AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Virginie Belzgaou (Éditeur scientifique)Alain Jaubert (Collaborateur)
EAN : 9782070424337
160 pages
Gallimard (23/04/2010)
3.64/5   100 notes
Résumé :
" Il me serait impossible de vous peindre l'effet que produisit en moi ce peu de paroles; l'éclair n'est pas plus prompt : je vis tout; je me vis négresse, dépendante, méprisée: sans fortune, sans appui. sans un être de mon espèce à qui unir mon sort, jusqu'ici un jouet, un amusement pour ma bienfaitrice, bientôt rejetée d'un monde où je n'étais pas faite pour être admise. "
C. de D.
L'histoire se déroule à la fin du XVIIIe siècle. Arrachée de justesse... >Voir plus
Que lire après OurikaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
3,64

sur 100 notes
5
5 avis
4
10 avis
3
3 avis
2
2 avis
1
0 avis
Publié en 1823, l'Ourika de Mme de Duras est une contribution unique à la littérature française : contre vents et marées, il représente une adolescente noire du XVIIIe siècle bien éduquée qui a toujours l'air à son meilleur jour et maîtrise à la perfection l'étiquette de l'aristocratie française. le ciel aurait dû être la limite pour ce personnage aux multiples talents, mais l'angoisse et la dépression s'installent quand elle réalise soudainement ce que signifie vraiment être noir dans une ère de ségrégation raciale. La prise de conscience de sa position précaire dans le monde n'est pas seulement une surprise, mais aussi une expérience bouleversante qui détruit les rêves, la confiance en soi et la perception d'Ourika. de la posture d'une enfant prodige insouciante attirant les faveurs des nobles françaises, elle se retrouve dans la position d'une jeune femme solitaire sans échappatoire à son existence pourtant misérable.

Le découragement d'Ourika et son ultime passage montrent le pouvoir de la société de briser ceux qui ont l'impudence de contester ses règles. Pourtant, à côté de tout cela, ce roman raconte aussi une histoire beaucoup plus édifiante, qui démystifie certains stéréotypes profondément enracinés qui ont nourri l'ordonnance sociale. Ourika paie de sa vie sa transgression des hiérarchies sociales sacro-saintes, mais elle fait aussi exploser les mythes sur les femmes – et les femmes africaines en particulier – qui persistent depuis des siècles. Elle parle de la capacité des femmes à accomplir des exploits extraordinaires dans tous les domaines de l'activité humaine. Ourika est un exemple éclatant du potentiel intellectuel et du succès des femmes ; l'une des toutes premières – sinon la première – représentations littéraires d'une femme africaine douée « accomplie en tout ». Sous la tutelle des meilleurs professeurs de son temps, elle a acquis une vaste gamme de compétences et de connaissances. Les lecteurs français ont dû attendre la fin du 20ème siècle pour trouver un autre roman présentant une reconnaissance similaire de la capacité des femmes africaines noires à réaliser des prouesses intellectuelles et sociales considérables.

On pourrait penser que l'héritage littéraire de Mme de Duras a disparu à cause des mains de grands esprits socialement acceptables qui ne pouvaient pas supporter le défi des femmes à leur hégémonie, d'où son quasi-absence de la littérature traditionnelle depuis deux siècles. Après la lecture de Mme de Duras et d'autres salonnières qui ont réussi à réorganiser les priorités sociales à l'époque de la Révolution française, il est difficile de comprendre pourquoi des personnalités aussi importantes sont encore rabaissées aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          491
Une lecture très touchante qui m'a happée dès les premières lignes. Pas mal pour un livre pioché au hasard sur littérature audio !
Un jeune médecin vient soigner une religieuse au couvent des Ursulines. Au fil de ses visites, il parviendra à gagner la confiance de cette femme qui va alors se confier et lui raconter sa vie et ses tourments.
D'origine Sénégalaise, elle échappe à l'esclavage à l'âge de 2 ans grâce à un homme qui la confie à Madame de B, une française, qui va devenir sa protectrice et bienfaitrice. La petite fille sera très bien traitée et éduquée : cours d'anglais, d'italien, de peinture, de danse... Ourika grandit et devient une jeune fille accomplie et cultivée. Mais en surprenant une conversation entre Madame de B et une amie de celle ci, elle va ouvrir les yeux sur sa condition et surtout son avenir. Dans la société où elle vit, qui parmi la noblesse française voudrait bien l'épouser? Ourika va éprouver la plus profonde solitude surtout que son compagnon de jeu, Charles, le petit fils de Madame de B, finira lui aussi par épouser une jeune fille de sa condition.
Un récit très bien écrit et émouvant.
Commenter  J’apprécie          440
J'ai découvert cette oeuvre et cette autrice grâce à LSD, La Série Documentaire, un podcast de France Culture, consacrée cette semaine à la naissance du racisme. Dans l'épisode sur le XVIII ème siècle, ce roman était cité plusieurs fois, et j'ai voulu le découvrir.
Pour moi, c'est un roman sur la société figée d'Ancien Régime plus que le roman d'une esclave. En effet, Ourika n'est techniquement pas esclave, elle a quitté l'Afrique à quelque mois pour être confiée à une noble dame, riche, aimante, qui l'élève comme sa fille. Ourika acquière toutes les qualités d'une fille de la noblesse - les langues, les arts, la politesse et l'art de la conversation. Elle est belle, brillante, intelligente. Mais, dans cette société fermée qui ne permet pas l'ascension couleur, elle "découvre" brusquement que sa couleur en fait une personne à part, qu'elle ne pourra pas trouver un égal pour fonder une famille, comme aurait pu faire la fille biologique de sa protectrice. Il y a donc, dans un style très pré-romantique, des torrents de larmes, et des réflexions sur la solitude : Ourika est à part, elle ne pourra jamais trouver quelqu'un qui lui ressemble.
Puis vient le bouleversement révolutionnaire : les sympathies de l'autrice sont clairement visibles. Alors que tous les nobles qui gravitent autour de mme de B., la protectrice d'Ourika, sont généreux, désintéressés, aimables..., les révolutionnaires sont tous des sanguinaires, régicides, imposant le culte de l'Être surprême et le serment des prêtres... Comme pour rétablir l'ordre des choses, Ourika elle-même ne voit dans la révolution des esclaves à St-Domingue que la violence et les massacres, refusant de se sentir proche d'eux.
"Il faut que tout change pour que rien ne change" est une formule du Guépard, pour suggérer qu'après des troubles révolutionnaires, les élites retrouvent le pouvoir, et les malheureux et exploités le restent. Tout se conclue donc de manière à restaurer l'ordre moral et l'ordre social, à retrouver l'ordre établi : les nobles et les prêtres récupèrent leur influence, Ourika ne sera pas adoptée, elle ne pourra pas faire de mariage mixte.
Vu sous le prisme du racisme et de la difficile intégration, le sujet aurait pu être passionnant. Mais le coeur du roman, c'est la souffrance intime d'une femme seule mal adaptée à sa société, avec des rebondissements prévisibles.
Commenter  J’apprécie          80
Merveilleux ce court texte du 18e siècle et finalement très contemporain. Au-delà du roman historique et du superbe dossier autour du thème du racisme, des femmes écrivains et du sexisme, de l'esclavage entre autres, les émotions d'Ourika font aussi écho à certaines solitudes contemporaines de ceux qui changent de classe sociale, incapables de revenir en arrière et incapables d'adhérer totalement à leur nouvelle classe sociale et d'y être pleinement reconnus comme des pairs.
Il n'est pas non plus tout à fait anodin que le personnage soit une femme (et l'auteure également). L'enfermement, l'impasse de sa condition tient beaucoup aux normes sociales imposées aux femmes et sur ce plan, les lois ont pu changer, les mentalités n'ont pas totalement suivi. La frontière matérielle est devenue un plafond de verre car c'est bien toujours la solitude absolue qui menace une femme qui ne se plie pas aux normes sociales attendues, surtout là où les classes sociales sont les plus hermétiques car les normes y sont moins remises en cause.
En moins de 70p, beaucoup de thèmes sont donc finalement abordés et de sujet de réflexion lancés, comme celui-ci aussi : pourquoi la Révolution qui abolit l'esclavage ne pourra rien pour Ourika ? Parce qu'elle n'est que politique, pas sociale. Parce qu'Ourika s'est trouvée placée au-delà des classes sociales, donc acceptable nulle part : trop noble ou trop noire ou trop cultivée, son identité est trop singulière !
Commenter  J’apprécie          100
Un joli petit roman avec une histoire très touchante, celle d'Ourika jeune fille d'origine sénégalaise qui sera adoptée par une dame de la haute société.
Elle l'aimera et la chérira comme sa propre fille, mais voilà, en grandissant sa couleur de peau va lui faire défaut dans cette société bourgeoise et aristocratique.
Elle surprendra une discussion de sa "mère" avec une de ses amies a propos d'un éventuel mariage et de son destin dans ce monde.
Elle éprouvera des sentiments très forts a l'égard de Charles le fils de sa mère adoptive mais celui ci va lui annoncer son mariage prochain et Ourika va plonger dans une profonde dépression.
Un magnifique récit ou de thèmes très important sont évoqués tel que le racisme,la condition sociale, le regard d'autrui dans la société, l'esclavage...
Face a tant de désillusions, notre héroïne décidera de prendre une décision radicale afin de mettre fin à ces souffrances, un très beau livre, très court mais qui mérite d'être découvert, je l'ai beaucoup apprécié.
Commenter  J’apprécie          100

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Jusqu’à l’époque dont je viens de vous parler, j’avais supporté mes peines ; elles avaient altéré ma santé, mais j’avais conservé ma raison et une sorte d’empire sur moi-même ; mon chagrin, comme le ver qui dévore le fruit, avait commencé par le cœur ; je portais dans mon sein le germe de la destruction, lorsque tout était encore plein de vie au dehors de moi. La conversation me plaisait, la discussion m’animait ; j’avais même conservé une sorte de gaieté d’esprit ; mais j’avais perdu les joies du cœur. Enfin, jusqu’à l’époque dont je viens de vous parler, j’étais plus forte que mes peines ; je sentais qu’à présent mes peines seraient plus fortes que moi.
Commenter  J’apprécie          40
L'âme vivait encore, mais le corps était détruit, et elle portait toutes les marques d'un long et violent chagrin.
Commenter  J’apprécie          130
Il me serait impossible de vous peindre l'effet que produisit en moi ce peu de paroles. L'éclair n'est pas plus prompt: je vis tout; je me vis négresse, dépendante, méprisée, sans fortune, sans appui, sans un être de mon espèce à qui unir mon sort, jusqu'ici un jouet, un amusement pour ma bienfaitrice, bientôt rejetée d'un monde où je n'étais pas faite pour être admise.
Commenter  J’apprécie          30
Il y a des illusions qui sont comme la lumière du jour: quand on les perd, tout disparaît avec elles.
Commenter  J’apprécie          90
Je mourrai, me disais-je, je veux mourir, mais je ne veux pas laisser les passions haineuses approcher de mon cœur. Ourika est un enfant déshérité ; mais l’innocence lui reste : je ne la laisserai pas se flétrir en moi par l’ingratitude, je passerai sur la terre comme une ombre ; mais, dans le tombeau, j’aurai la paix. Ô mon Dieu ! ils sont déjà bien heureux ; eh bien ! donnez-leur encore la part d’Ourika, et laissez-la mourir comme la feuille tombe en automne. N’ai-je donc pas assez souffert ?
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : classiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (243) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11095 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}