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Citations sur Oasis interdites : De Pékin au Cachemire, une femme à tra.. (12)

Depuis six mois, j’ai souvent eu l’impression de me trouver sur une planète différente, et je suis, à vrais dire, comme rayée déjà du reste du monde ; ma famille, mes amis ont appris à se passer de moi ; mon éloignement, mon isolement m’ont enseigné enfin que je suis inutile à l’« ordre des choses » !
Oui, c’est certain, mais ce qui importe, c’est moi, qui vis au centre du monde. Ce moi qui n’a pas encore eu le temps d’accomplir quelque chose de valable, quelque chose qui me prolonge, me sauve du néant et satisfasse – ne serait-ce que petitement – à ce goût de l’éternel qui m’habite.
Mais, pour le satisfaire, quel bizarre moyen je prends en faisant vingt-cinq kilomètres par jour pendant des mois… Une fois de plus, comme au cours des nombreuses heures vides de ce voyage, je me demande ce qui me pousse vers les quatre coins du monde ? Oui, je sais, je veux voir toujours du nouveau et je répète avec le poète :

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

mais ce n’est là qu’un effet ; quelle est la cause de cette curiosité qui m’éperonne, de ce besoin de voir, de comprendre ? Est-ce que je ne fais que dresser des difficultés devant moi pour avoir le plaisir de les surmonter ? D’où viennent les attractions auxquelles je me soumets aveuglément et qui décident pour moi ? (p. 280-281, Chapitre 14, “Au Pamir”, Partie 2, “L’imprévu”).
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Peter découvre avec émerveillement la vie des nomades, vie vieille comme le monde... Il est tout aux joies de l'initiation. Moi, au contraire, je retrouve une partie de mon passé et je continue en quelque sorte le voyage commencé au Turkestan russe ; je connais déjà l'odeur des chameaux, leur haleine fétide quand ils ruminent, je sais la halte au point d'eau, la collecte du crottin pour le feu et les joies que procure le thé bouillant ; je n'ignore pas la recherche des bêtes égarées à la poursuite de leur pâture, ni le silence des nuits où les yeux brûlent d'avoir trop regardé dans le vent. J'aime cette vie primitive où je retrouve la faim qui transforme en joie solide chaque morceau mis sous la dent, la saine fatigue, qui fait du sommeil une volupté incomparable, et le désir d'avancer que chaque pas réalise.
Unis par le désir de réussir dans notre entreprise, nous nous entendons à merveille. Mais en somme nous n'envisageons pas les choses sous le même angle. Peter, tous les soirs, me répète comme un refrain : "Soixante lis de moins d'ici Londres !" C'est pour me taquiner, et je le prie de se taire, car je veux oublier que le retour est inévitable. Je suis même sans désir de retour. Je souhaiterais que le voyage pût se prolonger toute la vie ; rien ne m'attire en Occident où je sais bien que je me sentirai seule parmi mes contemporains, dont les préoccupations me sont devenues étrangères.
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Le bonheur le voilà : cette ivresse que crée un instant d’équilibre entre un passé qui nous satisfait et un avenir immédiat riche de promesses. (…) Un fou rire de gamine s’empare de moi tandis que je bourre les côtes de Peter de coups de coude, incapable d’exprimer autrement la joie qui bouillonne en moi. (p. 262, Chapitre 12, “En Kachgarie”, Partie 2, “L’imprévu”).
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Pilniak qualifie Tachkent de ville extraordinairement ennuyeuse ; il parle sans doute de la moitié russe de cette immense capitale de 500 000 âmes, si tant est qu’on puisse, comme dit Kisch, compter au nombre des âmes les communistes qui la nient et les femmes musulmanes auxquelles le Coran en refuse une.
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Une joie unique est en moi : quoiqu'il me semble toujours naturel d'être là où je me trouve, je sais que cette arrivée à Kachgar, évoquée tant de fois, nous avait semblé chimérique à Pékin. La chance aidant, nous avons réussi. Et la réussite de cette traversée restera sans rivale dans mon expérience. En effet, l'Asie est unique, et pour moi qui aime surtout les vieux pays primitifs, il n'y a pas de continent qui lui soit comparable. Le bonheur le voilà : cette ivresse que crée un instant d'équilibre entre un passé qui nous satisfait et un avenir immédiat riche de promesses. [...] Un fou rire de gamine s'empare de moi tandis que je bourre les côtes de Peter de coups de coude, incapable d'exprimer autrement la joie qui bouillonne en moi. (p 262)
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Où qu'on aille, partout la guerre imminente... Jusqu'au cœur de la Chine pacifiste où jusqu'à aujourd'hui le métier de soldat était considéré comme le plus vil ! La guerre moderne, la nécessité de s'armer, de militariser un pays pour qu'il puisse défendre son indépendance, voilà le cadeau que l'Occident aura apporté à l'Extrême-Orient. Pour unifier quatre cents millions de paisibles Chinois, afin de pouvoir les militariser efficacement, il faut semer la haine d'une nation voisine, seul levier qui soit assez puissant... Le beau progrès !
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Enfin quand il n'y a vraiment rien que les montagnes, la carcasse des bêtes abandonnées et le sable, le seul cheminement quotidien, la grande dérive du voyage, prend son sens véri­table et, pour celui qui s'y abandonne, sécrète une sorte de bonheur. Je suis resté dans l'ombre bénéfique de cette lecture longtemps après l'avoir achevée. Je crois que le princi­pal mérite de ce récit magnifique est d'être aussi un livre heureux. Sur l'exemplaire qu'elle m'a donné, l'au­teur a écrit « un voyage où il ne se passe rien, mais ce rien me comblera toute ma vie ».Nicolas Bouvier préface
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Il ne faut rien prévoir de rationnel en Chine où le proverbe dit : Monsieur Peut-être a épousé Madame Doucement et leur fils s’appelle Ça Ira !
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Nous ne rencontrerons plus de marchés. Tout a été acheté, mis en caisse ou en sac : les briques de thé aggloméré et le coutil pour nos marchandages avec les indigènes, l'orge pour les chevaux, les selles, musette, cravaches, entraves, haches, cordes, etc. J'ai passé mes soirées à me ressouvenir de tout ce dont j'ai eu besoin lors d'expéditions précédentes.

J'ai voulu faire appel aux lumières de Peter, et il a découvert qu'il nous fallait un hameçon pour les poissons des rivières. A vrai dire, les cours d'eau, marqués en pointillé sur la carte, sont rares ou capricieux au Tsaidam. Heureusement, nous devons trouver des moutons qui feront la base de notre nourriture.
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Je suis toute à la curiosité de cet avenir incertain, au sentiment d’être délivrée désormais des obstacles des hommes ; toute à la joie de sentir que chaque jour, maintenant, sera neuf, et qu’aucun ne se présentera deux fois ; toute à mon application de n’observer plus qu’une seule règle :celle de marcher droit devant moi. (p. 85, Chapitre 9, “Far-West chinois”, Partie 1).
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