuent l'effet de réel en proposant des explications qui se révèlent nécessaires à la compréhension et à l'appréciation du jeu littéraire dans lequel l'auteur entraîne son lecteur. L'avant-propos annonce d'ailleurs un troisième ouvrage du même
Raymond Brunet. En effet, le notaire détenteur des manuscrits en a envoyé deux à la maison d'édition Gaspard-Moreau, mais pour ce faire, selon la volonté de
Raymond Brunet, il a attendu la mort de
Marie Brunet, la mère de ce dernier. Ce détail laisse supposer que les deux manuscrits contiennent le récit d'événements probablement choquants pour elle. Remarquons au passage que l'un des deux personnages principaux s'appelle Raymond, comme l'auteur… Un roman autobiographique ? La postface apporte des réponses.
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Nous retrouvons ici l'inspecteur Georges Gorsky, de la police de Saint-Louis, calme et ennuyeuse petite ville frontalière avec la Suisse. Notre inspecteur est toujours le même, un peu maladroit, peu sûr de lui, mal intégré au commissariat, mal adapté à ce milieu de notables provinciaux que son métier, ses enquêtes et sa femme lui imposent de fréquenter. Ce n'est pas un hasard, l'inspecteur est en plein déconfiture conjugale, ce qui semble le pousser à s'alcooliser, lentement mais consciencieusement dans tous les endroits, où il passe. Il enquête sur un accident de voiture. La victime, Bertrand Barthelme, notaire, n'avait rien à faire sur l'A35 qui relie Saint-Louis à Strasbourg ce mardi soir. Pour faire plaisir à la veuve qui ne lui est pas indifférente, Gorsky va mener l'enquête. Parallèlement, Raymond,
le fils adolescent du défunt, trouve dans le bureau de son père un papier avec une adresse à Strasbourg et décide de s'y rendre. Nous suivrons tantôt l'inspecteur, tantôt l'adolescent et nous réaliserons que ces deux-là, malgré leur différence d'âge et de statut social, se ressemblent beaucoup.
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J'ai aimé ce roman comme j'avais aimé le précédent. La mise en abyme, la complicité établie avec le lecteur, la grande connaissance de la littérature française et les différents hommages rendus à certains auteurs français me séduisent. Comme dans
La Disparition d'Adèle Bedeau, le coup de chapeau à
Simenon impose certains thèmes qui lui étaient chers : la vie étriquée de province, le manque de confiance en soi, la peur du ridicule, le souci du qu'en-dira-t-on, la médisance et la calomnie, etc. L'écriture aussi traduit l'admiration portée à cet auteur tant dans la précision des descriptions que dans la finesse de l'analyse psychologique des personnages. Vivement la suite !