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Critique de cprevost


Notre monde nous invite sans cesse à vivre le seul instant présent. C'est à chaque moment la dictature de l'immédiateté. Pour descendre le Danube avec Claudio Magris il faut au contraire pouvoir prendre tout son temps, être disponible. Il faut avec lui s'arrêter, digresser, réfléchir, mémoriser, savoir poser son livre pour ne le reprendre que plus tard.

La métaphore du cours d'eau tout naturellement pour cet ouvrage s'impose. « Danube » est un roman fleuve. Claudio Magris écrit dans les premières pages de son livre que l'écriture devrait couler comme des eaux fraîches, jaillissantes, timides et pourtant inépuisables. de la source au delta, le livre suit cette intarissable voie fluviale qui seule unissait autrefois l'Europe à l'Asie, l'Allemagne à la Grèce. Il parcourt les siècles et draine avec lui une formidable érudition. le cabotage de Vienne à Bratislava, de Budapest à Belgrade et entre bien d'autres villes encore, permet d'admirer un paysage, de s'arrêter devant la façade d'une maison, de visiter un modeste appartement. Ces villes aux noms multiples – comme Bratislava la slovaque, Presbourg l'allemande, Pozsony la hongroise – nous font rêver. Les personnages sur les rives sont Goethe, Kafka, Roth, Ionesco, Musil, Heidegger, Cioran mais aussi Eichmann et Céline. Ce sont parfois pour nous d'illustres inconnus et pourtant, nous dit l'auteur, de prodigieux littérateurs. La plus petite communauté semble avoir sa grande oeuvre à la vitrine d'une merveilleuse et secrète librairie. le Danube, contrairement au Rhin souvent considéré comme le gardien mythique de la pureté de la race, est un fleuve qui croise et mélange les peuples. Ce livre fait de même, il rapproche. Ainsi, dans l'Europe centrale et orientale si souvent enveloppée d'un halo symbolique d'anti germanisme, il fait la place belle à la germanité. Il ne considère pas moins l'Europe des Habsbourg, havre de tolérance, de bonhomie et de coexistence. Il passe, plein de curiosité, de part et d'autre du rideau fer. Il repère également «les sédiments laissés par les crues orientales successives ». Ces pages, impossibles à résumer, on l'aura compris, sont bouillonnantes de toute la Mitteleuropa germano magyaro slavo judéo romane.

Claudio Magris, le triestin, l'homme des frontière, l'érudit semble inépuisable comme son sujet. L'auteur, dialecticien accompli, manie la contradiction avec maestria et dans ces très belles pages, il n'est jamais fait appel à l'horripilant ni-ni. « Danube » est une oeuvre pleine de finesse et de profondeur, un livre, non pas pour une île déserte, mais pour un monde débordant de vie.
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