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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il n'y a que Norman Mailer pour démolir tous les poncifs attachés au mythe du rêve américain : sous sa plume l'Amérique ressemble à l'antichambre du chaos où les individus se débattent contre leurs névroses et leurs angoisses.

Et Stephen Rojack, héros de la guerre 39-45 traumatisé par ce qu'il a vu en fait partie. Revenu à la vie civile, il fait de la politique sans grande ambition, fini par être professeur d'université et s'essaie à la télévision sans grand enthousiasme. Il épouse Déborah, une jeune mondaine riche qui se révélera très vite cruelle et cynique. Les années de mariage se transforment en vague de haine et de rancoeur qui fluent et refluent jusqu'au jour où les morsures pleines de fiel se font plus aigues. Ne pouvant contenir ses pensées fétides et la rage qui en découle, Rojack tue sa femme. Il en éprouve une jouissance libératrice qui le conduit à maquiller le meurtre en suicide.
Seulement cette jouissance est de courte durée… il s'ensuit des jours ressemblant à une descente en enfer.

C'est un roman décapant d'une noirceur extrême où règne de manière continue une tension obsédante, voire hypnotique : on est aveuglé par les lumières blafardes des néons de New York et épuisé par les nuits blanches de Rojack arrosées au whisky. On est sans cesse plongé dans un flot de pensées éclatées qui jaillissent et assaillent Rojack. Il faut reconnaître que l'alcool permet d'expédier toutes les pensées primitives et tous les cadavres décomposés. C'est un récit nerveux où le lecteur a véritablement peu de répit lorsqu'il prend conscience du portrait d'un homme en perdition qui s'engouffre dans les entrailles de la souffrance et de la peur. Mailer ne nous épargne rien, il ne se soucie guère de l'esthétique.
Oui le plaisir de la lecture se mérite ! Il faut adhérer à l'écriture obsessionnelle et à l'imagination sans fard de l'auteur pour se laisser prendre par le pouvoir d'attraction du roman. le plaisir est réel pour tous ceux sont attirés par le subversif, le désenchantement et toute une galerie de personnages torturés qui semblent empruntés aux romans d'Ellroy : des flics tordus, des filles paumées, des mafieux, sans oublier des interrogatoires et des dialogues qui ressemblent tantôt à des matchs de boxe entre esquives et coups directs, tantôt à des parties de poker entre bluff et coups agressifs.
Ça sent la violence, la fureur, le rut, l'alcool, le rance, les vomissures ….ça crache le cynisme depuis le tréfonds des entrailles comme si tout était condamné.
Mais derrières tous ces vices apparents, on décèle toutes les obsessions de l'Amérique : la peur de la mort, des maladies, de la Rédemption et de la guerre éternelle dans laquelle Dieu et le Diable se sont engagés… le mal est si profondément ancré dans ce portrait peu flatteur du pays que l'auteur émet l'hypothèse que le Démon peut un jour éventuellement gagner.

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Stephen Rojack est un gros c**. Dès le début du roman, l'auteur n'y va pas par quatre chemins ! de but en blanc, comme ça sans prévenir, il nous donne dans le meurtre, l'humiliation, le suicide, le sexe et la sauvagerie. J'aurais pu lâcher le roman aussitôt, mais comme il s'agit de Norman Mailer, chaque mot pèse son poids, chaque mot a son importance, chaque phrase chez Mailer est un vers de poésie.

Avec une force et une vérité dans sa plume, l'auteur a la capacité de révéler la poussière sous le vernis, la fêlure sous le placo, la fissure au plafond, bref, c'est un auteur qui livre une oeuvre absolument magistrale.

Stephen Rojack, pur produit américain, donc, tue sa femme, fait passer la chose pour un suicide... Cela aurait pu passer comme une lettre à la poste, mais les flics de là-bas, ce genre d'histoire, ils connaissent... Cependant, Stephen Rojack a des amis qui lui veulent du bien (ou pas), des amis puissants.... sauf que, Rojack aura du mal à vivre avec ce secret, ce meurtre.

A travers cette histoire étrange, absurde parfois même, Norman Mailer nous entraîne dans les bas-fonds, les détours les plus sombres de l'Amérique, dans les rues les plus sales, les arrière-salles les plus obscures et les appartements les plus lugubres. A travers le récit d'un raté, Mailer délivre un portrait grinçant et glacial des Etats-Unis d'Amérique, entre corruption, pouvoir, sexe, argent et culture de la consommation, et puis surtout les problèmes de moeurs, la religion, cette religion qui entrave, et enfin le racisme, qui s'insinue dans les veines de chacun... L'Amérique dans toute sa splendeur ?

Un roman coup de poing, un roman qui brise des miroirs, qui vous emporte dans de très belles envolées lyriques et poétiques, en bref, j'ai été estomaquée !
Lien : http://www.unefrancaisedansl..
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Déniché chez Oxfam, c'est le premier Norman Mailer que je lis et celui-ci m'a donné envie d'en lire d'autres. Tour à tour noir, pornographique, poétique, drôle parfois, il est animé du souffle des grands romans américains. Certes, l'anti-héros Stephen Rojack est agaçant mais il n'est pas seul à l'être et c'est une vision pessimiste du monde qui s'offre ainsi au lecteur. Un monde pourri par l'argent, la violence et le sexe. Finalement, depuis 1965,rien n'a beaucoup changé.
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Je crois que j'ai compris. Un rêve américain. Un-Rêve-Américain.
"Comme je reposais le savon, je sentis son poids vivant dans ma paume, puis j'entendis un léger bruit mou quand il rencontra la céramique. J'aurais contemplé ce bruit pendant une heure entière. de même avec la chemise. Quelque chose était en train de me démontrer que je n'avais jamais compris la nature d'une chemise."
Contempler un bruit. Comprendre la nature d'une chemise. Il ne fallait pourtant pas chercher trop loin : eh, c'est écrit dans le titre ! le mec rêve, et ça se passe en Amérique, c'est donc un rêve américain. Comme l'Etranger, de Camus, qui ne se passe pas en Amérique mais raconte un peu le même genre de rêve : le mec dort dans la journée, il rêve, il a trop chaud, la lumière du soleil par la fenêtre lui pourrit les paupières, il est fatigué, il tue un gars, passe en procès, va être exécuté... Et s'il est étranger à tout ça, c'est juste que c'est un rêve et qu'il se réveillera crevé, sans doute, en sueur, sans doute, mais soulagé de garder la tête sur les épaules.
Comme le film Duel de Spielberg. Un cauchemar. On ne voit jamais le conducteur du camion. On frôle la mort mais elle n'arrive jamais. On veut fuir mais la voiture ralentit. On ne comprend pas pourquoi le gars fait ça. Mais au moment du clash final on se réveille et tout s'apaise.
Un rêve, un mauvais rêve, un cauchemar : avec cet angle, les trois oeuvres prennent tout leur sens.
Intéressant, ya pas. Bon, je reprends ma lecture. D'un oeil neuf.
Les enfants, cette révélation change tout.
Un régal.
L'homérique, la dantesque scène de cul de la page 60, tout s'explique soudain et du coup, se savoure. Je pensais au début : c'est de la haute littérature mais qui se la pète un peu, avec ses facilités lyrico-glauques, et surtout ses vagues surréalistes un rien faciles. La terre est bleue comme une orange, d'autres l'ont fait avant, même moi je peux le faire…
Je ne le juge plus comme ça, à présent que je "sais". Comme pour l'Etranger, le léger agacement que je ressentais s'est évaporé suite à cette découverte. C'est du grand art qui nous retranscrit l'étrange atmosphère des rêves, c'est très fort. Tout hante ce héros durant les 36 heures que dure "l'action". L'épuisement, notamment. On est crevé pour lui. "Dormir, mourir, juste dormir" comme dirait un héros shakespearien. Tout le hante, l'appel du vide, l'enfant à faire ou non, la jalousie en coups de poignard passagers, l'infinie tendresse mais qu'il s'empresse de refuser, l'alcool qui dissout ses veines et son cerveau, la possibilité d'un amour, l'envie de dormir, la rédemption impossible, les regards en coin des policiers, le parapluie de Shago…
Et ça pue. Il insiste beaucoup sur les odeurs, ça ne peut que toucher la parfumista que je suis, auteur notamment du topic "Fleur de calbute" qui répertorie avec toutes les stars de BT les odeurs trouduculières, animales, faunes, orgasmiques, ondiniques ou pédestres, transpirantes et autres fêtes du slip qu'on retrouve dans les parfums qui osent. Car il évoque les odeurs de mort, d'excréments, de charogne, de stupre, d'égout… Et puis la sueur et la tambouille en odeurs émanant des flics qui le serrent (de près, à nous faire suffoquer, nous aussi). Son nez lui raconte quantité de choses, il y a rarement des odeurs dans les rêves, lui en fait presque des personnages intervenant dans son délire semi-cauchemardesque. Pour ajouter une grosse couche à l'oppression qu'il ressent. Mourir, juste dormir. Ou vivre. Un vrai Hamlet, ce Rojack.
Norman Mailer a un jour attaqué sa femme avec un couteau, ce geste est resté dans son bras, dans sa plume. La guerre aussi a frappé, images qui s'incrustent et ne veulent pas partir. Tant de tourmente.
Et puis j'ai lu quelques indices semés qu'un autre évènement a peut-être ajouté une couche à son mauvais rêve. Très curieux :
Pour commencer le livre, une première phrase qui est venue me cueillir, moi qui sortais de trois millions de bouquins sur les Kennedy et ne m'attendais pas à les retrouver ici : "Je rencontrai Jack Kennedy en Novembre 46. Héros de guerre, tous les deux, et nouveaux élus au Congrès". Il évoque Jack un peu plus tard, sans que ça ait vraiment de rapport avec ce qu'il raconte. Vers la fin du livre, c'est le père qui reçoit un appel de Jack. Et en toute dernière page, quand le héros trouve une cabine téléphonique et appelle, on lui répond "Alors, hello chéri, je pensais que tu n'appellerais plus. C'est plutôt calme en ce moment, et les filles sont très bien. Marilyn te dit hello. On s'entend bien, c'est bizarre, car les filles ne pigent jamais." Ca n'a aucun rapport avec l'histoire et il appelle une femme, pourtant ça pourrait être un commentaire amusé de Jack Kennedy à un vieux copain, à propos de toutes ses maîtresses, dont Marilyn qui avait d'intéressantes discussions avec lui… le livre finit six lignes plus bas. Et on voit après le point final de l'étrange rêve, comme une lettre datée : "Provincetown, New York - Septembre 1963 - Octobre 1964".
Kennedy s'est fait assassiner en novembre 1963, deux mois après que Mailer a commencé son roman. La gifle a été terrible pour toute l'Amérique, et même pour la terre entière, je veux bien imaginer que quand on a côtoyé ce charmant garçon au sourire éclatant et à l'aisance irlandaise, irrésistible, timide, attachant, qu'on a suivi de près son parcours jusqu'à la présidence, et qu'on apprend comme tout le monde sa mort, il y a de quoi gamberger douloureusement dans ces ondes morbides, à essayer de digérer l'indigeste réalité.
En 1974 et en 1980 Norman Mailer écrit deux livres sur Marilyn Monroe. En 1995 il écrit la biographie de Lee Harvey Oswald, réputé être l'assassin de Kennedy. Que l'ombre du jeune et beau président, compagnon jadis de beuveries et de drague, vienne aussi hanter ce rêve américain, ça tombe presque sous le sens… Et tiens maintenant que j'y pense, le héros s'appelle Rojack. Raw-Jack.
J'adooooore ce genre de mystère.
Presque envie de me replonger dans cette épuisante aventure onirique, pour y déceler des choses que j'aurais ratées…

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"Un rêve américain" m'a plutôt laissé l'impression d'avoir navigué en plein cauchemar !

Si je m'en tenais à vous en résumer l'action, cela pourrait donner.... ceci :
États-Unis, années 60. Stephen Rojack, ex-député, héros de guerre, professeur d'université, vedette d'une émission de télévision, tue sa femme Deborah, riche héritière à la personnalité trouble et charismatique. Il maquille le meurtre en suicide en défenestrant le cadavre de sa défunte épouse.

Voilà pour les faits. Mais ce qui fait l'originalité et l'intérêt de ce roman, c'est la façon dont Stephen, le narrateur, perçoit ces événements. Tel un guide halluciné, il nous plonge dans les limbes d'une jungle très particulière, née de sa perception suraiguë et de son interprétation parfois surnaturelle de la réalité. Oui, c'est bien dans une jungle qu'il nous donne l'impression d'évoluer. L'omniprésence d'odeurs -animales, corporelles, émotionnelles-, les allusions récurrentes à la mort, la peur, la violence, sont autant d'éléments qui alimentent ce sentiment.
C'est comme si Stephen, doté d'un regard extra-lucide, perçait les apparences policées de son environnement "civilisé" pour accéder aux profondeurs malsaines d'une humanité redevenue primitive et prédatrice. le personnage de Deborah en est un exemple parlant. Comparée à une tigresse, exsudant des relents charnels évocateurs tantôt de pourriture et de haine, tantôt de désir sexuel et de séduction, elle prend à nos yeux une dimension extraordinaire, à la limite du fantastique, à la fois effrayante et fascinante. L'ensemble du récit est d'ailleurs empreint de touches surnaturelles qui, si elles peuvent sembler au départ surprenantes, s'accordent finalement assez bien avec les capacités des sens exacerbés de Stephen (ou avec sa consommation excessive d'alcool ?!). Apparitions fantomatiques, prémonitions, télépathie... s'insèrent donc tout naturellement dans la vision que porte ce dernier sur ce monde cauchemardesque. le nôtre ?

Il semble bien en tout cas que Norman Mailer ait voulu dépeindre l'envers du rêve américain, au sens littéral du terme, en traquant la malfaisance et la perversion cachées derrière les apparences, la laideur dissimulée par les signes extérieurs de richesse.
De même, il décrit les rapports qu'entretiennent ses personnages en insistant sur leur duplicité : qu'il s'agisse de séduire ou de dominer l'autre, ils donnent sans cesse l'impression de s'affronter dangereusement... avec pour arme principale le langage, une arme que l'auteur leur fait manier avec subtilité et profondeur.

Avec "Un rêve américain", Norman Mailer nous trouble et nous bouscule, et si la lecture de son roman n'est pas toujours confortable, elle n'est en revanche jamais fastidieuse ou prévisible.
Ce fut pour moi une découverte à la fois particulière et vraiment intéressante.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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UN RÊVE AMÉRICAIN de NORMAN MAILER
Stephen Rojack est l'anti héros parfait. de retour de la guerre il s'essaye à la politique puis à la télévision sans grand succès. Il se marie avec une riche héritière qu'il assassine et maquille le meurtre en suicide.
C'est un roman noir, désenchanté, noyé dans l'alcool, le sexe et l'argent. Un mélange de BUKOWSKI et de James Ellroy. Une vraie claque que cette descente aux enfers.
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