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EAN : 9791032906002
L'Observatoire (13/10/2021)
4.24/5   17 notes
Résumé :
Marylin Maeso revisite La Peste de Camus pour saisir, à la racine, les rouages de la déshumanisation. « Inhumain » ne se prononce pas à la légère. Dans l'imaginaire collectif, ce mot convoque les images sidérantes que charrient la guerre, la torture, le terrorisme et toutes les horreurs qui sèment ruines et charniers dans le sillage de l'Histoire. On le réserve ainsi à des phénomènes suffisamment anormaux pour revêtir à nos yeux l'apparence d'un scandale absolu. Et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce livre est dédié à la mémoire de Samuel Paty. J'ai relu La Peste avant d'entamer ce livre en 2021. Dans La petite fabrique de l'inhumain, Marylin Maeso se sert du livre d'Albert Camus pour accompagner sa réflexion sur notre époque. Comme dans La Peste, elle fustige l'incapacité que nous avons, contrairement à Tarrou dans le roman, de nous intéresser à l'insignifiant, qui devient donc insignifié et nous mène à des dangers que nous refusons de voir. le fait de ne pas nommer la peste nous donne l'illusion qu'elle n'est pas réelle : et pourtant homophobie, racisme, attentats et assassinats sont bel et bien présents dans notre histoire récente avec des discours que nous avons tous entendus depuis 2015 sur la responsabilité des victimes. Tous les symptômes de ce qui nous touche et va bientôt nous toucher sont déjà présents. A nous d'ouvrir les yeux, et les oreilles.
Autant vous l'avouer, la philo et moi, généralement ça fait deux, mais là j'ai tout compris. Il s'agit donc d'une lecture très abordable et inspirante. Je crois que je vais bientôt retrouver ce cher Camus (Albert et non Renaud!) au détour d'une étagère.
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Ouvrage intéressant, mais dont le niveau d'analyse chute souvent brusquement lorsqu'il se met à commenter l'actualité. Il commence par une distinction tout à fait féconde entre le "monstrueux" et "l'inhumain", puis travaille, à travers une étude de l'oeuvre de Camus, et notamment de "La Peste", à montrer comment nos habitudes perceptives, notre incapacité à demeurer attentif aux petits changements, conduit à l'apparition de cet "inhumain" qui nous surprend car nous avons été aveugles à ses symptômes.

On finit par comprendre où l'auteur veut en venir : la violence qui surprend tant les médias dans notre société (notamment la violence des islamistes, exemple le plus cité dans l'ouvrage) n'est que le résultat de leur incapacité à sortir de leur routine perceptive. On aurait donc pu éviter l'assassinat de Samuel Paty, et il convient de défendre Mila à tout prix. Des passages qui, renvoyant dos à dos l'essentialisation opérée par l'extrême-droite et celle opérée par l'extrême-gauche (coupable de complaisance envers l'islamisme d'après Maeso), sonnent très "Printemps républicain".

Force est toutefois de reconnaître que l'auteur ne rend pas toujours justice à l'argumentaire de ses opposants (pourquoi peut-on accuser Charlie Hebdo d'islamophobie, voire de racisme ? Pourquoi certaines injures, que l'on peut juger raciste dans la bouche d'un Blanc, ne l'est-elle pas dans celle d'un Arabe ?), qu'elle se contente d'évoquer avant de l'évacuer rapidement au nom de la "défense de l'universel" et du rejet de "l'essentialisation". Quand elle ne se prête pas à de véritables jugements à l'emporte-pièce (la démonstration de "l'homophobie" de la Manif pour tous, p. 70-72, frappe par sa platitude). Et que dire du fait que Maeso, après avoir reproché aux médias de monter en épingle des non-événements (p. 59-60), qui seraient sans cela restés de simples détails (on frôle d'ailleurs la contradiction, l'auteur ne cessant de répéter par ailleurs que l'attention aux détails importe) n'hésite pas à lister une foultitude de détails du même acabit (surtout p. 147-154) pour appuyer son analyse.

L'un des passages les plus intéressants de l'oeuvre reste cette étude de la controverse ayant opposé Camus et Sartre (et Jeanson) sur la question de la pertinence du concept d'universalité de la nature humaine pour lutter contre l'oppression (bon nombre de controverses actuelles pouvant être analysées à travers l'opposition de ces deux auteurs). Mais là encore, les arguments de Sartre sont à peine évoqués qu'ils sont déja refutés par l'idée que la révolte "est un lieu commun" et "l'affaire de tous les humains" (p. 146), sans que soit suffisamment montré ce qui, dans l'argumentaire de Sartre, permet justement de contester ce point.

Bref, un ouvrage qui a le mérite de relire Camus à travers un prisme relativement peu évoqué chez lui (la question de l'habitude, de l'attention, et de l'abstraction), en en montrant les conséquences dans l'analyse de l'actualité. Pour le reste, le livre ne prêchera que des convaincus.
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L'auteur analyse l'inhumain perçu comme spectaculaire alors qu'il est banal, quotidien et récurrent dans la société. le roman de Camus "la Peste" sert de fil conducteur à cet essai. Les petites compromissions, les inflexions perçues comme anodines, l'insignifiance nous mènent au pire. Cette "atonie d'accoutumance" prépare à la catastrophe qui ne surgit pas de rien, brutalement. le déni, la minimisation, la part belle faite à la polémique face à l'analyse, un langage peu précis, l'euphémisation du mal (Déni face à l'Islam radical, face au racisme, antisémitisme, homophobie).
Les attentats de Charlie Hebdo, ceux du Bataclan, l'assassinat de Samuel Paty surprennent alors qu'ils ne sont que l'aboutissement d'un aveuglement, d'une minimisation des problèmes). La déshumanisation se répand par mille canaux.
L'auteur analyse les propos de la manif pour tous, ceux de l'extrême droite, certains discours anti racistes qui essentialisent ceux qu'ils défendent, ceux de nombreux journalistes ou politiques face aux attentats, dans leur analyse de l'affaire Mila. Nos sociétés se parcellisent, s'émiettent et l'humanisme de Camus devrait nous rassembler et nous inviter à la méfiance face aux progrès de l'inhumain.
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Nous croyons sous l'empire de l'habitude et à la nécessité d'une succession dans le temps. Il va de soi que Camus ne dénie pas pour autant le droit d'utiliser cette notion. Une vie fondée sur l'idéologie du scepticisme inhumain serait insupportable. Les croyances, ramenées à la modestie et à la relativité par le scepticisme, sont souvent indispensables dans la vie courante. Les uns et les autres prennent ou feignent de prendre les croyances pour des idées. À chaque instant dans la vie courante, nous disons que tel phénomène est cause de tel autre.
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Un début prometteur, puis une grosse partie consacrée au commentaire du livre "La peste" de Camus, j'ai moins accroché, ce n'est pas ce que je recherchais (avec tout le respect que j'ai pour Albert Camus).
Et un dernier tiers à nouveau très intéressant.
Pour le style, il faut lire patiemment, certaines phrases longues peuvent paraître un peu alambiquées.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
En ce qui concerne les violences sexuelles, la médiation récente de l'affaire Matzneff, qui a vu le romancier au centre d'un scandale impliquant ses textes décrivant des actes de pédocriminalité dont il a toujours revendiqué l'authenticité, a été l'occasion d'une mise en lumière du fonctionnement de ce système. Pour que l'écrivain puisse raconter les sévices qu'il a infligés à des mineurs sur le plateau d'Apostrophes, devant un Bernard Pivot fasciné, avide d'obtenir plus de détails de la part de celui qu'il qualifie de: professeur d'éducation sexuelle et de collectionneur de minettes et un panel d'invités hilares, à l'exception de Denise Bombardier, qui prend le parti d'appeler les choses par leur nom en dénonçant l'abus de pouvoir au fondement de tout acte pédocriminel, et qui, pour cette raison, n'est pas écoutée...
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La différence entre le monstrueux et l’inhumain semble se loger dans la dissipation de l’ambiguïté que charrie le premier au profit du divorce chirurgical que dénote le second. La nuance est celle qui sépare l’effroyable de l’irréparable. Là où le monstrueux interroge notre identité et fait tanguer ses contours pour nous amener à le redéfinir en nous recentrant sur l’essentiel, l’inhumain fait l’effet d’une déflagration qui ébranle jusqu’à nos repères les plus fondamentaux. le premier ouvre le champ de réflexion. Le second expose un champ de ruines. (Page 11)
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La tranquillité d'une vie sans surprises a un prix: plus l'insignifiance prédomine, et plus l'attention se relâche, ne pouvant être retenue que par des signaux retentissants. Plus l'existence se résume à un enchaînement répétitif de gestes, de paroles, d'images, et moins nous serons sensibles à leur contenu, à leurs implications et à leurs potentiels effets délétères.
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Prologue
Baisser le rideau pour lever le voile
Le qualificatif inhumain est un peu comme le service de porcelaine: on le réserve d'ordinaire pour les grandes occasions. Il ne faut pas moins d'une guerre sanglante, d'un génocide, d'un attentat terroriste ou des sévices particulièrement sadiques pour qu'on vienne à estimer que la situation nous dépasse.
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Si l'effondrement de nos repères et de nos valeurs nous offre l'occasion d'un examen de conscience salutaire, il n'en demeure pas moins que ce dernier, loin d'être une évidence, relève souvent du rendez-vous manqué, car l'issue du calvaire est plus propice, comme le montrera la fin du roman, à la fête, à l'oubli et au retour des vieilles manies qu'on appelle "la normale" qu'à la prise de résolutions durables. Tout l'enjeu, pour enrayer la résurgence cyclique de la peste, est donc de maintenir vivante l'exigence d'authenticité, notamment en exposant sans fard la réitération systématique de cette association mortifère entre une parole mystificatrice et la désinhibition de la violence.
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Videos de Marylin Maeso (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marylin Maeso
Marylin Maeso, spécialiste de la pensée d'Albert Camus, travaille sur l'essentialisme et la philosophie politique contemporaine. Auteure notamment des "Lents demains qui chantent" (2020) à L'Observatoire, elle avait auparavant publié "Les conspirateurs du silence" (coll."La relève" dirigée par Adèle van Reeth, L'Observatoire, 2018). Un essai qui dénonce l'"esprit de système" qui aujourd'hui empêche tout dialogue. C'est notamment le cas sur Twitter, réseau auquel Marylin Maeso s'est inscrite en 2016 et dont l'évolution nous parle d'un mal qui a pris la société entière. En outre, dit-elle, l'anonymat y sert de catalyseur de haine.
Une émission avec Julien Bisson, rédacteur en chef de l'hebdomadaire "Le Un".
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