Imaginez un monde plus proche de la nature, un monde où l'homme, débarrassé des appareils électroniques, peut se connecter n'importe où, n'importe quand, avec n'importe qui.
Un monde où un génie, surnommé
LoveStar, est consumé par ses idées, idées qui ont changé la face du monde.
Un monde où un couple vit un amour des plus mièvres dans la félicité la plus totale.
Un monde idyllique en somme? Pas vraiment.
Ce premier roman d'
Andri Snaer Magnason, un auteur islandais que je ne connais guère, m'a laissé une impression forte et durable. L'imagination y est grande, foisonnante, les idées nombreuses et originales. Ici, point de hard-SF : soyez prévenus. Ce n'est pas l'objet de ce livre.
Son objet? Il ne se donne pas facilement. Une fable grinçante, un miroir déformé, une satire féroce : indubitablement. Mais encore? Une dystopie? Probablement. Mais une dystopie qui a de l'humour.
L'hypothèse de départ peut surprendre : à la suite de divers changements climatiques, ma foi assez surprenants (Chicago ensevelie sous le miel !), et d'une découverte tout aussi extraordinaire, l'humanité a pu se libérer des clés USB, fils, Wi-Fi et autres machins et bidules électroniques.
Libéré de cette technologie asservissante, l'humanité n'en a été que plus heureuse. Mais à quel prix?
Des critiques que j'ai pu survoler,
LoveStar serait un roman dénonçant le consumérisme. Indubitablement, il y a de cela : le Service Ambiance prend le pas sur d'autres services ;
LoveStar est trop occupé à avoir de nouvelles idées et à les faire accoucher pour se soucier véritablement des implications de ses créations ; la technique remplace le libre-arbitre, l'individu s'efface et s'en remet à des algorithmes qui ne disent pas leurs noms ; les hommes deviennent des outils pour les stratégies de communication des uns ou des autres (et pas que des entreprises).
Mon impression, c'est que l'auteur ne critique pas la technologie en soi, ni la consommation en soi : notre technologie moderne est d'ailleurs mise de côté dès le départ, tout comme nos modes de consommation. le problème, ce n'est pas la technique, c'est ce qu'on en fait et surtout la place qu'on veut bien lui donner : subordonner votre liberté la plus fondamentale à une machine, à un algorithme, à un procédé dont vous ne comprenez rien, c'est abdiquer quelque chose de fondamental.
Loin d'être technophobe, ce roman me paraît être un appel à la sagesse dans l'usage et la place laissée à telle ou telle technologie. Prenez inLove, par exemple, qui vous choisit votre âme soeur selon des critères scientifiques incontestables (et le résultat est là, ce n'est pas du charlatanisme) : que faire face à cela? Accepter? Se rebeller? Pour ceux qui regardent la série Black Mirror, c'est là le thème de l'épisode 4 de la saison 4 (et je ne peux m'empêcher de penser que les créateurs de Black Mirror ont lu
LoveStar pour réaliser cet épisode…).
Islande, Sumer, même combat?
Une autre critique que je vois revenir est l'invraisemblance des technologies déployées dans le roman. Sans entrer dans le détail, il s'agit avant tout d'une technologie fondée sur la transmission des données s'inspirant « des ondes des oiseaux« .
C'est, à mon avis, une critique qui rate quelque peu sa cible : la vraisemblance n'est pas du tout un objectif de ce livre. Il s'agit, de toute évidence, d'une fable, d'un conte. Pour tout vous dire, je ne peux m'empêcher de penser à Pinocchio : serait-il juste ou pertinent de juger de la qualité de Pinocchio en se fondant surtout sur le fait qu'un pantin de bois ne peut vivre sa vie? Ni devenir un petit garçon?
Comment classer cette oeuvre? Il s'agit de littérature de l'imaginaire, c'est certain, mais encore? de la science-fiction? Certes, les procédés scientifiques y tiennent une place, mais ne sont au fond que le prétexte à des idées, des concepts, qui sont explorés dans le détail. Il ne s'agit pas d'anticipation, ni de SF d'anticipation : personne ne pense sérieusement que ce qui est décrit dans le livre puisse advenir de la façon dont cela est décrit -cela étant dit, je rappelle que ce livre a été publié en 2002, soit avant Google, Facebook, Twitter & consorts, les réseaux sociaux n'existaient pas : bien que ne relevant pas, à proprement parler, de la SF d'anticipation, il reste que ce livre contient en son sein des intuitions fulgurantes-. Si je devais classer cette oeuvre, je la rangerai du côté des contes futuristes, à mi-chemin entre la dystopie et la SF humoristique. Mais au fond, doit-on classer ce roman? Je vous laisse y réfléchir.
L'intrigue est, je le crains, le point faible de cette histoire. Je vous le dis franchement : je n'ai pas accroché à l'histoire de ce jeune couple islandais qui essaie de surmonter la fatalité algorithmique d'inLove pour vivre son amour en toute authenticité. Est-ce de mon fait? Je ne crois pas : cette histoire d'amour me paraît être un accessoire : on y revient de temps en temps, la chose se met en place très doucement, et la conclusion n'a rien de spectaculaire pour cet arc narratif-ci. Si vous cherchez une fresque épique mettant en scène deux amoureux transis triomphant d'un monde froid et indifférent, c'est clair, vous allez être déçu.
Mon avis? Prenez ce livre pour ce qu'il est : une parabole, un conte relevant de l'imaginaire mais qui n'en reste pas moins ancré dans certains aspects du réel, que ce soit notre relation à autrui ou à la technologie. N'y cherchez pas de la hard-SF ou une histoire d'amour, et tout ira bien.
Pour une critique (un peu) plus complète, vous pouvez aller sur mon blog !
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