En 1998 on m'avait incité à lire cet ouvrage ,annoncé comme révolutionnaire et ouvrant des perspectives nouvelles ;je l'ai vu ,je l'ai lu ,je n'ai pas été convaincu . Outre un langage assez jargonnant (quelle agaçante manie de l'étymologisme!) les idées exposées (pour autant que j'ai bien compris) me paraissent reprendre quelques vieilles lunes réacs (tout est de la faute des soixanthuitards) et une apologie de la communauté (réintitulée tribu) qui viendrait se substituer à l'individualisme contemporain si souvent dénoncé.J'ai lu ensuite des critiques de l'ouvrage qui en dénonce le manque de rigueur. La conversion de l'auteur à la sarkolâtrie a fini de me convaincre.
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Pour reprendre notre propos initial, « la civilisation languissante a besoin de barbares pour la régénérer ». Est-il paradoxal d’indiquer que l’Étranger permet que s’instaure une nouvelle culture ? Le rôle des Romains par rapport à la civilisation grecque, celui des barbares face à l’Empire romain finissant, plus près de nous l’appellation de « Huns de l’Occident » (die Westhunnen) qui fut donnée aux protagonistes de la Révolution française, ou encore ce cri de ralliement : « Hourra la révolution par les cosaques », qui fut celui de certains anarchistes fatigués de la faiblesse du bourgeoisisme, tout cela souligne l’importance culturelle de l’étrangeté fondatrice. Et le récent film de Mosco Des terroristes à la retraite montre à loisir que, durant la résistance contre l’oppression nazie, de nombreux défenseurs de l’idée France, et des plus vigoureux, furent des apatrides de tous pays. Moins assoupis que certains bons Français, ils se battirent et offrirent leur vie au nom des idéaux qui, pour eux, symbolisaient ce pays qu’ils avaient choisi comme terre d’accueil.
Ce qui est certain c’est que tous les grands empires dont nous parles les histoires humaines sont issus des brassages que l’on sait.
(…)
Pour ce qui regarde notre post-modernité, il est temps de tirer les conséquences de l’hétérogénéité constitutive de nos sociétés. Hétérogénéité qui n’en est d’ailleurs qu’à son début. Dans les bouillons de culture que sont les mégapoles contemporaines, il n’est plus possible de nier l’Étranger, ou de dénier son rôle (…) les valeurs de l’Aufklärung qui, exportées, se sont constituées en modèle pour le monde entier paraissent saturées. Et à leur place, comme dans d’autres périodes de l’histoire, on voit se substituer une effervescence sociétale, favorisant le brassage, la miscibilité, le mélange de l’Occident et de l’Orient. En un mot le polythéisme des valeurs. Polythéisme bien informe, indéfini, mais quel il faut être attentif, car il est gros de l’avenir.
Les barbares sont dans nos murs. Mais faut-il s’en inquiéter puisque pour partie nous en sommes ? (pp. 193-195)
MAFFESOLI 20 FÉVRIER 2019 À 13:40 / RÉPONDRE
Le mot « tribu » employé à l’époque, était une sorte de « provocation » (pro vocare : appeler en avant, nous sortir de nos lieux communs. Métaphore simple : dans les jungles, stricto sensu, la « tribu » permettait de serrer les coudes, de lutter contre l’adversité extérieure. Dans les « jungles de pierre » que sont nos mégapoles, la « tribu » postmoderne repose sur le partage d’un goût (sexuel, musical, sportif, culturel), et ainsi permet de « serrer les coudes ». Internet aidant, elle favoris le partage, l’échange, la solidarité. Ne sont-ce point des valeurs maçonniques ?
C'est ce mouvement qui va de la culture à la civilisation ,puis encore à la création de culture ,qui se donne à vivre dans le polythéisme (antagonisme) des valeurs que nous vivons aujourd'hui.
Le monde qui vient : Duo Michel Maffesoli et Louis Fouché